M. Sylvain Waserman interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la position de la France concernant le document d'orientation de l'EFSA de 2013 relatif à l'évaluation du risque pour les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires de l'usage de pesticides. En 2012, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un avis scientifique sur les méthodes d'évaluation des impacts des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages. Cet avis, adopté sur saisine de la Commission européenne, mettait alors en évidence les manquements des méthodes et des lignes directrices appliquées pour tester l'impact d'un pesticide avant son autorisation : « les effets à des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte » ; sur les tests semi-field, « des faiblesses ont été identifiées pour chacune des lignes directrices de test, comme la taille limitée de la surface de la culture, l'impossibilité d'évaluer toutes les voies d'exposition possibles des composés systémiques utilisés en traitement de semences ou de sols » ; « les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire » etc. Les molécules introduites dans les années 1990, comme les insecticides néonicotinoïdes, auraient ainsi pu passer sans aucun mal les tests d'homologation dans ces conditions. De nouveau à la demande de la Commission européenne, cet avis a conduit l'EFSA à publier en 2013 un document d'orientation pour une évaluation plus complète des impacts des pesticides pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages avec la mise en œuvre de méthodes d'évaluation plus poussées. Or, plus de cinq ans après la publication de ce rapport, ces nouvelles lignes directrices ne sont toujours pas entérinées par la réunion des États membres au sein du Comité d'experts « SCoPAFF », n'obligeant en aucun cas leur application par l'ANSES et plusieurs autres agences européennes sanitaires. Il semblerait d'ailleurs qu'il y ait encore eu « blocage » lors de la nouvelle réunion de ce Comité d'experts le 18 décembre 2018. Toutefois, quelques agences ont fait le choix d'appliquer ces nouvelles lignes directrices. Ainsi, l'EFSA applique d'ores et déjà ce document d'orientation pour l'évaluation de nouvelles substances actives, comme elle l'a annoncé dans plusieurs conférences. De plus, le ministre fédéral de l'agriculture belge a récemment annoncé que la Belgique étendra progressivement à tous les pesticides ces nouveaux tests indépendamment du contexte européen. La Belgique justifie ce choix par le fait que « d'un point de vue scientifique, il n'est pas acceptable d'ignorer des données robustes de toxicité sur des espèces vulnérables non-cibles, simplement parce qu'il n'y a pas de lignes directrices d'évaluation du risque généralement acceptées ». Alors que la situation des abeilles et des pollinisateurs sauvages est particulièrement grave, qu'une espèce d'abeilles sauvages sur dix est menacée et que les apiculteurs français perdent chaque année 30 % de leurs colonies d'abeilles, il est essentiel de pouvoir utiliser des méthodes scientifiquement viables permettant d'évaluer la réalité des impacts des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages. C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir faire connaître la position de la France sur ce document d'orientation de l'EFSA de 2013, en particulier la position défendue par la France en Comité « SCoPAFF » en ce qui concerne ce document. Aussi, il lui demande quelles sont les mesures envisagées par la France pour évaluer de la manière la plus complète possible les risques liés à l'impact des pesticides pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages.
Selon le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, les substances actives phytopharmaceutiques ne peuvent pas être approuvées par la Commission européenne lorsqu'elles présentent des effets inacceptables chroniques ou aigus sur le développement ou la survie des abeilles. En juillet 2013, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un document d'orientation « document on the risk assessment of plant protection products on bees (apis mellifera, bombus spp. and solitary bees) » relatif à l'évaluation du risque pour les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires. Les bases de ce travail avaient été posées en avril 2012, lorsque le groupe scientifique sur les produits phytopharmaceutiques de l'EFSA avait publié un avis établissant les fondements scientifiques pour le développement du document orientation. Le document de 2013 propose une évolution des méthodes d'évaluation, avec l'objectif d'évaluer plus complètement les risques, non seulement pour les abeilles mais aussi pour d'autres insectes pollinisateurs. Le document a fait l'objet depuis sa publication par l'EFSA de nombreux échanges entre les experts des États membres. Certains États membres considèrent d'ailleurs dans l'ensemble que certains moyens à mobiliser pour conduire les évaluations préconisées sont peu réalistes. De ce fait, les discussions n'ont pas encore abouti et le document n'a pas encore été adopté par la Commission européenne. La complexité des méthodes proposées et l'absence de validation pour certaines d'entre elles, constituent le principal obstacle. Pour faciliter son adoption, la Commission avait élaboré à l'été 2018 un projet de notice destiné à préciser les modalités d'application échelonnée dudit document. Ce projet proposait ainsi une mise en œuvre progressive de la méthode d'évaluation, pour l'examen des substances actives et des préparations commerciales, avec une première étape pour les demandes déposées après juin 2019 suivie d'une deuxième étape pour les demandes postérieures à juin 2021. Les autorités françaises avaient accueilli positivement le projet de la Commission présenté lors du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l'alimentation animale (CPVADAAA) des 19 et 20 juillet 2018. Compte tenu des réserves exprimées par certains États membres, la Commission avait revu l'annexe du projet de notice. Le projet révisé transmis le 26 octobre aux États membres limitait l'évaluation à la toxicité aiguë pour les abeilles domestiques pour les demandes d'approbations et d'autorisations déposées à partir de juin 2019. La France a toujours continué à défendre une position ambitieuse lors des différents CPVADAAA. Cette position avait été également affirmée par deux notes des Autorités françaises en septembre et décembre 2018. Depuis mars 2019, à la demande de la Commission européenne, l'EFSA est en train de réviser le document d'orientation initial publié en 2013. Le document devrait être finalisé pour 2021. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) applique la réglementation européenne en vigueur, aussi bien en termes de données à fournir pour l'évaluation des effets sur les abeilles conformément au règlement (UE) N° 284/2013, que de méthodes d'essai et de lignes directrices à utiliser (documents-guides de la Commission européenne). Ces éléments permettent de s'assurer que les substances actives autorisées n'ont pas d'effets inacceptables aigus ou chroniques sur la survie et le développement des colonies, conformément aux principes établis par le règlement (CE) n° 1107/2009. Enfin, le laboratoire de Sophia-Antipolis de l'Anses, qui est laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, poursuit ses travaux de recherche et de surveillance des populations d'abeilles. L'un de ses objectifs est de mieux comprendre le rôle respectif des différents facteurs de stress, dont les résidus de produits chimiques, dans les phénomènes d'affaiblissement, d'effondrement ou de mortalité des colonies d'abeilles. Le plan d'actions interministériel sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides du 25 avril 2018 a prévu le renforcement des dispositions réglementaires concernant la protection des pollinisateurs, sur la base d'un avis de l'ANSES rendu public en février 2019. Les travaux relatifs à ce renforcement réglementaire sont en cours, au sein d'un groupe de travail qui rassemble l'ensemble des parties prenantes.
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