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Cécile Muschotti
Question N° 16124 au Ministère de la culture


Question soumise le 22 janvier 2019

Mme Cécile Muschotti appelle l'attention de M. le ministre de la culture sur la protection accordée aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle. Fondée sur des principes d'équilibre, elle garantit aux artistes-interprètes, aux côtés de droits dits exclusifs, des rémunérations complémentaires pour les utilisations qui sont faites de leurs enregistrements. Prévus par deux traités internationaux (Convention de Rome de 1961 et traité OMPI de 1996) et la directive 2006/115/CE du 12 décembre 2006, cette rémunération pour toute radiodiffusion et toute communication au public de phonogrammes du commerce, perçue auprès des diffuseurs, bénéficie, selon l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, pour moitié aux artistes-interprètes et pour moitié aux producteurs. Ce dispositif, qui couvrait initialement la radiodiffusion et la communication de ces phonogrammes dans les lieux publics, a été complété par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, de façon à couvrir le webcasting. Les autres services sont exclus de ce régime de rémunération équitable, au profit de celui du droit exclusif des titulaires de droits voisins. Cependant, la question de la juste part des sommes dues aux artistes-interprètes au titre de la diffusion de phonogrammes du commerce incorporés dans des programmes audiovisuels (web TV et télévision hertzienne), dans un spectacle vivant ou lors d'expositions d'œuvres d'arts plastiques, graphiques ou photographiques n'est pas réglée par l'article L. 214-1 du code la propriété intellectuelle qui exclut ces cas de l'application du régime de la rémunération équitable. En outre, dans le domaine musical comme dans le domaine audiovisuel, la diffusion des œuvres enregistrées a lieu par le moyens d'internet en plus des canaux classiques de diffusion, notamment dans le cadre de dispositifs interactifs dits « à la demande ». Les plateformes permettant l'écoute ou la visualisation en flux à la demande (« streaming »), ainsi que le téléchargement à la demande, exploitées par exemple par iTunes, Netflix, Deezer, n'autorisent aucune rémunération des artistes-interprètes à ce titre : seuls les artistes sous contrat d'exclusivité obtiennent une rémunération proportionnelle aux recettes générées par de telles exploitations, mais d'un montant souvent dérisoire. Le dispositif introduit par la loi du 7 juillet 2016, consistant en l'article L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle destiné à garantir une « rémunération minimale » des artistes-interprètes dans le cadre du recours à des accords syndicaux collectifs, s'avère insuffisant : il exclut de la garantie de rémunération l'ensemble des artistes-interprètes fixés à l'étranger, dont des artistes français ; il présente le risque d'une évasion des recettes et fausse l'assiette de calcul des recettes à partager ; il expose les artistes-interprètes à un risque de spoliation de leurs droits ; il n'impose pas l'intervention d'un organisme de gestion collective. Elle souhaite connaître l'analyse que le Gouvernement donne du système global de rémunération des artistes-interprètes et lui demande quelle voie il entend emprunter afin de mieux l'organiser afin que ceux-ci voient leur œuvre plus équitablement rémunérée.

Réponse émise le 5 avril 2022

Le Gouvernement est particulièrement attaché aux enjeux de partage de la valeur entre les différents acteurs de la filière musicale, et en particulier à l'égard des artistes interprètes. Face aux bouleversements économiques générés par le développement des usages numériques, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a introduit dans le code de la propriété intellectuelle (CPI) une première série d'évolutions visant à davantage encadrer la relation entre les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes via plusieurs mesures : l'encadrement des contrats, la reddition des comptes, la distinction entre le cachet et les rémunérations perçues au titre de l'exploitation de l'enregistrement, l'extension du régime de la licence légale mentionnée à l'article L. 214-1 du CPI aux services de radio par internet non interactifs et le principe d'une garantie de rémunération minimale au profit des artistes interprètes pour les diffusions en streaming des phonogrammes. L'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 ayant opéré une transposition partielle en droit français de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le « droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » est venue compléter ces avancées pour les artistes interprètes. Elle tire notamment les conséquences en droit français du principe de rémunération appropriée et proportionnelle prévu par la directive pour les créateurs et les artistes interprètes et renforce les obligations de transparence à leur bénéfice. En application de cette obligation de transparence, tout bénéficiaire d'un contrat d'exploitation par lequel un auteur ou un artiste interprète a cédé tout ou partie de ses droits sera tenu à une reddition des comptes a minima annuelle. L'auteur ou l'artiste interprète pourra demander des informations complémentaires détenues par des sous exploitants en cas d'information insuffisante sur les résultats de l'exploitation de son œuvre. Enfin, ils bénéficieront de nouveaux droits dans la relation avec les exploitants de leurs œuvres à travers un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue au contrat, si celle-ci se révèle exagérément faible par rapport à l'ensemble des revenus ultérieurement tirés de l'œuvre, et une possibilité de résiliation en cas d'absence totale d'exploitation de l'œuvre. L'ordonnance renvoie, comme le permet la directive, aux accords collectifs ou aux accords professionnels le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de certaines de ces dispositions. Les conventions collectives et accords existants déjà conformes n'auront pas besoin d'être renégociés. L'ordonnance comprend également des dispositions spécifiques qui permettent de s'assurer, en particulier dans le secteur de la musique et dans le secteur de l'audiovisuel, de la mise en œuvre effective des nouvelles dispositions au profit des auteurs et des artistes interprètes (ex : rémunération minimale garantie au titre de l'article L. 212-14 du CPI). Ainsi, le dispositif de garantie de rémunération minimale au profit des artistes interprètes introduit en 2016 pour le streaming des phonogrammes est modifié, afin de poursuivre la négociation professionnelle, puisqu'une nouvelle durée d'un an à compter de la publication de l'ordonnance est prévue. Le champ des participants à la négociation en cours pour fixer le niveau de cette garantie est par ailleurs élargi aux organismes de gestion collective. Enfin, la licence légale couvre désormais les principaux modes de communication au public des phonogrammes du commerce (radio, télévision, radio sur internet linéaire, diffusion dans les lieux publics,…). Son extension aux autres modes de communication soulève des questions d'inconstitutionnalité, comme l'a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017, au regard des risques d'atteintes disproportionnées au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle.

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