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Bastien Lachaud
Question N° 15165 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 18 décembre 2018

M. Bastien Lachaud appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conditions d'élevage et d'abattage dans la filière piscicole. En 2013, pour la première fois, les hommes ont consommé plus de poissons issus de l'élevage que de la pêche, selon un rapport de la FAO. Ce bouleversement représente l'équivalent de la révolution néolithique, où pour la première fois les groupes humains ont tiré leur alimentation davantage de l'agriculture et de l'élevage, que de la chasse et la cueillette, sécurisant ainsi leurs sources d'alimentation. Si le croisement des courbes est significatif, l'évolution est tendancielle depuis des dizaines d'années, car la production issue de la pêche est confrontée à la raréfaction de certaines espèces due à la surpêche et à des techniques de pêche dévastatrices comme les chaluts profonds ou la pêche électrique. La régulation de la pêche par la politique des quotas a entraîné une relative stagnation des captures déclarées depuis milieu des années 1980, alors que la pisciculture a fortement progressé au point de dépasser la pêche. La pisciculture a souvent été présentée comme la solution au problème de la surpêche, qui raréfie les ressources halieutiques et menace l'équilibre des écosystèmes. En 2014, la production globale du secteur a atteint les 73,8 millions de tonnes dont un tiers de mollusques, crustacés et autres animaux. Pourtant, l'élevage dépend encore en partie de la pêche, car sur les 90 millions de tonnes de poissons pêchés chaque année, environ un quart sert à nourrir les poissons d'élevage. En conséquence, ce poisson-fourrage est aussi menacé par la surpêche. Pour y remédier, les poissons sont nourris aussi avec des produits végétaux. Pourtant, certains poissons carnivores comme les saumons ne peuvent pas s'accommoder d'une alimentation complètement végétarienne : l'unité de recherche sur la nutrition des poissons à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) travaille sur une « solution génétique » pour sélectionner les poissons qui mangent le moins de protéines d'origine animale. L'élevage des poissons n'est donc pas en soi une solution au problème de la surpêche. Mais son développement jusqu'à représenter des filières industrielles pose en outre la question des conditions de vie de poissons. Puisque la question ne se posait pas pour les poissons sauvages, les conditions de vie des poissons d'élevage sont assez peu réglementées. En effet, l'aquaculture ne représentait que 0,6 millions de tonnes dans les années 1950, et 7,2 dans les années 1980, avant de connaître une très forte expansion : la réglementation d'aujourd'hui n'est pas adaptée. Des associations de protection animale ont récemment dénoncé l'opacité entourant les pratiques dans les élevages et les abattoirs en aquaculture à travers plusieurs enquêtes en France qui mettent en lumière la sélection génétique et l'état sanitaire déplorable des poissons. Les poissons souffrent en silence, car l'oreille humaine ne peut pas les entendre, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne souffrent pas. Car ceux-ci sont élevés dans des densités très importantes dans les bassins, à la limite de la saturation, empêchant les poissons de se mouvoir normalement. La densité peut atteindre, selon les espèces, jusqu'à 50 kilos par mètre cube. En conséquence, ils souffrent du manque hygiène et d'oxygène dans les bassins. Pour endiguer les maladies liées à une telle promiscuité, ils reçoivent des nombreux additifs dans leur alimentation ainsi que des antibiotiques qui augmentent l'antibiorésistance, mais aussi antifongiques et autres pesticides qui contaminent les eaux. Un virus a ainsi décimé les fermes à saumons au Chili, où une épidémie d'anémie infectieuse du saumon (AIS) s'est propagée depuis 2007. Au Canada, des poux de mer qui ont contaminé les saumons, mais à force d'être traités avec un pesticide - la cyperméthrine - l'insecte aquatique y est devenu résistant. Les saumons qui s'échappent vont par ailleurs contaminer leurs congénères sauvages, répandant les épidémies. Par ailleurs, les souffrances inhérentes au transport et à l'abattage (sans étourdissement, puisqu'il n'est pas obligatoire pour les poissons) ont également été relevées. L'INRA et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) reconnaissent pourtant les poissons comme des êtres sensibles et des animaux sociaux ayant des besoins biologiques et comportementaux spécifiques. 91 % des Français considèrent que les poissons devraient être au moins autant protégés que les autres animaux d'élevage (sondage ComRes pour Eurogroup for Animals et CIWF, 2018). Or la réglementation encadrant la production de poisson en France et en Europe ne prévoit presque rien en termes de limitation de leur souffrance. À ce titre, il ne semble pas y avoir de différence significative entre les élevages conventionnels et ceux de l'agriculture biologique. Enfin, le plan de filière établi par l'interprofession concerne uniquement des objectifs de rentabilité et n'apporte pas de réponse aux souffrances endurées par les poissons. Il ne répond pas non plus aux attentes légitimes de plus en plus exprimées par la société pour limiter la souffrance des animaux d'élevage, et offrir aux poissons d'élevage des conditions de vie compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce, en termes de sociabilité, d'alimentation, et d'espace, ainsi qu'une protection par des textes contraignants au moins similaire à celle des autres animaux d'élevage. Aussi, souhaite-t-il apprendre du ministre les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour renforcer les normes encadrant les conditions d'élevage et de mise à mort des poissons dans la filière piscicole, afin de diminuer leur souffrance, et enrayer la propagation des épidémies entrainées par la trop grande concentration dans un même espace, et quelles études sont faites relatives aux conséquences de l'utilisation de la « solution génétique » visant à pouvoir alimenter les poissons normalement carnivores avec des produits végétaux.

Réponse émise le 1er janvier 2019

Les réglementations communautaire et nationale s'attachent à protéger les poissons, au même titre que l'ensemble des animaux de rente terrestres. Plus précisément, au sein de l'Union européenne, la directive 98/58/CE du conseil définit des normes minimales relatives à la protection des animaux dans les élevages, y compris pour les poissons. Le transport est quant à lui couvert par le règlement (CE) n° 1/2005 relatif à la protection des animaux en cours de transport. En revanche, les recommandations relatives aux poissons d'élevage n'ont pas été incluses dans le règlement (CE) n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Cependant, le considérant (11) précise que « les dispositions applicables aux poissons devraient pour le moment se limiter aux principes clés. » Ainsi, les prescriptions énoncées à l'article 3, paragraphe 1, s'appliquent : « Toute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes. » D'autres organisations internationales ont également émis des recommandations et défini des lignes directrices concernant le bien-être des poissons : - en 2005, le conseil de l'Europe a adopté une recommandation concernant le bien-être des poissons d'élevage ; - en 2008, l'organisation mondiale de la santé animale (OIE) a adopté des lignes directrices sur le bien-être des poissons, qui précisent des exigences en matière de transport, d'étourdissement et de méthodes d'abattage. Ces recommandations sont regroupées au sein du titre 7 du code aquatique de l'OIE. Les divers acteurs, professionnels, scientifiques, gestionnaires et consommateurs s'intéressent de plus en plus aux pratiques d'élevage et de pêche utilisées ainsi qu'aux risques relatifs au bien-être qui y sont liés. Par exemple, la réflexion sur la souffrance des poissons en pisciculture a débuté et fait l'objet de discussions et d'échanges notamment au niveau communautaire. Deux rapports ont ainsi été publiés par la Commission européenne : le premier en septembre 2017, « Bien-être des poissons d'élevage : pratiques courantes de transport et d'abattage » et le deuxième en mars 2018, « Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la possibilité d'introduire certaines prescriptions relatives à la protection des poissons au moment de leur mise à mort ». La Commission européenne a également institué en 2017 une plateforme d'échange sur le bien-être animal, à laquelle participe la France. Le bien-être des poissons pendant les phases d'élevage, de transport et d'abattage ont ainsi fait l'objet d'échanges au sein de cette instance le 21 juin 2018. Depuis les années 2010, la profession piscicole française s'est engagée dans une démarche responsable qui s'est traduite notamment par des engagements sur les conditions d'élevage, les installations et les conditions d'abattage, garantissant le respect du bien-être des poissons, à travers l'élaboration d'un cahier des charges unique, élaboré par la commission « durabilité » de l'interprofession piscicole, incluant l'ensemble des parties prenantes (dont WWF). En outre, à la suite des états généraux de l'alimentation, la filière a élaboré un plan de filière contenant une action spécifique sur le bien-être animal (recherche et formalisation de nouveaux indicateurs du bien-être animal, construction d'un outil d'aide au pilotage du bien-être animal dans les élevages grâce au travail d'identification des bonnes pratiques qui va également être mené).

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