Mme Constance Le Grip interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les conditions dans lesquelles la direction générale des douanes met en œuvre le dispositif de traçage du tabac défini par la directive « Tabac » du 3 avril 2014, elle-même complétée par des actes délégués pris en 2018. Les enjeux de santé publique et de finances publiques de ce dispositif pour la France sont considérables : il est estimé à 25 % la part, en France, du « parallèle », c'est à dire du commerce (illicite ou non) qui échappe peu ou prou à la politique d'augmentation de la taxe et du prix, pierre angulaire de la lutte contre le tabagisme. Mais les enjeux économiques sont aussi très importants : le système mis en place en France peut servir de vitrine (vers l'Europe et le monde), aux technologies françaises existantes, très performantes ou, au contraire de cheval de Troie à des fournisseurs étrangers de dispositifs et produits obsolètes. Elle souhaite donc l'interroger sur la compatibilité des dispositions communautaires et des mesures en préparation en France avec les termes du protocole de l'OMS signé le 10 janvier 2013 et ratifié en 2016 par la France et l'Union européenne en 2016. Les dispositions de ce protocole, entrées en vigueur le 25 septembre 2018, et qui prévoient une indépendance stricte du système à l'égard des professionnels du tabac, s'imposent au droit européen comme au droit français. Elle s'interroge en particulier sur le fait qu'un très grand nombre d'éléments du système soit laissé à la discrétion des producteurs et importateurs de tabac : marquage du code sur les paquets de tabac, authentification de ce marquage, choix des sociétés chargées du stockage des données relatives au tabac. Plus grave, des cinq sécurités requises, une seule doit être choisie chez un fournisseur « indépendant ». En d'autres termes, c'est à ceux-là mêmes qui sont à l'origine du commerce illicite que l'on confie le contrôle. Mme la députée s'interroge également sur le fait que les travaux de l'organisation internationale de standardisation en matière de timbres de taxe soient complètement ignorés alors qu'ils viennent de produire une norme ISO 22382, seule à même de proposer des sécurités de qualité. Les sécurités proposées par la direction générale des douanes, dont certaines sont librement disponibles sur internet, semblent être de qualité moindre. En conséquence, elle souhaite que soit posée la nécessité, dans ces conditions, pour la direction générale des douanes, de relever la qualité des sécurités requises. De telles modifications apparaissent possibles grâce à l'existence d'une offre technologique française éprouvée et rapidement opérationnelle. Tout en préservant la date de mise en œuvre du système (mai 2019), elles permettraient de le rapprocher des prescriptions du protocole de l'OMS.
La lutte contre le commerce illicite du tabac constitue l'une des grandes priorités du Gouvernement. Elle est en effet indissociable de sa détermination à lutter contre le tabagisme, qui se traduit par une politique de santé publique ambitieuse et inédite, conduisant notamment à porter le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. La mise en place d'un dispositif de traçabilité du tabac est l'une des principales innovations technologiques pour garantir de l'efficacité de l'action de l'Etat en la matière. La France a, dans ce domaine, pris deux engagements internationaux : le protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabacs, adopté le 12 novembre 2012 dans le cadre de l'organisation mondiale de la santé (OMS) et ratifié en 2016, et la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac. Ces deux textes partagent non seulement le même esprit, mais aussi la même méthode : il s'agit de rendre obligatoire, pour l'ensemble des industriels et des opérateurs intervenant dans la chaîne de distribution des produits de tabac, un système de suivi et de traçabilité indépendant de l'industrie du tabac et supervisé par l'État. Ces dispositions figurent à l'article 8 du Protocole et à l'article 15 de la directive 2014/40 UE. Ces deux textes, qui présentent en effet quelques différences, ne sont nullement incompatibles entre eux, et la France appliquera l'un comme l'autre. Plus précisément, la décision d'exécution (UE) 2018/576 instaure l'obligation d'apposer sur chaque unité de conditionnement des produits du tabac mis sur le marché un dispositif de sécurité composé de cinq types d'éléments authentifiants, dont au moins un élément apparent, un élément semi-apparent et un élément non apparent. Ces éléments sont déterminés par chaque État membre, et en aucun cas par l'industrie du tabac. Seul le choix des fournisseurs techniques de ces éléments appartient aux fabricants et importateurs, et au moins un de ces éléments doit être fourni par un tiers indépendant de l'industrie du tabac. Le contrat de stockage des données doit, de même, être conclu avec un hébergeur indépendant. Enfin, le générateur d'identifiants unique, qui sera choisi par l'Etat, sera lui-même totalement indépendant. Ces dispositions sont donc compatibles avec le protocole : son article 8, qui consacre le principe d'indépendance, n'interdit pas aux fabricants et importateurs d'intervenir dans la mise en œuvre des obligations imposées aux Parties, dès lors que le système de traçabilité et d'authentification a été défini par les autorités compétentes, et qu'il fait l'objet d'un contrôle par celles-ci. Le système choisi par la France vise précisément au respect de ces exigences. Les dispositions de la directive 2014/40 UE, dont la transposition est du reste une obligation, ne constituent donc pas un recul par rapport à celles du Protocole. Bien au contraire, elles vont plus loin sur plusieurs points : - L'article 15 de la directive impose un accès à toutes les informations de l'industrie du tabac, y compris les factures, depuis la production jusqu'au premier détaillant, ce qui n'est pas prévu par le Protocole ; - L'article 16 de la directive impose un dispositif anti-contrefaçon qui n'est pas non plus prévu par le Protocole ; - Le système de traçabilité et d'authentification prévu par la directive sera applicable dès le 20 mai 2019 pour les cigarettes et le tabac à rouler (et à compter du 20 mai 2024 pour les autres produits du tabac), soit bien avant les échéances fixées par le Protocole (respectivement en 2023 et en 2028) ; - Les données du système régional mis en place à l'échelle de l'Union européenne alimenteront celles du système mondial qui sera mis en place sous l'égide de l'OMS : à terme, il n'y aura pas deux systèmes mais bien un seul, et les pays européens, dont la France, auront montré la voie. La combinaison d'éléments authentifiants retenue par la France le 17 septembre 2018, au terme d'une évaluation multi-critères conduite avec l'aide d'experts indépendants et cohérente avec les choix des autres Etats membres, garantit un très haut niveau de sécurité : encre optique variable, papier inerte aux UV, encre UV, micro-impression et traceur moléculaire. En revanche, dans la mesure où la France, contrairement à d'autres pays européens, ne recourt pas aujourd'hui au timbre fiscal pour attester du paiement des accises, le choix d'un timbre fiscal uniquement dédié au dispositif de traçabilité n'est pas apparu comme une solution pertinente.
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