Mme Nicole Trisse attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les inquiétudes des professeurs de français relatives aux changements majeurs induits par la réforme du lycée récemment votée par l'Assemblée nationale. Nombreux sont les professeurs de français qui s'inquiètent de l'avenir de la qualité de l'enseignement de français tant les changements produits par la réforme sont susceptibles de l'affecter. Si les horaires disciplinaires resteront inchangés le programme, quant à lui, sera renforcé. En effet, l'enseignement de la grammaire sera plus conséquent et les œuvres à étudier seront plus nombreuses. Plusieurs autres mesures de cette réforme affectent la qualité de l'enseignement. Tout d'abord, la liberté des professeurs d'enseigner les œuvres qui leur sont chères est remise en question avec la création d'une liste d'œuvres imposées. Ensuite, la rotation des œuvres entraînant un changement pour moitié du programme chaque année en classe de première constitue une charge de travail supplémentaire non négligeable pour les professeurs qui ne sera pas compensée financièrement. Cette rotation sera aussi susceptible d'entraîner un appauvrissement de l'enseignement pour les élèves qui devront étudier les œuvres à marche forcée. De plus, le changement simultané des programmes et des épreuves du baccalauréat pénalisera les élèves qui entreront en classe de seconde à la rentrée 2019 car ils n'auront pas été assez préparés aux choix cruciaux qu'ils devront effectuer en cours d'année. En outre, les professeurs de français appréhendent l'arrivée d'un « lycée 4.0 » et sa compatibilité avec leur discipline. De nombreux doutes planent autour des effets positifs du « tout numérique » sur l'enseignement du français. Enfin, beaucoup de professeurs s'inquiètent de l'avenir de leur métier déjà trop dévalorisé et de moins en moins attractif. Cette réforme entraînera une mutation sans précédent qui pourrait compromettre davantage le plaisir des professeurs de pratiquer l'enseignement. Par conséquent, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer comment le Gouvernement entend répondre à ces inquiétudes légitimes.
À la rentrée 2019, les nouveaux programmes de français sont entrés en vigueur pour les classes de seconde et de première des voies générale et technologique (arrêté du 17 janvier 2019 publié au Bulletin officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019). Dans ces nouveaux programmes, l'importance de l'étude de la langue est réaffirmée. En effet, si la littérature constitue le cœur de l'enseignement du français au lycée, le travail sur la langue doit aussi y retrouver une place fondamentale, comme c'est le cas au collège. C'est en effet de la maîtrise de la langue que dépendent à la fois l'accès des élèves aux textes du patrimoine littéraire et leur capacité à s'exprimer avec justesse à l'écrit et à l'oral. Il s'agit ainsi au lycée d'enrichir les connaissances linguistiques des élèves, par l'ouverture de nouvelles perspectives ou par des approfondissements. La grammaire n'est donc pas une fin en soi et elle ne doit pas être envisagée en dehors des autres composantes de la discipline. Les compétences de compréhension et d'expression et les connaissances linguistiques sont complémentaires. Comme l'indique le programme, « la connaissance des principes de l'orthographe, de la grammaire et de la conjugaison rend l'expression plus sûre et, inversement, la possession d'un vaste vocabulaire ou l'aisance à bâtir des phrases sont renforcées par le regard réflexif que la grammaire porte sur les discours ». Dans cette perspective, le nouveau programme de français au lycée n'affecte pas la qualité de l'enseignement mais vise bien à le renforcer. La prise en compte des connaissances et des compétences acquises au collège, la consolidation et l'approfondissement des apprentissages en français s'inscrit dans une volonté de mieux préparer les élèves aux études supérieures. En particulier, la capacité à argumenter, la qualité de l'expression écrite et la maîtrise du discours oral constituent un enjeu décisif tout au long des études supérieures et de la vie personnelle et professionnelle. L'enseignement du français au lycée doit permettre d'élargir et d'approfondir chez les élèves la connaissance et le goût de la littérature, de poursuivre la construction et l'appropriation d'une culture littéraire, ainsi que l'acquisition de capacités d'expression, d'analyse, d'interprétation et de réflexion. Pour cela, un programme national d'œuvres, renouvelé par moitié tous les ans, a effectivement été instauré. Ces œuvres appartiennent au patrimoine littéraire. Elles participent à la construction d'une culture personnelle et d'une culture littéraire commune. Au sein de chaque objet d'étude, trois œuvres sont proposées, parmi lesquelles le professeur en choisit une. C'est donc la lecture de quatre œuvres intégrales qui est proposée aux élèves tout au long de l'année de première. Le choix des textes composant les parcours associés est aussi à l'initiative du professeur, dans le cadre du programme en vigueur. S'agissant du dispositif « Lycée 4.0 », il s'agit d'une opération mise en œuvre dans la région Grand Est depuis deux ans déjà. Il permet d'apprendre et d'enseigner selon de nouvelles modalités, en prenant appui sur des ressources nouvelles et diversifiées qui permettent d'induire des approches pédagogiques motivantes et variées. Dans tous les cas, ce dispositif ne remet pas en cause l'une des ambitions essentielles du programme de français : faire lire les élèves et leur permettre de comprendre et d'apprécier les œuvres, de manière à construire une culture littéraire ouverte sur les arts, sur les différents champs du savoir et sur la société.
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