Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la dégradation de la situation des chrétiens en Algérie et sur la négation délibérée de la liberté de culte et de religion par l'État algérien. Le christianisme s'est implanté en Algérie dès le IIe siècle. Bien qu'il ait connu plusieurs siècles de va-et-vient dans le pays au rythme des conquêtes et reconquêtes, le christianisme reste l'une des composantes du paysage religieux et culturel du pays. Au total, 125 000 chrétiens vivent aujourd'hui en Algérie, ce qui représente une petite portion de la population totale qui s'élève à 42 000 000 d'habitants. La majorité des chrétiens algériens sont affiliés à l'Église protestante d'Algérie (EPA) créée en 1972, et officiellement reconnue en 2011. Mais il semblerait que ces quelques chrétiens représentent une menace suffisamment grande pour que le gouvernement bride délibérément leur expansion et la pratique de leur culte. En effet, les chrétiens d'Algérie subissent de fortes persécutions de différents ordres : des violences, des arrestations, des emprisonnements, des amendes mais aussi des profanations. C'est la raison pour laquelle l'ONG Portes ouvertes a classé à la 22e position le pays dans son Index 2019 (le pays se situait à la 42e position dans l'Index 2018). Le gouvernement algérien reprocherait à ces chrétiens d'être non-musulmans et de promouvoir la religion chrétienne (prosélytisme). Cette progression dans le classement est essentiellement due à la montée des persécutions et à la recrudescence des pressions administratives. Le gouvernement fait preuve d'un double discours qu'il justifie par l'ordonnance 06-03 de 2006. Cette ordonnance régule la liberté de religion, d'expression et de culte des chrétiens et restreint les conditions et les règles d'exercice de tout culte non-musulman. De plus, l'islam étant érigé en religion d'État, tout acte de conversion est interdit. Avec cette ordonnance de 2006, la pratique de tout culte différent de l'islam en dehors d'édifices spécialement conçus à cet effet est strictement interdite. C'est pourquoi le gouvernement procède à des fermetures administratives d'églises afin de lutter contre les « apostats » de l'islam et la montée du christianisme. L'EPA souffre donc d'un triptyque contraignant : une absence de reconnaissance, des fermetures administratives abusives et récurrentes, et des attaques qui empêchent les chrétiens de pratiquer librement et sereinement leur religion. Cette méthode n'est pas nouvelle puisque des fermetures administratives abusives sont recensées depuis 2007 dans tout le pays. Cependant, ces fermetures administratives connaissent un regain depuis 2017 sous prétexte d'inspections sanitaires. En quelques mois, 25 des 45 églises de l'EPA officiellement reconnues par l'État ont été inquiétées par les autorités. Accusées de prosélytisme, les églises protestantes sont régulièrement mises sous scellés et jamais rouvertes telles que les églises de Boudjima (22 mai 2019), d'Ait-Mellikeche et de Maatkas (depuis mai 2018), d'Azhagar (octobre 2018), de Layayda et d'Oran-Ville (depuis février 2018) ou encore d'Aïn Turk (novembre 2017). Parallèlement, des condamnations abusives pour prosélytisme de chrétiens se multiplient. Ces pressions administratives sont intolérables et s'ajoutent aux violences subies par les minorités religieuses dans le pays, en particulier les chrétiens. Les récents mouvements contestataires et les changements politiques actuels n'ont pas offert davantage de libertés à ces églises qui restent ciblées et persécutées par le gouvernement. Cette stratégie de contournement doit cesser afin d'améliorer durablement la situation des chrétiens dans le pays. En effet, la minorité chrétienne est très mal perçue en Algérie que ce soit par les autorités et la population musulmane. Cette situation est symptomatique de la situation considérablement dégradée des chrétiens dans le monde. L'ONG Portes ouvertes estime qu'un chrétien sur neuf vit persécuté dans le monde, ce qui représente 245 000 000 de personnes. Combien de temps la France, « fille aînée de l'Eglise », va-t-elle assister impuissante, bien que consciente, à ces persécutions et ces restrictions dans les pays voisins ? Le contexte politique actuel ne serait-il pas l'occasion d'alerter sur la situation des droits de l'Homme et de la liberté de culte en Algérie ? Aussi, elle aimerait connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.
Très attachée au respect de la liberté de religion ou de conviction, telle qu'énoncée notamment à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la France accorde une grande attention aux violations de la liberté de religion ou de conviction dont sont victimes de très nombreuses personnes chrétiennes, dans le monde. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères entretient un dialogue régulier à cet égard avec les organisations qui documentent ces violations, telles que Portes ouvertes et Aide à l'Eglise en détresse, qui publient chaque année, pour la première, un Index mondial de persécution des chrétiens et tous les deux ans, pour la seconde, un Rapport sur la liberté religieuse dans le monde. En ce qui concerne l'Algérie, si les conditions de l'exercice des cultes relèvent exclusivement de la compétence des autorités algériennes, celles-ci sont liées par leurs engagements constitutionnels et internationaux. La liberté de conscience et d'exercice du culte est garantie par l'article 42 de la Constitution algérienne. Une ordonnance de 2006 fixe les conditions d'exercices des cultes "autres que musulmans". Ces cultes, réunis en "associations à caractère religieux", doivent disposer d'un agrément délivré par le ministère algérien des affaires religieuses. En outre, l'affectation d'un édifice à l'exercice d'un culte est également soumise à l'avis préalable de l'État algérien. L'Eglise protestante d'Algérie (EPA), qui rassemble notamment les églises protestantes luthériennes et évangéliques à l'échelle nationale, comme l'Eglise catholique, dispose, depuis 2011, d'un agrément des autorités algériennes, lui assurant un exercice libre de son culte. La France connaît les difficultés rencontrées par certaines minorités religieuses en Algérie. Les sujets de préoccupation retiennent toute son attention. Les services compétents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que l'ambassadeur de France en Algérie les prennent en compte dans leurs évaluations et leurs recommandations. La France ne manque pas, en concertation avec ses partenaires de l'Union européenne, d'évoquer cette question avec les autorités algériennes. Le 8 décembre dernier, lors de la cérémonie de béatification de 19 religieux catholiques assassinés entre 1994 et 1996, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rappelé au ministre algérien des affaires religieuses l'attachement de la France au dialogue entre toutes les religions dont cette cérémonie a été le symbole. Le conseiller pour les affaires religieuses du MEAE s'entretient régulièrement avec les responsables religieux musulmans et chrétiens installés en Algérie et s'enquiert de la situation des Églises catholique et protestantes.
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