M. Vincent Rolland interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les problématiques soulevées par la dématérialisation des démarches administratives. Alors que la France consacre 3 % de son PIB aux dépenses sociales, près de 15 % de la population française demeure en situation de pauvreté. Pire encore, les prestations sociales ne bénéficient en moyenne qu'à deux personnes sur trois éligibles. Il y a donc un véritable problème d'accès aux droits sociaux dans notre pays, et on ne peut pas le résumer uniquement à un manque de moyens alloués. Le numérique est aujourd'hui un outil d'information et de démarches administratives majeurs. Le Gouvernement français a annoncé qu'en 2022 l'ensemble de ces services seront dématérialisés, rendant ainsi les démarches en lignes obligatoires. Mais si internet et les nouvelles technologies peuvent simplifier le quotidien et être un levier de modernisation de l'administration, il s'agit de prêter attention à ce qu'ils ne contribuent pas à aggraver dans le même temps l'exclusion et les inégalités. Il y a un risque de voir la fracture numérique. Le Défenseur des droits, dans un récent rapport, rappelait d'ailleurs que les personnes sans accès à internet, ou qui sont peu à l'aise avec cet outil, rencontrent plus de difficultés dans leurs démarches que les autres. Cela explique en partie pourquoi, toujours selon le même rapport, une personne sur cinq éprouve des difficultés à accomplir les démarches administratives courantes. Par conséquent, il souhaite connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour garantir à tous les citoyens un accès réel aux démarches administratives, quelles que soient les générations, les territoires et le niveau d'équipement informatique.
Le déploiement des services publics numériques pour les démarches courantes des Français est une priorité du Gouvernement. Dans le cadre du programme Action Public 2022, le Gouvernement a annoncé l'objectif d'atteindre 100 % des démarches administratives dématérialisées d'ici 2022. Cet objectif nécessite, d'une part, de lutter contre la fracture numérique, avec les moyens humains, techniques et financiers appropriés, et, d'autre part, d'améliorer la couverture numérique des territoires. En premier lieu, dans la très large majorité des cas, la voie numérique n'est pas l'unique alternative pour effectuer des démarches administratives et les usagers peuvent toujours profiter des voies classiques (notamment les formalités papiers). Seules deux procédures concernant des particuliers impliquent des démarches entièrement numériques. Ces cas concernent la procédure d'inscription en premier cycle universitaire (plateforme « Parcoursup ») et la demande de permis de conduire (article 1er de l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire) qui doivent désormais être effectuées par téléservice. La stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée au projet de loi pour un État au service d'une société de confiance affirme que « l'administration doit assurer, notamment aux personnes vulnérables ou n'utilisant pas l'outil numérique, des possibilités de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation ». C'est dans ce cadre que s'inscrit la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif », présentée fin mai 2018 par le secrétaire d'État chargé du numérique. Elle est exposée dans un rapport largement concerté (rapport-inclusion.societenumerique.gouv.fr). Plusieurs actions ont d'ores et déjà été mises en œuvre pour lutter contre la fracture numérique : - Parallèlement à la rédaction du rapport, les travaux ont permis de créer une plateforme en ligne, pour aider au déploiement dans les territoires de la stratégie par l'agrégation de ressources, d'outils et de bonnes pratiques (inclusion.societenumerique.gouv.fr), ainsi que par la définition de trois niveaux d'accompagnement : les urgences numériques (pour ne pas perdre un droit ou une allocation, ou ne pas encourir une pénalité), l'inclusion numérique (pour gagner en autonomie) et la montée en compétences numériques ; - La mission société numérique, au sein de l'Agence du Numérique, travaille aussi à la structuration des acteurs de la médiation, à travers la création d'une coopérative. Un cinquantaine d'acteurs y sont aujourd'hui regroupés ; - Un kit d'intervention rapide est également disponible afin d'accompagner les personnes les plus éloignées du numérique et améliorer la maitrise de ces outils (https://kit-inclusion.societenumerique.gouv.fr/) ; - En outre, la mission expérimente un dispositif de chèque culture numérique #APTIC (Agir pour l'Inclusion Numérique) dont l'objectif est de financer la prise en charge des usagers pour la réalisation de ces démarches en ligne dans des lieux labellisés afin de permettre leur mise en autonomie. Une première expérimentation de 300 chéquiers distribués à 300 personnes sur 3 territoires (la Drôme, la Gironde, La Réunion) a été réalisée au printemps 2017 pour l'accompagnement à la réalisation de la déclaration de revenu en ligne. 75 % des personnes accompagnées se sont déclarés autonomes à la suite de la réalisation d'un parcours de formation dans 6 espaces publics numériques partenaires de l'expérimentation. Le 19 juillet 2018, le Président de la République a annoncé le déploiement national de #APTIC sous la forme d'un « pass numérique ». Le budget global pour ces pass atteindra « 100 à 150 millions d'euros » avec l'objectif de « former et accompagner 1,5 million de personnes par an » ; - Enfin, le secrétariat d'État au Numérique et la Banque des Territoires s'associent pour faire émerger une dizaine de « Hubs France Connectée », des lieux de médiation numérique qui conseilleront et formeront les populations les plus éloignées du web. Un appel à projet d'un coût de 5 millions d'euros en 2019-2020 a été lancé. L'État s'investira au total à hauteur de 15 millions d'euros, en cofinancement des collectivités territoriales, des opérateurs locaux et des entreprises. Ce sont ces hubs qui délivreront le Pass numérique. Au-delà de la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif », d'autres mesures ont été prises pour répondre au défi de l'inclusion numérique. Outre l'assistance téléphonique généraliste de service-public.fr, le Gouvernement accélère l'ouverture des maisons de service au public (MSP). En janvier 2019, 1271 MSP ont d'ores et déjà été ouvertes. Elles ont vocation à devenir des interfaces privilégiées entre les usagers et l'administration en délivrant, en un lieu unique, une offre d'accompagnement personnalisé dans les démarches de la vie quotidienne (aide et prestations sociales, emploi, insertion, retraite, énergie, prévention santé, accès aux droits, mobilité, vie associative etc.) Lors des premières Rencontres nationales des Maisons de services au public, le Commissaire général à l'égalité des territoires (CGET) a réaffirmé sa volonté de voir ce dispositif s'étendre. L'enjeu pour accompagner ces publics est en second lieu d'outiller les administrations chargées de la dématérialisation des démarches et de les acculturer à la démarche d'inclusion numérique. Parmi les dispositifs disponibles : - le programme « Cerfa numérique », porté par la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC), comprend plus de 30 critères de qualité dont 9 visent spécifiquement à lutter contre l'exclusion numérique et à faciliter le travail des médiateurs ; - Le site démarches-simplifiées.fr fournit un « kit » de dématérialisation rapide à destination des administrations ; - NosDemarches.gouv.fr permet aux utilisateurs d'exprimer leur avis sur une démarche dématérialisée, permettant ainsi d'afficher un tableau de bord de la dématérialisation des procédures administratives. En dernier lieu, le Gouvernement a fait de l'amélioration de la couverture numérique (accès à internet sur les réseaux fixes comme couverture mobile) une priorité de son action au service de la cohésion et de la compétitivité des territoires. Le 12 janvier 2018, l'État et quatre opérateurs de téléphonie mobile ont ainsi signé un accord ayant pour objectif de généraliser la couverture mobile de qualité pour l'ensemble des Français. L'accord prévoit : La fin des zones blanches : en 3 ans, autant de zones seront traitées qu'avec l'ensemble des programmes gouvernementaux depuis 15 ans, chaque opérateur s'étant engagé à fournir 5 000 installations supplémentaires ;La généralisation de la 4G, avec d'ici 2020, plus de 10 000 communes passant de la 2G ou la 3 G à la 4G ;L'accélération de la couverture mobile des axes de transport, notamment sur les lignes TER ;L'amélioration de la qualité de service : pour être considérée comme couverte, une zone devra bénéficier d'un service de bonne qualité ;La généralisation de la couverture téléphonique à l'intérieur des bâtiments, notamment en utilisant la voix sur Wifi. S'agissant des infrastructures numériques fixes, le Gouvernement a renforcé le plan France Très Haut Débit en sécurisant les engagements de déploiement des opérateurs privés Orange et SFR sur près de 13 millions de locaux (zones urbaines et péri-urbaines) et en consolidant 3,3 milliards d'euros de soutien aux projets portés par les collectivités territoriales, afin de permettre le déploiement du très haut débit (> 30 Mb/s) pour tous les habitants d'ici fin 2022, tout en garantissant un accès à un bon haut débit (> 8 Mb/s) dès 2020.
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