Mme Frédérique Tuffnell attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la vitesse de disparition inquiétante de centaines de milliers d'espèces sur terre et en mer, dont fait état le rapport de l'IPBES paru en mai 2019, et salue l'engagement pris par le Président de la République de porter à 30 % du territoire la part des aires marines et terrestres protégées d'ici 2022. La communauté scientifique estime aujourd'hui que seule la création d'un vaste réseau d'aires marines protégées en haute mer permettrait de protéger durablement les écosystèmes marins, ainsi que les biens et services qu'ils fournissent. Cet objectif ne peut être atteint que par un traité international, tel que celui actuellement négocié par les pays membres des Nations unies, sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les eaux ne relevant pas des juridictions nationales. La Belgique et le Royaume-Uni ayant récemment fait part de leur volonté de protéger au moins 30 % des océans d'ici 2030, elle lui demande si la France, qui possède le deuxième espace maritime mondial, portera a minima la même ambition auprès des Nations unies.
Le 6 mai 2019, après la publication du rapport sur l'état de la biodiversité mondiale, le chef de l'État a annoncé l'extension des aires protégées sous juridiction française à 30 % du territoire d'ici 2022, dont un tiers en protection forte. Le 6 juin dernier, le ministère de la transition écologique et solidaire a présenté la stratégie nationale de création et de gestion des aires protégées, avec 27 projets d'extension du réseau des réserves naturelles nationales, et la tenue d'un forum national prévu le 25 octobre prochain. La révision de la stratégie française en matière d'aires marines protégées (AMP) est également en cours. Une version finale sera présentée lors du Congrès mondial de la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en juin 2020 à Marseille. La France se place donc à l'avant-garde de la protection de la biodiversité et compte porter son ambition aux niveaux européen et international. La France a soutenu dès 2016 la résolution n° 50 de l'UICN "Accroître l'étendue des aires marines protégées pour assurer l'efficacité de la conservation de la biodiversité" qui rappelle entre autres que, d'après les données scientifiques, la protection d'au moins 30 % des océans serait nécessaire afin d'inverser les effets néfastes causés par la pollution. Depuis le 4 septembre 2018, des négociations sont en cours aux Nations unies visant précisément à répondre aux défis actuels en établissant un instrument juridiquement contraignant pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (négociation dite "BBNJ"). Ces négociations portent sur quatre volets principaux : les ressources génétiques marines y compris le partage des avantages découlant de leur exploitation, les évaluations d'impact sur l'environnement des activités conduites en haute mer, le renforcement des capacités et le transfert de technologie marine, et enfin les outils de gestion par zone dont les aires marines protégées (AMP) en haute mer. Le futur traité ne fixera pas de pourcentage d'AMP à atteindre car cette logique est poursuivie à travers un processus distinct, le Plan stratégique de la convention sur la diversité biologique (CBD), qui sera révisé en 2020. Il devrait néanmoins permettre de définir les modalités selon lesquelles le futur instrument pourra reconnaître les outils de gestion par zones, dont les AMP créées et/ou à venir par d'autres instances compétentes en haute mer, et s'il y a consensus, en créer de nouvelles. La France contribue déjà à la création d'AMP en haute mer à travers des organisations régionales comme OSPAR et la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), en soumettant des propositions de création d'AMP dans ces deux instances. Les AMP peuvent en effet constituer l'outil le plus efficace à notre disposition pour préserver les ressources et les services rendus par l'océan, sous réserve qu'elles soient bien gérées et comportent des zones de protection forte, comme l'a récemment démontré la première évaluation de l'efficacité écologique des AMP en fonction de leur degré de protection, réalisée par des scientifiques portugais et français. Or à l'heure actuelle, on estime que seulement 4,8 % des océans sont couverts par des AMP réellement gérées, et que seulement 2,2 % font l'objet d'une protection forte. Pourtant, l'alternance entre aires très protégées et aires modérément protégées permet de sanctuariser des zones favorisant la reproduction des poissons, et donc d'augmenter leur nombre dans le reste des océans. La France s'engagera donc également pour des objectifs ambitieux au niveau mondial en matière d'AMP dans le cadre des négociations à la CBD pour les objectifs post-2020 pour la biodiversité, avec notamment des objectifs qualitatifs et non plus uniquement quantitatifs.
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