M. Éric Alauzet interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le traitement des démembrements usufruit et nue-propriété dans le cadre de successions familiales suite à l'adoption de l'article 109 du PLF 2019. L'article 109 du PLF opère une extension de l'abus de droit qui caractérisera désormais, à compter du 1er janvier 2020, un acte à but « principalement » fiscal et non plus « exclusivement » fiscal. L'enjeu de cette nouvelle rédaction est de limiter les démarches d'optimisation fiscale. Cette modification ne concerne pas uniquement l'immobilier, elle vise avant tout les transmissions de parts et possède des impacts plus larges en matière de lutte contre l'optimisation fiscale agressive. Avec la rédaction précédente, l'optimisation fiscale était largement facilitée, particulièrement pour les entreprises mais aussi en matière de successions des particuliers. Néanmoins, la nouvelle rédaction soulève une question pour les successions familiales utilisant la procédure de démembrement. En attendant une éventuelle refonte plus profonde du régime de succession, pour plus d'égalité sociale, il semble nécessaire de clarifier les conditions sous-lesquelles ce procédé pourrait être considéré comme abusif pour la transmission de biens immobiliers entre membres d'une même famille. Ce besoin de clarté est d'autant plus important que ce montage est très pratiqué par les Français - et pas uniquement par les plus riches d'entre eux - de par sa relative simplicité. Si le plus sûr moyen d'obtenir une réponse précise de l'administration reste pour le contribuable le rescrit, il lui demande de préciser quelles « clefs » permettront de distinguer un but principalement fiscal d'un autre but en matière de démembrement et les conditions d'application de la nouvelle disposition sur les biens immobiliers transmis dans les familles.
Le nouvel article L. 64 A du livre des procédures fiscales (LPF) permet à l'administration d'écarter comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Afin de répondre aux craintes exprimées sur ce nouveau dispositif, il ne s'agit pas de restreindre le recours aux démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, lesquelles sont, depuis de nombreuses années, encouragées par d'autres dispositions fiscales. A cet égard, il peut être constaté notamment que les articles 669 et 1133 du code général des impôts (CGI), qui, respectivement, fixe le barème des valeurs de l'usufruit et de la nue-propriété, d'un bien et exonère de droits la réunion de l'usufruit à la nue-propriété, n'ont pas été modifiés. Ainsi, la nouvelle définition de l'abus de droit telle que prévue à l'article L 64 A du LPF n'est pas, en tant que telle, de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l'usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives. L'administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables. Enfin, les précisions sur les modalités d'application de ce nouveau dispositif vont être prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.