M. Jean-Marc Zulesi attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la situation préoccupante de nombreux vétérinaires retraités. Entre les années 1950 et les années 1990, un grand nombre de vétérinaires se sont inscrits, dans le cadre d'un mandat sanitaire, sous l'autorité du ministère de l'agriculture, pour l'éradication des grandes épizooties (tuberculose, fièvre aphteuse, brucellose, leucose) qui menaçaient alors gravement la bonne santé du cheptel français ainsi que la sécurité alimentaire des Français. L'État, durant toute cette période n'a pas procédé à l'affiliation de ces vétérinaires aux organismes de retraites. À tort, la qualification « d'honoraires » a été retenue au détriment de celle de « salaire ». La responsabilité pleine et entière de l'État a été reconnue dans deux décisions du Conseil d'État rendues le 14 novembre 2011 (n° 334.197 et n° 341.325). Par suite de ces deux décisions, un accord amiable est intervenu entre l'État et les vétérinaires. Néanmoins, des difficultés quant à l'exécution effective de cet accord ont été constatées. Le Conseil d'État dans une décision en date du 27 juillet 2016 a jugé d'une part, que les vétérinaires ayant fait valoir leurs droits à la retraite, plus de quatre années avant que la faute de l'État ait été reconnue, se voient refuser l'indemnisation au motif que leurs demandes sont prescrites en vertu de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968 et d'autre part, ce dernier considère que les vétérinaires devaient avoir connaissance, lors de la liquidation de leurs pensions, de l'obligation d'affiliation de l'État aux caisses de retraite. Par ailleurs, il apparaît que les veuves ou veufs de ces vétérinaires ne parviennent pas à faire valoir leur droit à indemnisation alors même qu'ils jouissent de la qualité d'héritiers et sont, en outre, objectivement lésés en raison du montant de leur pension de réversion, inférieur à ce qu'il devrait être. Ainsi, il souhaiterait connaître les actions que le ministère entend mettre en œuvre pour indemniser effectivement les vétérinaires ayant fait valoir leurs droits quatre ans après que la responsabilité de l'État a été admise.
L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure est longue et complexe. Elle s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire jusqu'en 1990. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable selon les praticiens et ce indépendamment du département d'exercice. 1 242 vétérinaires ont déposé un dossier recevable et complet et accepté la proposition d'assiette sur laquelle seront calculés les arriérés de cotisation dus aux caisses de sécurité sociale ainsi que les minorations de pension échues pour les vétérinaires déjà retraités. Au 20 février 2019, 1 063 vétérinaires et ayants droit de vétérinaires ont d'ores et déjà été indemnisés. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières en raison d'un dépôt tardif. L'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions n° 388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi, le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, n° 280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose également que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si cet article prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, en cas de généralisation, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi. Après plus de six années d'existence, la cellule ministérielle strictement dédiée au processus transactionnel de régularisation, qui recevait encore récemment les dernières demandes de bénéfice de la procédure amiable, touche désormais à sa fin. En effet, la perspective de la clôture du processus initié a été amenée par la diminution progressive et significative du volume de dossiers introduits ; elle a fait l'objet d'une annonce officielle en amont, très largement relayée auprès des professionnels. Le traitement des dernières requêtes recevables a vocation à se poursuivre dans les prochains mois afin d'aboutir à l'indemnisation de l'ensemble des demandeurs éligibles avant la fin de l'année 2019, conformément aux engagements du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il convient de souligner que la clôture du processus transactionnel, qui devrait intervenir au second semestre, n'est aucunement de nature à priver les intéressés d'un droit effectif à l'indemnisation de leur préjudice, dont ils pourront toujours se prévaloir devant le juge administratif. Pour autant, et dans un souci de bonne administration, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation pourrait envisager de proposer un règlement transactionnel ponctuel aux vétérinaires qui n'auraient pas pu former une demande d'indemnisation dans les délais impartis.
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