M. Gilles Lurton appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le nombre toujours aussi important de suicides chez les gendarmes et policiers en exercice. En 2017, après deux années de baisse en 2015 et 2016, 51 policiers et 17 gendarmes ont mis fin à leurs jours. À ce jour, depuis le début de l'année 2018, 31 gendarmes et 32 policiers ont également mis fin à leurs jours. Derrière ces chiffres, ce sont autant de familles endeuillées et l'on ne peut accepter cela. Si M. le député est parfaitement conscient que les forces de l'ordre sont particulièrement sollicitées pour répondre notamment à la menace terroriste et au maintien de l'ordre public, il faut entendre ce cri du cœur des forces de l'ordre. Alors que le prédécesseur de M. le ministre avait annoncé en mai 2018 un plan de mobilisation pour prévenir et amplifier la détection des personnels en difficulté, il est à craindre que cette année 2018 soit malheureusement une année noire pour les forces de l'ordre. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour répondre rapidement au malaise qui hante les forces de sécurité.
Le sujet du suicide, éminemment dramatique et complexe, est une préoccupation majeure du ministère de l'intérieur qui conduit de longue date une politique volontariste en la matière. La police nationale a déploré 35 suicides en 2018, et 10 depuis début 2019. La gendarmerie nationale a déploré 33 suicides pour l'année 2018. Les actions entreprises depuis de longues années ont permis de développer au sein de la police nationale une culture permettant de mieux détecter et prévenir les suicides et leurs tentatives. S'il est établi que les causes du suicide sont majoritairement d'ordre privé, la difficulté du métier de policier ne peut être éludée parmi les facteurs déclenchant un passage à l'acte. Il va de soi également que l'arme de service le facilite. Ce dernier aspect doit toutefois être rapporté à l'importance pour les policiers d'être armés pour être en mesure de protéger et de se protéger. Depuis 1996, la direction générale de la police nationale est dotée d'un service de soutien psychologique opérationnel qui compte 89 psychologues cliniciens répartis sur l'ensemble du territoire. Ils travaillent en collaboration avec les acteurs de l'accompagnement (médecine de prévention, etc.). La police nationale a également favorisé une réelle acculturation de ses personnels aux risques psycho-sociaux en généralisant les formations sur ce thème et en organisant l'intervention de psychologues dans les écoles de police. Par ailleurs, dans le souci d'améliorer la détection des personnels en difficulté, la réactivité et la prise en charge au niveau local, un programme de mobilisation contre le suicide a été lancé en 2017. Plusieurs groupes de travail, chargés de décliner de manière concrète les mesures de ce programme, ont été mis en place et devraient achever leurs travaux durant le premier trimestre 2019. La police nationale agit également sur les causes « socio-organisationnelles » du suicide en améliorant la qualité de vie au travail. La prévention du risque suicidaire en gendarmerie s'inscrit dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux. Le plan de prévention du risque suicidaire, présenté au ministre de l'intérieur en février 2018, est construit sur 3 niveaux de prévention (primaire : poursuivre et renforcer la politique de prévention des risques psychosociaux (RPS) engagée depuis 2013 / secondaire : former l'encadrement et sensibiliser l'ensemble des personnels / tertiaire : renforcer l'accompagnement et la prise en charge psychologique des personnels). La dernière action menée a été une journée de réflexion autour de la prévention de ce risque. Articulée sous la forme de 4 tables rondes thématiques (état des lieux, regards croisés, communication responsable, nouvelles perspectives), elle s'est déroulée à la direction générale de la gendarmerie nationale le 15 novembre 2018. Elle a rassemblé 240 personnes (professionnels de l'accompagnement, directeurs, commandants de formations administratives, instances représentatives du personnel civil comme militaire, associations professionnelles). Des intervenants extérieurs ont apporté un éclairage complémentaire (ministère de la défense Belge, service de santé des armées, police nationale, brigade de sapeurs-pompiers de Paris). Une démarche à la fois quantitative (réalisation d'un sondage auprès de 25 000 personnels) et qualitative (réalisation d'états des lieux au niveau local des situations professionnelles fragilisantes) a par ailleurs été menée pour identifier les situations à risque pour la santé mentale et physique des personnels. L'ensemble des facteurs de risque pouvant générer du mal-être collectif ou individuel ont ainsi été identifiés et pris en compte dans le cadre d'une démarche complète de prévention des RPS et d'amélioration de la qualité de vie au travail, renforcée depuis 2013 au profit de l'ensemble des personnels. L'analyse des situations professionnelles fragilisantes identifiées dans chaque formation administrative constitue le plan de prévention des RPS en gendarmerie.
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