M. Jean-Louis Bricout attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'état des dispositions actuelles en matière de géolocalisation en temps réel. Jusqu'en 2014, les techniques consistant à géolocaliser un véhicule par le suivi dynamique d'un terminal de télécommunications ou au moyen d'un dispositif dédié (balise) n'étaient pas réglementées dans le code de procédure pénale. C'est à la suite de deux arrêts de la Cour de cassation rendus le 22 octobre 2013, lesquels considéraient que le recours à la géolocalisation lors d'une procédure judiciaire constituait une ingérence dans la vie privée, devant être exécutée sous le contrôle d'un juge, que la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 a été votée. Cette loi a donc introduit dans le code de procédure pénale plusieurs articles réglementant cette pratique, en prévoyant notamment un contrôle par le procureur de la République dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire. L'application de cette loi à l'occasion de ces types d'enquête pourrait être améliorée s'agissant de la durée maximale initiale pendant laquelle la géolocalisation est autorisée. En effet, l'article 230-33 du code de procédure pénale prévoit que ce type d'opération est autorisé « pour une durée maximale de quinze jours consécutifs », qui peut être renouvelée pour une durée maximale d'un mois renouvelable sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) sur requête du procureur de la République. Concrètement, ce délai initial est parfois trop court pour pouvoir démontrer que la personne dont le téléphone portable est géolocalisé ou sur le véhicule de laquelle une balise a été placée a une activité suspecte, et donc avoir les éléments à même de justifier une prolongation d'un mois par le JLD. Certains délinquants commettent leurs méfaits de manière occasionnelle, par opportunité. Il se passe donc parfois un certain temps entre deux méfaits. Ce sont parfois aussi des éléments extérieurs qui font que cette activité criminelle est mise en sommeil. Dès lors se pose la question de l'opportunité que le délai initial passe de quinze jours à un mois afin de donner plus de marge de manœuvre aux enquêteurs pour déterminer l'activité criminelle des personnes qu'ils suspectent de commettre des crimes ou des délits graves. Il souhaite connaître le sentiment du Gouvernement quant à cette évolution et le cadre qui pourrait être celui la permettant.
Par un arrêt rendu le 22 octobre 2013 (n° 13-81.945), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que la géolocalisation en temps réel constituait une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessitait qu'elle soit exécutée sous le contrôle d'un juge. La loi no 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation, qui en est résultée, était le produit d'un équilibre entre les droits et libertés fondamentales et les exigences liées à l'ordre public et la recherche d'auteurs d'infractions. Notamment, l'article 230-33 du code de procédure pénale dispose que la géolocalisation est autorisée : 1° Dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une procédure prévue aux articles 74 à 74-2, par le procureur de la République, pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. A l'issue de ce délai, cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d'un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ; 2° Dans le cadre d'une instruction ou d'une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition mentionnées aux articles 74, 74-1 et 80-4, par le juge d'instruction, pour une durée maximale de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces dispositions ont été soumises au conseil constitutionnel. Dans sa décision no 2014-693 DC du 25 mars 2014, le conseil a relevé « qu'il incombait au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde des droits et des principes à valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, protégés par son article 2 ». C'est d'ailleurs en analysant l'article 230-33 au regard des dispositions relatives au respect de la vie privée que le conseil constitutionnel a validé les modalités et durées permettant au procureur de la République d'avoir recours à la géolocalisation. Le conseil constitutionnel a également rappelé, dans cette même décision, que « si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en œuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité ». La durée de la mesure de géolocalisation dans le cadre d'une enquête diligentée sous la direction du procureur de la République répond donc à cette exigence de proportionnalité (enquête relative à un délit prévu au livre II ou aux articles 434-6 et 434-27 du code pénal puni d'un emprisonnement d'au moins trois ans ; enquête relative à un crime ou à un délit puni d'un emprisonnement d'au moins cinq ans). Il convient de rappeler que la limitation de la durée des enquêtes menées sous la seule direction du procureur de la République à 15 jours répond aussi à l'exigence posée par l'arrêt du 22 octobre 2013 précité selon laquelle le contrôle de l'ingérence dans la vie privée de la mesure de géolocalisation doit s'exécuter sous le contrôle d'un juge. Ce délai maximal d'un mois et quinze jours semble proportionné, notamment par comparaison avec les délais retenus pour d'autres techniques d'enquête applicables aux infractions relevant de la délinquance et la criminalité organisée visées aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale (dont la peine encourue est, pour l'essentiel, d'au moins 10 ans d'emprisonnement). Ainsi, la durée des investigations autorisées par le procureur de la République dans le cadre de ces dispositions sont les suivantes : - les mesures d'interceptions de correspondances électroniques pour une durée maximale de 2 mois (1 mois + 1 mois) ; - les mesures de sonorisation et de fixation d'images pour une durée maximale de 2 mois (1 mois + 1 mois) ; - les mesures de recueil des données techniques de connexion pour une durée maximale de 2 mois (1 mois + 1 mois) ; - les mesures relatives à l'utilisation de l'IMSI-catcher pour une durée maximale de 2 mois (1 mois + 1 mois). Plus généralement, l'évolution des durées des techniques d'enquêtes pourra faire l'objet de discussions dans le cadre des chantiers de la justice, dont l'un sera spécifiquement consacré à la simplification de la procédure pénale.
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