Mme Sabine Rubin alerte Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur la situation financière préoccupante des universités. Force est de constater que malgré les alertes répétées du groupe parlementaire La France insoumise lors du vote des deux précédents PLF, le monde universitaire pâtit grandement des politiques d'austérité des gouvernements successifs et d'un progressif désengagement de l'État qui mettent aujourd'hui gravement en péril un monde universitaire déjà budgétairement exsangue. Ainsi l'Université de Lille a dû procéder à des coupes sombres dans ses effectifs pour pallier le déficit qui l'accable, une cinquantaine de postes gelés pour les personnels administratifs et les enseignants-chercheurs. La précarisation du monde universitaire s'explique également par cette mauvaise santé financière. En l'absence d'une dotation suffisante par l'État, les universités préfèrent avoir recours à des vacataires et contractuels. À titre d'exemple, un maitre de conférence en début de carrière « coûte » environ 24 600 euros par an, contre à peine 7 800 pour un vacataire. Les causes de cette mise sous tension financière sont multiples. Tout d'abord, un investissement insuffisant au regard de l'augmentation prévisible du nombre d'élèves, si entre 2010 et 2016 le nombre d'étudiants a augmenté de près de 12,7 %, les effectifs d'enseignants-chercheurs n'augmentaient eux que de 0,2 %. À cela, il faut encore ajouter la reprise d'une inflation en 2018 qui grignote inexorablement les maigres compensations obtenues. Mais c'est surtout de manière structurelle que le problème se trouve posé, la France consacrait en 2015 à peine 1,5 % de son PIB à l'enseignement supérieur et à la recherche, contre 2,3 % en moyenne au sein des pays de l'OCDE. Le Gouvernement entend pallier ce déficit des universités en augmentant les frais de scolarité pour les étrangers hors UE. Or une telle mesure n'est pas sans poser de graves problèmes au regard du principe de la gratuité de l'accès à l'enseignement que garantie pourtant la Constitution, et cela à tous les échelons. Une telle augmentation serait également de nature à renforcer les inégalités entre établissements, certaines filières étant plus attractives que d'autres pour les étrangers hors UE. D'ores et déjà Rennes 2, Lyon 2, Aix-Marseille, Paris-Nanterre et Clermont Auvergne ont annoncé qu'en l'absence d'une véritable concertation avec le ministère, elles n'appliqueraient pas cette mesure qui contrevient à la conception républicaine de l'enseignement supérieur. Par ailleurs, le relèvement des frais de scolarité pourrait également conduire à un désengagement supplémentaire de l'État, trop heureux de se décharger de certaines de ses obligations et missions essentielles. C'est aussi ouvrir la porte à un recours accru au prêt bancaire de la part des étudiants pour financer leurs études, avec les conséquences dramatiques que l'on a pu déjà observer aux Etats-Unis, où l'emprunt étudiant épuise les élèves issus des classes populaires et moyennes, et nourri une bulle spéculative qui représente un grave facteur d'instabilité pour l'économie du pays. Au regard de ces nombreux éléments qui alarment sur l'avenir de la jeunesse, elle souhaite donc savoir quelles mesures de financement le ministère mettra-t-il en place afin de pallier la situation financière préoccupante des universités.
Les données disponibles les plus récentes relatives à la situation financière consolidée des établissements d'enseignement supérieur traduisent une tendance à l'amélioration de celle-ci, et notamment un recul du nombre d'établissements concernés par une perte comptable. En effet, au terme de l'exercice 2017, seuls 10 des 105 (9,5 %) établissements d'enseignement supérieur passés aux responsabilités et compétences élargies (RCE) affichaient une perte comptable dans le cadre de l'adoption du compte financier, soit quatre établissements de moins que l'année précédente (14) et huit de moins qu'en 2015 (18 après neutralisation de l'effet du prélèvement sur fonds de roulement). En outre, l'évolution des autres indicateurs financiers des 105 établissements d'enseignement supérieur RCE confirme cette tendance au renforcement de leur situation financière consolidée. D'une part, le fonds de roulement cumulé de cet ensemble s'élève à 2,109 Md€ en 2017, affichant une progression de 12 % par rapport à l'année précédente (1,888 Md€) et de 20 % par rapport à 2015 (1,757 Md€), d'autre part, leur trésorerie cumulée a également progressée en 2017, avec une augmentation de 15 % par rapport à l'année précédente (3,059 Md€ contre 2,657 Md€ en 2016) et de 16 % par rapport à 2015 (2,631 Md€). En définitive, le recul en 2017 du nombre d'établissements d'enseignement supérieur passés aux responsabilités et compétences élargies affichant une perte comptable s'est inscrit dans un contexte général de renforcement de leur situation financière consolidée sur la période 2015-2017. - Sur la situation financière de l'université de Lille : La situation financière de l'université de Lille (constituée par la fusion au 1er janvier 2018 des universités Lille 1, 2 et 3) a été fragilisée par l'érosion de l'assise financière de l'université Lille 1. En effet, l'université de Lille 1 (pesant pour près de la moitié du total des dépenses des trois établissements en 2017) a connu une perte comptable de 2,9 M€ en 2014 et de 3,4 M€ en 2017. A l'inverse, les universités de Lille 2 et 3 se sont engagées dans le rapprochement avec des situations financières satisfaisantes. En outre, la constitution de l'université de Lille a bénéficié du soutien financier de l'État à hauteur de 2,5 M€, dont 1 M€ en 2016 et 2017 et 0,500 M€ en 2018. En conséquence, les contraintes financières de l'université de Lille sont majoritairement liées à la dérive de la situation de l'université Lille 1 sur la période 2014-2017. Dans une optique de maitrise de ces contraintes, l'équipe présidentielle de l'université de Lille a présenté au conseil d'administration du 4 octobre 2018, une note stratégique présentant un plan de redressement visant à redresser les comptes de l'université afin d'augmenter la capacité d'autofinancement et le fonds de roulement en maîtrisant la masse salariale, et à augmenter les ressources propres de l'établissement. Cette volonté de redressement s'est traduite dans le second budget rectificatif de l'année 2018 de l'université de Lille (conseil d'administration du 22 novembre 2018), lequel tangente une trajectoire d'équilibre financier. Au-delà, le budget initial 2019 consacre le retour à l'équilibre financier de l'université de Lille, avec un résultat prévisionnel de 0,6 M€. - Sur l'effort de la France en matière d'enseignement supérieur : Malgré les contraintes durables qui pèsent sur les comptes publics, les moyens consacrés aux universités et aux autres établissements d'enseignement supérieur progressent chaque année de manière significative. L'État finance non seulement les décisions nationales générant un coût pour la masse salariale des établissements – création de l'indemnité compensatrice de la hausse de la CSG, protocole PPCR, hausse de la valeur du point d'indice notamment, qui à eux trois représentent près de 300 M€ dans les dotations allouées cette année – mais aussi l'intégralité des réformes qu'il mène avec les universités dans le cadre du plan étudiants. Au seul titre de l'année universitaire 2018-2019, ce sont plus de 127 M€ qui ont été allouées pour permettre aux universités d'accueillir plus d'étudiants dans les filières les plus demandées, d'améliorer la qualité de cet accueil par la création de dispositifs et parcours personnalisés ainsi que par le financement de projet d'investissement, ou encore de rétribuer les personnels assumant les nouvelles missions relatives à la pédagogie et à l'orientation, en premier lieu la direction des études et l'examen des dossiers dans le cadre de la nouvelle plateforme Parcoursup. Cet accompagnement sera renouvelé en vue de la rentrée 2019, avec des moyens additionnels significatifs pour de nouvelles créations de places dans les filières en tension en première et deuxième année, un renforcement de l'offre de dispositifs et parcours de réussite, ou encore la reconnaissance de l'engagement pédagogique des personnels de l'enseignement supérieur. Il convient enfin de rappeler que l'État consacre en parallèle 450 M€ aux universités dans le cadre du troisième programme d'investissement d'avenir, au titre notamment des « nouveaux cursus à l'université ». La mise en place de droits d'inscription différenciés et d'un nouveau régime d'exonérations s'insère dans une stratégie globale d'amélioration de l'accueil des étudiants internationaux et de développement de l'attractivité de l'enseignement supérieur français, dans un contexte de concurrence internationale accrue. Cette stratégie « Bienvenue en France », annoncée par le Premier ministre en novembre 2018, repose sur trois piliers : l'amélioration de l'accueil, la mise en place d'un système de droits différenciés et d'exonérations spécifiques et le soutien à la projection des établissements à l'étranger. Ces trois piliers sont indissociables : les ressources nouvelles que les établissements recevront dans le cadre de ces droits différenciés seront affectées à l'amélioration de l'accueil et à un système redistributif d'exonérations, permettant d'accueillir les étudiants internationaux qui ne seront pas en possibilité d'acquitter les nouveaux droits. Il ne s'agit donc en aucun cas d'un désengagement de l'État, mais bien d'un nouvel outil donné aux universités et aux écoles pour développer leur stratégie internationale. Bien plus, l'État accompagne la mise en place de cette dynamique à travers des fonds d'amorçage composés de crédits nouveaux : 10 M€ alloués par le MESRI (ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation) en faveur de l'amélioration de l'accueil dès cette rentrée 2019, 2 M€ alloués par le MEAE (ministère de l'Europe et des affaires étrangères) pour soutenir les projets d'internationalisation en Afrique. La stratégie « Bienvenue en France » représente une dynamique inédite en faveur de l'attractivité de notre enseignement supérieur. Ce mouvement s'appuie bien évidemment sur le réseau de nos établissements ; certains d'entre eux ont déjà défini des stratégies propres, construites et précises. Pour ceux-ci, la possibilité de mettre en place des droits différenciés et des exonérations ciblées a déjà été saisie : plusieurs universités, parmi les plus importantes en termes d'accueil d'étudiants étrangers, ont ainsi déjà pris des délibérations pour appliquer la réforme dès cette rentrée. Pour d'autres, un temps de réflexion est nécessaire pour définir cette stratégie ; ces établissements ont donc choisi de mettre en place un régime d'exonérations générales pour cette rentrée, afin de se donner la capacité de conduire cette réflexion importante. Cette capacité leur est pleinement ouverte grâce aux textes réglementaires parus le 19 avril 2019 : le plafond d'exonérations existant permettra en effet aux établissements qui le souhaitent d'exonérer largement à cette rentrée en restant dans le cadre de ce plafond. La stratégie « Bienvenue en France » connaîtra ainsi une mise en œuvre progressive, tenant compte des spécificités et des stratégies de chaque établissement ; mais le principe général de l'importance de l'attractivité de notre enseignement supérieur est désormais affirmé, et la dynamique est engagée.
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