Mme Agnès Firmin Le Bodo attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'urgence d'adapter le système d'évaluation des médicaments actuellement en vigueur pour permettre aux patients d'accéder aux traitements innovants et plus largement pour que la France reste une terre d'innovation en santé. Le constat est le suivant : le système d'évaluation des médicaments, fondé sur le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) est confronté à certaines limites. En effet, les critères actuellement utilisés par la Commission de transparence de la haute autorité de santé s'avèrent peu adaptés à certaines innovations de rupture. Les innovations incrémentales et les produits considérés innovants se voient de plus en plus attribuer une ASMR jugée mineure (ASMR IV) en raison de données précoces et limitées et de l'absence de comparaison pertinente lorsque le besoin thérapeutique est non couvert. En conséquence, et en application de la lettre d'orientation ministérielle, le CEPS fixe le prix de ces médicaments en tenant compte du médicament comparable le moins cher, ou en son absence celui économiquement le plus pertinent au regard des connaissances médicales. Ce détournement des règles d'évaluation scientifiques à des fins purement budgétaires, à savoir réduire le déficit de la sécurité sociale pour permettre notamment de financer l'innovation, produit en l'espèce l'effet inverse : freiner l'accès des patients aux traitement innovants qui sauvent des vies. L'application par le CEPS de comparateurs inadaptés à des seules fins budgétaires prolonge sans fin la durée des négociations entre les sociétés de biotechnologies et le CEPS. Les premières souhaitent obtenir un tarif reflétant la valeur de leurs thérapies, tandis que le second a pour principal objectif de faire des économies sur le médicament. Une étude en date du 3 avril 2019 réalisée par IQVIA, positionne ainsi la France au 22e rang sur 30 pays en termes de délais d'accès au marché par rapport à ses voisins européens, avec une moyenne de 498 jours entre l'autorisation de mise sur le marché et l'accès des patients, contre 119 en Allemagne en première position du classement. Pour les médicaments orphelins spécifiquement, la France est 21e sur 30 pays, avec une moyenne de 551 jours entre l'autorisation de mise sur le marché et l'accès des patients, contre 113 jours pour l'Allemagne qui prend la tête du classement. Par ailleurs, le système des ATU, imaginé pour garantir aux patients confrontés à un besoin thérapeutique non couvert un accès précoce à l'innovation, n'est pas un gage d'accès pérenne en ce qu'il est souvent détourné de sa visée initiale. Conçu pour une application temporaire comme son nom l'indique, il se substitue souvent à la négociation entre le CEPS et le laboratoire si bien que la durée de son recours en devient indéterminée. Ainsi, en 2017, sur 12 médicaments remboursables ayant bénéficié d'une ATU, seul un produit a été inscrit sur la liste d'agrément aux collectivités, les 11 autres médicaments remboursables restent en cours de négociation de prix (soit 92 % des médicaments ayant obtenu une ATU évalués en 2017, avec un délai médian à ce jour de plus de 500 jours). En outre, l'avenant à l'accord-cadre signé le 24 avril 2019 entre le CEPS et le LEEM qui vise à réduire les retards dans les procédures administratives d'accès au marché pour les médicaments suite à l'engagement formulé par le Premier ministre lors du CSIS du 10 juillet 2018, lui semble totalement insuffisant. Il vise en effet, par un jeu d'interruption de la computation du temps de négociation, à en diminuer artificiellement la durée. Les conséquences de cette situation sont très préoccupantes. Il est de notoriété publique que les sociétés de biotechnologies hésitent désormais à déposer leur dossier en France, lui privilégiant l'Allemagne, en particulier, étant donné les délais et le processus clairement définis d'évaluation des avantages des produits pharmaceutiques par le Comité fédéral (G-BA) et les négociations de prix consécutives avec l'Association nationale des caisses d'assurance maladie (GKV-SV) conformément à la loi sur la réforme du marché des médicaments (AMNOG), pour parvenir à un accord dans les 12 mois suivant la soumission du dossier (6 mois pour l'évaluation du G-BA + 6 mois pour les négociations de prix avec le GKV-SV). Si ce mouvement était confirmé, faute d'action rapide du Gouvernement, certains patients pourraient se trouver privés d'accès aux traitements innovants. Par ailleurs, et sur un autre plan, cette situation nuit à l'attractivité de la France. Toutefois, des solutions existent pour remédier rapidement à cette situation : accélérer la mise en place de la « Valeur thérapeutique relative » au stade de l'évaluation des médicaments, contraindre le CEPS à accepter des nouvelles modalités conventionnelles sur mesure permettant de mieux valoriser les innovations réelles et prendre en compte les contraintes budgétaires. Par conséquent, elle lui demande de préciser ce qu'elle entend faire concrètement pour remédier à cette situation afin d'assurer l'accès des patients à des thérapies innovantes qui sauvent des vies en France. Elle souhaite également savoir quand la VTR sera mise en œuvre et si elle entend contraindre le CEPS dans la prochaine lettre d'orientation ministérielle à accepter d'explorer de nouvelles modalités conventionnelles pour permettre de relancer l'attractivité de la France dans ce domaine.
À la différence de nombreux pays européens, la France dispose d'un système d'accès précoce au marché pour les médicaments présumés innovants. Ainsi, plus de 3 de ces médicaments sur 4 sont accessibles aux patients français avant même l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces dispositifs ont ainsi permis un accès rapide pour les patients français à des traitements innovants tels que les traitements contre le virus de l'hépatite C, les immunothérapies, les CAR-T cells ou encore les thérapies géniques. Durant cette période, l'indemnité consentie pour la prise en charge de ces produits est librement fixée par l'industriel. Il est observé également que l'attractivité de ce dispositif reste constante au fil du temps au regard du nombre de demandes d'ATU de cohorte déposées auprès de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé pour de nouvelles substances, entre 20 et 25 par an. Le nombre d'autorisations délivrées s'accroit quant à lui en 2018 pour atteindre 20 nouvelles autorisations, contre 11 en 2017. Par ailleurs, de récentes ouvertures ont été effectuées dans le but de favoriser davantage l'accès des patients aux produits présumés innovants. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit à cet effet un aménagement du dispositif d'accès précoce afin de permettre l'inclusion au sein de ce dernier des extensions d'indication pour les produits déjà disponibles sur le marché. Il prévoit également un accès dérogatoire pour les produits disposant déjà d'une autorisation de mise sur le marché avant leur évaluation par la Haute autorité de santé (HAS). Ces deux mesures concourent ainsi à promouvoir une prise en charge précoce pour l'ensemble des produits présumés innovants. Le niveau d'amélioration du service médical rendu (ASMR) est fixé de manière indépendante par la commission de la transparence de la HAS au regard des bénéfices cliniques apportés par un produit dans la stratégie thérapeutique dans laquelle il s'inscrit. Un niveau d'amélioration du service médical rendu mineur (ASMR IV) ne permet pas systématiquement l'inscription d'un produit sur la liste des médicaments pris en charge à l'euro/l'euro à l'hôpital. Certains produits se situent donc à la "frontière" entre un financement via les tarifs hospitaliers et un financement en sus. C'est pourquoi les services du ministère des solidarités et de la santé ont travaillé à construire une expérimentation autour de la prise en charge des molécules onéreuses à l'hôpital pour notamment s'affranchir du critère de l'ASMR et élargir possiblement le périmètre des molécules prises en charge à l'euro/l'euro. Cette expérimentation est prête, elle a été lancée le 1er octobre 2019 dans 5 établissements de santé et passera à une seconde phase le 1er janvier 2020. Disposer des résultats de cette expérimentation sera nécessaire avant d'engager d'éventuelles modifications des critères d'accès à la liste en sus. Ces potentielles modifications se feront par voie réglementaire. Les médicaments innovants concourent notamment à répondre aux besoins thérapeutiques non couverts ou insuffisamment couverts et sont indispensables à notre système de soins. La ministre des solidarités et de la santé tient à souligner que la force de l'évaluation médico-scientifique en France réside dans l'application d'une méthodologie claire et similaire pour tous les médicaments.
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