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Jean Lassalle
Question N° 17972 au Ministère des armées


Question soumise le 19 mars 2019

M. Jean Lassalle attire l'attention de M. le Premier ministre concernant la légalité des autorisations d'exportations d'armes vers les pays engagés dans la guerre au Yémen, dont l'Arabie saoudite, l'Égypte et les Émirats arabes unis. En effet, le 7 mai 2018, l'association Action sécurité éthique républicaines a saisi le tribunal administratif dans le but de demander au juge administratif français d'apprécier la légalité des autorisations d'exportations d'armes délivrées par les services de l'État, sur avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEMG). Alors que depuis plus de trois ans la situation ne fait qu'empirer au Yémen où plus de 22 millions de personnes sont en situation d'urgence humanitaire et malgré les alertes continues des Nations unies et des ONG sur les graves violations du droit international humanitaire, les crimes de guerre, voire les crimes contre l'humanité commis par les pays de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, le Gouvernement continue d'octroyer des autorisations d'exportations d'armes vers ces pays. Or la France fait partie du traité sur le commerce des armes (TCA) des Nations unies et viole ainsi son article 6 qui précise dans ses paragraphes 2 et 3 « qu'aucun État Partie ne doit autoriser le transfert d'armes classiques visées par l'article 2 et que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie ». C'est pourquoi il lui demande de préciser quelle est sa position sur le respect des engagements internationaux de la France et plus particulièrement, concernant le traité sur le commerce des armes, et conformément à l'article L. 2335-4 du code de la défense, de suspendre d'urgence les transferts d'armes classiques en direction des pays de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite.

Réponse émise le 17 décembre 2019

Les exportations d'armement de la France ont lieu dans le strict respect du droit et de nos engagements internationaux, conformément à un examen interministériel minutieux. Elles ont vocation à appuyer les intérêts stratégiques de la France. Ceux-ci sont nombreux dans la région : protection de nos 40 000 ressortissants dans le golfe arabo-persique, sécurité de nos approvisionnements, notamment à travers le détroit de Bab el Mandeb, stabilité régionale alors que l'Iran étend son influence déstabilisatrice ou encore lutte contre le terrorisme, et en particulier contre Al Qaïda dans la péninsule arabique, qui a commandité les attentats contre Charlie Hebdo. La France entretient donc des coopérations de long terme avec l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, dans de nombreux domaines, qu'ils soient économiques, culturels, éducatifs ou encore en matière de défense. Elle y dispose de plusieurs implantations, points d'appuis essentiels pour nos opérations de lutte contre le terrorisme. Le volet armement constitue l'une des dimensions de cette relation, dans la mesure où il répond avant tout aux besoins légitimes de ces États d'assurer leur propre sécurité. En remettant en cause la sécurité de l'État saoudien, l'action déstabilisatrice des milices houthis fait peser un risque pour la stabilité régionale. La France reconnaît à l'Arabie saoudite son droit à agir en vertu du principe de légitime défense. Mettre un terme, dans leur ensemble, aux exportations d'armement n'est donc pas une option raisonnable au vu des intérêts nationaux dont le gouvernement est comptable. Le gouvernement exerce pour autant la plus grande vigilance sur chaque demande de licence, au cas par cas. Chacune est soupesée en s'appuyant sur des expertises stratégiques, militaires et juridiques pour assurer le respect de nos engagements internationaux. Chaque examen fait appel à des analyses pointues du matériel, de la situation du pays, voire de l'unité à laquelle le matériel serait destiné, de l'industrie, de l'impact possible sur nos propres forces. Les discussions sont longues et menées avec la plus grande minutie. Il n'est pas rare que la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) sollicite des expertises ou un dialogue complémentaires avec l'industriel, qui peut conduire ce dernier à retirer sa demande. Enfin, la France reconnaît l'urgence de mettre un terme au conflit au Yémen, où la situation humanitaire a atteint un stade critique. Ayant pour unique objectif la fin de la guerre et des souffrances qu'elle entraîne, elle soutient pleinement les efforts et l'action diplomatique déployés par l'Envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, salue la mise en place d'une trêve et encourage l'établissement d'un cadre de négociation en vue d'un règlement global pour ce pays. Le gouvernement allemand a fait le choix de prolonger la suspension des exportations d'armement vers l'Arabie saoudite jusque mars 2020 ; mais un débat existe en Allemagne, notamment sur le rôle des filiales et des joint ventures, dont l'activité rend le tableau d'ensemble moins univoque. En tout état de cause, ces choix relèvent de prérogatives souveraines ; l'Allemagne n'a ni les mêmes intérêts dans la zone, ni le même profil militaire, ni les mêmes responsabilités internationales. Il est néanmoins souhaitable que nos approches respectives ne mettent pas en difficulté la construction de l'Europe des armements - notamment des grands équipements que nous construirons en commun (avion et char du futur). C'est pourquoi la France et l'Allemagne ont agréé une approche commune en matière d'exportation, comme prévu par le traité d'Aix-la-Chapelle.

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