Mme Marie-France Lorho attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le traité d'Aix la Chapelle devant être signé par la France et l'Allemagne le 22 janvier 2019. Ce traité suscite l'inquiétude au sein de la classe politique. Cette inquiétude est parfois injustifiée mais s'explique à plusieurs égards. Ce traité prévoit une approche commune en matière d'exportation d'armement. Dès lors la question se pose de savoir si la France sera liée, en raison de cette approche commune par les marchés conclus par l'Allemagne. Car lorsqu'il s'agit de vendre des armes, on ne parle pas seulement de commerce mais également de sécurité internationale, une notion qui s'apprécie à l'échelle des intérêts de chaque nation. Cette convergence obligatoire ne concerne pas seulement la vente d'armes mais également la diplomatie, la défense et la politique étrangère. C'est ouvrir nos portes à l'ingérence. D'autre part ce traité prévoit de faire de l'admission de la République fédérale d'Allemagne en tant que membre permanent du conseil de sécurité des nations unies, une priorité. N'est-il pas plus prioritaire de faire entrer au conseil de sécurité des nations unies, des nations appartenant à des continents qui ne sont pas encore représentés, telles qu'une nation africaine ou sud-américaine ? Egalement, ce traité prévoit une harmonisation du droit des affaires dans les zones frontalières entre la France et l'Allemagne. Au-delà des problématiques que pose l'adoption d'un régime dérogatoire au droit commun, l'harmonisation du droit des affaires risque d'avoir un effet contraignant sur nos entreprises alors même que les chiffres du chômage sont encore élevés et qu'une politique incitative devrait être préférée. Enfin, il est prévu par les deux états d'instituer un « Conseil franco-allemand d'experts économiques » composé de dix experts économiques indépendants. Les modalités de désignations de ces experts sont floues et les garanties de leur indépendance le sont encore plus. La France a cédé une partie de sa souveraineté à l'Union européenne et de nombreuses contraintes, politiques, juridiques, économiques, ont suivi. Il convient de s'assurer qu'il n'en soit pas de même avec l'Allemagne. La question des eurodistricts inquiète particulièrement. Ce traité ne doit pas entériner l'abandon de notre souveraineté, protégée par notre Constitution. Il doit respecter l'équilibre qui sied à tout traité. Elle souhaiterait connaître son avis sur ce sujet.
Plusieurs coopérations capacitaires concrètes ont été lancées lors du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS) du 13 juillet 2017 puis confirmées au Sommet de Meseberg du 19 juin 2018. Ces projets répondent à un besoin avéré. Il s'agit en effet de favoriser la compétitivité et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne et de favoriser la coopération la plus étroite possible entre nos industries de défense. Le traité d'Aix-la-Chapelle ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale de la France mais fixe l'objectif d'une approche commune en matière d'exportations d'armement, afin notamment de ne pas nuire à nos projets communs de coopération industrielle. Une approche commune en matière d'exportation d'armement est essentielle pour assurer à nos industriels la sécurité juridique nécessaire, dès le lancement de ces programmes. Dès lors, le traité prévoit que "les deux États élaboreront une approche commune en matière d'exportation d'armement en ce qui concerne les projets conjoints". Il ne stipule en revanche rien sur les exportations dans le cadre des programmes nationaux, qui continueront à relever de la seule souveraineté nationale de chaque Etat. Pour augmenter le poids et l'influence des Etats européens au sein du Conseil de sécurité, la France et l'Allemagne confirment leur stratégie commune en faveur de l'élargissement du Conseil de sécurité aux deux catégories de membres, permanents et élus. Elle soutient la candidature de l'Allemagne, l'Inde, le Brésil, le Japon et deux Etats africains à des sièges permanents. Cet élargissement est indispensable pour renforcer la représentativité du Conseil de sécurité. C'est l'objectif de l'article 8 du chapitre 2 du traité d'Aix-la-Chapelle, qui est sans ambiguïté sur la portée de la réforme que la France et l'Allemagne entendent soutenir. Le traité prévoit enfin de doter les collectivités territoriales des "compétences appropriées, de ressources dédiées et de procédures accélérées" afin de surmonter les obstacles concrets pouvant se présenter dans le cadre de projets transfrontaliers, notamment par des adaptations ciblées du droit national, réglementaire ou législatif, quand cela est nécessaire. Ces mesures devront être prises dans le respect des règles constitutionnelles des deux pays, et ne sauraient constituer un abandon de souveraineté. Concernant le Conseil franco-allemand d'experts économiques, celui-ci est chargé d'adresser des "recommandations" en offrant une analyse croisée entre nos deux pays.
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