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Jeanine Dubié
Question N° 19022 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 23 avril 2019

Mme Jeanine Dubié attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la résilience de l'agriculture française face au changement climatique. En effet, le changement climatique produit une multiplication des sécheresses et des événements caniculaires dans le pays, ce qui implique la construction d'ouvrages permettant le stockage hivernal de l'eau en vue de permettre l'irrigation des cultures en période estivale. Ces ouvrages permettent ainsi d'éviter les prélèvements en période sèche, quand la ressource en eau se raréfie. La France a pris beaucoup de retard à ce sujet, et alors que la moyenne de surface équipée pour l'irrigation a augmenté de 13,4 % en Europe, entre 2003 et 2013, celle de la France a stagné. L'irrigation estivale est pourtant indispensable pour beaucoup de productions que ce soit en grandes cultures, en maraichage ou en élevage, en agriculture conventionnelle comme biologique. Fin 2017, le Gouvernement a mis en place une cellule d'expertise sur l'eau, présidée par le préfet Bisch, dont l'objectif est de passer en revue les projets de stockage de l'eau et d'identifier les freins à leur réalisation, et lancé des assises sur l'eau. Dans ce contexte, le Gouvernement révise actuellement l'instruction du 4 juin 2015, définissant la notion de « projet de territoire » (PTGE), préalable au financement par les agences de l'eau de projets de stockage. Or, au vu du projet d'instruction, le monde agricole s'inquiète de ne pas voir levés les freins au développement de tels projets puisqu'en l'état actuel de l'instruction les agences de l'eau ne pourront participer qu'au co-financement des projets dits de substitution (prélèvements hivernaux remplaçant les prélèvement estivaux). Or, il est nécessaire d'assurer le financement d'ouvrages de création de ressources permettant la mobilisation de volumes supplémentaires en période estivale. De plus, une modification de la méthode de calcul des prélèvements fondée sur les volumes autorisés, et non sur les volumes prélevés, est également indispensable pour développer la capacité de stockage. En effet, en se fondant sur des volumes prélevés, on ne prend pas en compte la potentialité des milieux en période hivernale, saison durant laquelle s'effectue les prélèvements pour stockage. En outre, ce mode de calcul sur les volumes prélevés prend en compte les éventuels arrêtés de restriction en période estivale, faisant ainsi baisser le niveau des volumes prélevables. Ainsi, elle lui demande si le Gouvernement entend faire évoluer ces dispositions afin de permettre à nos territoires et à l'agriculture de s'adapter durablement au changement climatique.

Réponse émise le 28 mai 2019

L'agriculture est l'un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques, et il est important de réduire la vulnérabilité de l'agriculture à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. En témoignent les conséquences de la sécheresse de 2018 qui a touché de nombreux départements. Les orientations du Gouvernement en matière de gestion durable de l'eau, exprimées à l'occasion de la communication du 9 août 2017, s'inscrivent à cet égard autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource ; faire émerger, dans l'ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Il s'agit notamment de réaliser, là où c'est utile et durable, des projets de stockage hivernal de l'eau afin d'éviter les prélèvements en période sèche, lorsque l'eau est rare. Pour ce faire, le Gouvernement a décidé d'encourager le recours à la démarche de projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui privilégie une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource en eau sur un territoire donné. Un PTGE se formalise par un engagement de l'ensemble des usagers permettant d'atteindre, dans la durée, un équilibre entre les besoins et les ressources disponibles en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, en anticipant le changement climatique et en s'y adaptant. Il s'agit de mobiliser les solutions privilégiant les synergies entre les bénéfices socio-économiques et les externalités positives environnementales, dans une perspective de développement durable du territoire. Une instruction a été délivrée aux préfets le 7 mai dernier pour dynamiser les PTGE et remobiliser les acteurs. Cette instruction rappelle l'importance d'appréhender tout l'éventail des solutions possibles : la recherche de sobriété et d'optimisation de l'utilisation de l'eau, les solutions de stockage ou de transfert, la transition agro-écologique qui est porteuse de solutions pour une meilleure résilience de l'agriculture face aux effets du changement climatique. Le cadre de financement des projets par les agences de l'eau est rénové pour donner plus de flexibilité à la gouvernance locale. S'agissant des ouvrages de stockage, les agences de l'eau pourront financer les parties d'ouvrage allant au-delà de la substitution dès lors qu'il s'agit d'ouvrages multi-usages, dans les conditions encadrées par le PTGE et dans le respect des enveloppes financières prévues par le onzième programme des agences de l'eau. Pour les ouvrages à vocation strictement agricole, seule la substitution pourra être financée par les agences de l'eau. Le volume des prélèvements en période de basses eaux, à partir duquel le volume de substitution est déterminé, devra être défini dans le diagnostic de la ressource du PTGE approuvé par le préfet. Son calcul devra prendre en compte une analyse rétrospective s'appuyant sur les cinq à dix dernières années ainsi qu'une démarche prospective visant à intégrer les conséquences du changement climatique sur la disponibilité de la ressource en eau. En revanche, d'autres partenaires financiers tels que les financeurs privés, les collectivités territoriales, les autorités de gestion du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du fonds européen de développement régional (FEDER) peuvent intervenir au-delà de la substitution y compris pour les ouvrages à vocation strictement agricole, et sont donc à rechercher. Dans le cadre des négociations en cours pour préparer la programmation 2021-2027 de la politique agricole commune, dont les modalités de mobilisation du FEADER, la France soutient une politique agricole commune ambitieuse d'un point de vue environnemental, y compris en ce qui concerne la protection et la mobilisation des ressources en eau, et souhaite pouvoir soutenir les investissements dans le domaine de l'eau en agriculture notamment pour accompagner la transition agro-écologique.

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