M. Jean-Philippe Nilor appelle l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, sur la précarisation des publics fragiles provoquée par la dématérialisation des services publics, singulièrement en outre-mer. En effet, la dématérialisation des services publics entend répondre à plusieurs enjeux. Elle entend augmenter la qualité des services rendus aux usagers en permettant l'accessibilité aux services publics via internet et en limitant les supports papiers. Elle prétend garantir une plus grande transversalité entre les administrations notamment en mettant en place des architectures ouvertes. Elle ambitionne également de réduire les coûts pour les administrations, participant ainsi au développement durable. Si cette modernisation permet a priori de faciliter la vie de certains citoyens, il n'en demeure pas moins qu'une frange de la population ne peut pleinement en tirer profit, notamment les populations dites « déconnectées », les seniors, les illettrés, et enfin ceux qui ne bénéficient pas d'une « littératie numérique » suffisante pour effectuer leur démarches administratives en ligne. Le fossé numérique et « l'illectronisme » ont engendré une nouvelle forme d'exclusion sociale et professionnelle. En France, elle touche particulièrement les non diplômés, les seniors, les personnes en situation de précarité. Ces citoyens sont de fait privés de nombreux services qui pourraient améliorer leur situation. Ce constat est exacerbé en outre-mer qui connaît un vieillissement accéléré de la population, une explosion du chômage, des inégalités sociales accrues et des disparités quant à la couverture numérique, à l'équipement informatique et à la faculté d'utiliser internet. En Martinique, le taux de couverture numérique qui n'atteint pas à ce jour l'objectif de 80 %, la population de seniors, 56 970 personnes au chômage au premier trimestre 2019, le taux d'illettrisme est estimé à 14 % soit 40 000 personnes, les tarifs d'abonnement à internet sont si prohibitifs que les tarifs sociaux pour la téléphonie et internet ne sauraient seuls les juguler. Il apparaît donc clairement que la dématérialisation brutale des services publics ne leur est pas favorable. Qu'il s'agisse de répondre aux nécessités liées aux démarches pour l'emploi, la couverture maladie ou la retraite, les difficultés d'accès aux droits sont prépondérantes pour les usagers, notamment face au refus catégorique des administrations de rendre sur place les services qui peuvent être effectués en ligne. Au demeurant, quelques usagers peuvent bénéficier de la clémence d'agents administratifs ou de l'aide de leurs proches, mais d'autres n'ont aucun recours et, découragés renoncent à leurs droits. L'exclusion numérique conforte alors l'exclusion sociale des publics précarisés. Si pour lutter contre l'isolement numérique, les principales initiatives locales se sont portées sur les efforts des collectivités pour développer la couverture numérique à haut débit, l'apprentissage de l'informatique via les cyberbases, ainsi que la diffusion des ordinateurs dans les foyers, ces mesures ne prennent en compte qu'un aspect marginal du problème. Il lui demande de mettre en lumière les moyens qu'il envisage de mettre en place pour remédier au phénomène d'exclusion sociale liée à l'exclusion numérique et simplifier les démarches administratives des usagers précarisés.
Le déploiement de services publics numériques de qualité pour les démarches administratives courantes des Français est une priorité du Gouvernement. Développer l'accès aux démarches administratives de manière dématérialisée permettra d'augmenter la qualité des services, de développer la transversalité dans l'administration, et de réduire les coûts économiques et environnementaux induits par les procédures papier. Réussir la transition numérique de l'État implique néanmoins de lutter résolument contre l'illettrisme numérique qui touche près de 13 millions de français (d'après le Baromètre 2018 du Numérique, réalisé par le CREDOC pour l'État et l'ARCEP). Le récent rapport du Défenseur des Droits rappelle que 500 000 Français n'ont pas accès à une connexion internet fixe et que plus de 30% des Français ne sont pas familiers des usages numériques. Y remédier nécessite, d'une part, de lutter contre la fracture numérique, avec les moyens humains, techniques et financiers appropriés de manière à produire des démarches de qualité et, d'autre part, d'améliorer la couverture numérique des territoires. 1/ Former les usagers et professionnaliser les aidants Il s'agit tout d'abord d'agir spécifiquement sur une partie de la population qui n'est pas suffisamment formée aux usages numériques. La stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée au projet de loi pour un État au service d'une société de confiance affirme que « l'administration doit assurer, notamment aux personnes vulnérables ou n'utilisant pas l'outil numérique, des possibilités de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation ». C'est dans ce cadre que s'inscrit la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif ». Elle est exposée dans un rapport largement concerté (www.rapport-inclusion.societenumerique.gouv.fr). Plusieurs actions ont d'ores et déjà été mises en œuvre pour lutter contre la fracture numérique. Après une expérimentation dans trois territoires (la Drôme, la Gironde et la Réunion), le 19 juillet 2018, le Président de la République a annoncé le déploiement national du Pass numérique. Son budget global atteindra « 100 à 150 millions d'euros » avec l'objectif de « former et accompagner 1,5 millions de personnes par an ». Le programme prendra la forme d'un crédit de 10 à 20 heures de formation, en fonction des profils, d'une valeur de 50 à 100 euros. Pôle Emploi, la Caisse d'allocations familiales (CAF), l'Assurance maladie, les villes, les agglomérations et les départements pourront distribuer ce crédit formation. La Martinique y sera éligible. En outre, un programme gratuit en ligne (PIX) a été créé afin que les usagers puissent mesurer et développer leurs compétences numériques. Un parcours PIX pour les compétences de base et un dispositif de diagnostic rapide sont en cours de développement. 2000 épreuves ont été testées en panel, 700 tutoriels sélectionnés et recommandés dans une démarche collaborative. 270 établissements scolaires et d'enseignement supérieur sont engagés dans la démarche https://pix.fr/. Au-delà des usagers, la création d'un réseau d'aidants et leur professionnalisation est un enjeu essentiel de la politique de dématérialisation des démarches administratives. Plusieurs dispositifs ont déjà été mis en place :Un kit à destination des aidants pour accompagner les individus en difficulté a été développé : https://kit-inclusion.societenumerique.gouv.fr/;Trois niveaux d'accompagnement ont été définis : urgences numériques (pour ne pas perdre un droit ou une allocation, ou ne pas encourir une pénalité), inclusion numérique (pour gagner en autonomie) et montée en compétences numériques ;Une coopérative (Med Num) a été créée pour structurer les acteurs de la médiation numérique et garantir un service de qualité et accessible sur tout le territoire. 70 sociétaires y sont actuellement regroupés. La ligue de l'enseignement à Fort de France y adhère. https://lamednum.coop/ ;Aidants Connect : déployé à travers une start-up d'État, ce dispositif doit permettre à un aidant numérique de réaliser des démarches administratives en ligne à la place d'une personne ne parvenant pas à les faire seule et de sécuriser la réalisation par un tiers-aidant. Une présentation d'un 1er prototype fonctionnel est prévue fin août 2019. Les premiers déploiements de l'outil sont prévus pour 2020 ;Enfin, dans le cadre de l'initiative Carte Blanche, a été créé Administration +, une plateforme qui met en relation des aidants (comme des travailleurs sociaux) avec des agents d'organismes publics afin de régler les blocages administratifs pour le compte d'usagers. https://beta.gouv.fr/startups/aidantsconnect.html. Réussir la formation des usagers et des aidants nécessite enfin de renforcer l'information sur les dispositifs existants et de canaliser l'ensemble des initiatives lancées :Les Hubs France Connectée : pour accélérer la consolidation de l'offre de médiation numérique sur l'ensemble du territoire et mettre en cohérence les politiques publiques en matière d'inclusion numérique, la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts et la Mission Société Numérique se sont associés pour faire émerger une dizaine de hubs territoriaux. Ces hubs ont vocation à incarner des têtes de réseau des acteurs de la médiation numérique. Ils fourniront un appui et des outils destinés à renforcer les actions d'inclusion et de médiation numérique. 5 millions d'euros seront engagés en 2019-2020 pour faire émerger 11 hubs territoriaux. Le hub retenu par le premier appel à projets en Martinique est le « Hub Ultra Numérique ». Il vise à identifier des problématiques spécifiques communes aux départements et régions d'Outre-Mer et cherche à mutualiser ressources, apprentissages et à consolider plusieurs acteurs opérationnels locaux. 359 000 euros ont été investis par l'État ;Une plateforme a été développée (www.inclusion.societenumerique.gouv.fr) pour agréger les ressources ;Un espace éditorial a été créé (Le Labo https://societenumerique.gouv.fr/le-labo/) proposant des données et savoirs précis afin de renforcer l'information et la compréhension des usages numériques et orienter les politiques publiques ;Une cartographie des lieux et services de la médiation numérique est également disponible : https://carto.societenumerique.gouv.fr/sonum-carto/carte. On trouve par exemple 5 lieux spécifiques repartis sur l'ensemble du territoire martiniquais ;Une plateforme, mutualisant l'ensemble des ressources, a été développée spécialement pour les collectivités territoriales (https://territoires.societenumerique.gouv.fr/). Elle permet également d'établir la cartographie des lieux accompagnant les usagers à la réalisation de leur démarche en ligne ;Un incubateur a été créé pour regrouper l'ensemble des initiatives sur l'inclusion numérique (MedNum, APTIC, Aidants Connect). 2/ Accompagner les usagers dans des lieux de proximité La politique de dématérialisation des échanges entre les usagers et l'administration s'accompagne également de l'ouverture de points d'accueil physique pour les usagers. En janvier 2019, 1271 maisons de services au public (désormais appelées maisons France Services) ont d'ores et déjà été ouvertes. 86% des usagers sont très satisfaits de l'accueil et de l'accompagnement (enquête BVA). Ces maisons de services au public ont vocation à devenir des interfaces privilégiées entre les usagers et l'administration en délivrant, en un lieu unique, une offre d'accompagnement personnalisé dans les démarches de la vie quotidienne (aides et prestations sociales, emploi, insertion, retraite, énergie, prévention santé, accès aux droits, mobilité, vie associative etc.). Le 3 mai 2019, le Premier Ministre a annoncé l'ouverture de 500 maisons France Services supplémentaires en milieu rural en 6 mois, avec des objectifs clairs d'amélioration de la qualité du service, d'augmentation des plages horaires et d'accompagnement renforcé. L'État et les opérateurs partenaires contribueront à hauteur de 36 millions d'euros par an à ces maisons France Service. Une action de labélisation est également en cours, pour 10 territoires qui expérimentent des outils issus du plan national pour un numérique inclusif (label « territoires d'actions pour un numérique inclusif »). Un nouveau programme interministériel (« Nouveaux lieux, nouveaux liens ») a été créé pour donner accès à de nouvelles activités et de nouveaux services aux habitants partout sur le territoire grâce au renforcement des tiers-lieux. Le 11 juillet 2019, pour accompagner et accélérer la dynamique de développement des tiers-lieux dans les territoires, le gouvernement a lancé l'appel à manifestation d'intérêt « Fabriques de Territoire ». A travers ce programme, l'État financera le fonctionnement de 300 Fabriques, à hauteur de 75 000 à 150 000 euros sur 3 ans, à raison de 50 000 euros par an maximum. 15 millions d'euros seront offerts sous formes de subventions d'investissements gérées par les préfets. La première vague de l'appel à manifestation d'intérêt sélectionnera 30 “Fabriques Numériques de Territoire”, proposant aux habitants de quartiers prioritaires de la politique de la ville, une large gamme de services de montée en compétences numériques. 3/ Accompagner les administrations centrales et locales dans la dématérialisation de leurs démarches L'enjeu pour accompagner ces publics est également d'outiller les administrations chargées de la dématérialisation de leurs démarches et de les acculturer à la démarche d'inclusion d'une part, et à la prise en compte de « l'expérience utilisateur » (« UX design ») d'autre part. Parmi les dispositifs disponibles :Le site « démarches-simplifiées.fr » est une application en ligne « open source » qui permet aux organismes publics de créer des télé-procédures en quelques minutes et de gérer les demandes des usagers sur une plateforme dédiée. En juin 2019, 340 500 dossiers ont été déposés sur démarches-simplifiées (autant de dossiers qui ne seront pas traitées sur papier). Cela représente plus de 10 fois le nombre de dossiers déposés en juin 2018 (30 427) ;La DINSIC (direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État) accompagne quotidiennement les ministères dans la dématérialisation de leurs démarches en priorisant celles qui sont le plus utilisées par les citoyens. Une attention particulière est portée sur l'expérience utilisateur et le parcours des usagers. Un tableau de bord de ces démarches est tenu à jour quotidiennement ;Le « Cerfa numérique » comprend plus de 30 critères de qualité dont 9 visent spécifiquement à lutter contre l'exclusion numérique et à faciliter le travail des médiateurs ;La DINSIC est également à l'origine de cadres de références à destination des administrations pour les aider assurer la qualité de leur démarche dématérialisée. On compte par exemple les « 10 principes d'une démarche en ligne exemplaire » ou encore le Référentiel d'accessibilité pour les administrations ;Le programme de « Développement concerté de l'administration numérique territoriale » offre une interface entre l'État et les collectivités territoriales pour les enjeux de dématérialisation. Les collectivités territoriales et l'État ont défini en concertation 4 axes prioritaires pour construire ensemble des services publics numériques territoriaux : un socle commun (construire un socle commun d'applications, de « briques numériques », de référentiels et de cadres partagés pour accélérer la transformation numérique des territoires), une gouvernance partagée au sein de l'Instance Nationale Partenariale, une approche globale de la donnée, le passage à l'échelle ;Afin de mutualiser les efforts des différentes collectivités locales, le Gouvernement a lancé l'initiative Numérique en commun(s), un événement national rassemblant les acteurs du numérique au service du développement des territoires. Des formations sont en ligne afin d'inciter les agents locaux à répliquer ces évènements dans leurs territoires. Afin de lutter durablement contre l'illectronisme, la DINSIC s'est aussi engagée dans une politique d'amélioration de « l'expérience utilisateur » visant à faire progresser la qualité intrinsèque des démarches administratives. Pour cela, elle a :Mis en place une « communauté UX » au sein de l'État, afin d'insuffler les compétences et la culture UX au sein des administrations ;Développé « Monavis.numérique.gouv.fr », qui permet aux utilisateurs d'exprimer leur avis sur une démarche dématérialisée, et sert ainsi de tableau de bord de la dématérialisation des procédures administratives. 1613 démarches sont aujourd'hui recensées ;Lancé un programme de « Designers d'intérêt général », variante du programme Entrepreneurs d'intérêt général. Financé par le Programme d'Investissements d'Avenir à hauteur de 1,5M€ pour 2019, ce programme sélectionne les meilleurs projets d'amélioration UX des services publics en ligne et recrute une promotion de designers qui devra résoudre les défis lancés par l'administration ;Dans le cadre de la loi pour un État au service d'une société de confiance, l'État expérimente le droit à l'erreur dans les démarches administratives. Le site oups.gouv.fr permet de recenser les erreurs fréquentes commises par les usagers et donne des conseils pratiques. 4/ Etendre la couverture numérique et mobile du territoire En dernier lieu, le Gouvernement a fait de l'amélioration de la couverture numérique (accès à internet sur les réseaux fixes comme couverture mobile) une priorité de son action au service de la cohésion et de la compétitivité des territoires. Deux objectifs orientent son action : un objectif de cohésion (d'ici 2020, garantir à tous un accès au bon haut débit > 8Mbits/s ou au très haut débit et généraliser la couverture mobile de qualité) et un objectif d'ambition (d'ici 2022, doter tous les territoires de la République d'infrastructures numériques de pointe, en offrant des accès à très haut débit >30 Mbit/s). Concernant la couverture mobile, le 12 janvier 2018, l'État et quatre opérateurs de téléphonie mobile ont ainsi signé un accord ayant pour objectif de généraliser la couverture mobile de qualité pour l'ensemble des Français. L'accord prévoit :La fin des zones blanches : en 3 ans, autant de zones seront traitées qu'avec l'ensemble des programmes gouvernementaux depuis 15 ans, chaque opérateur s'étant engagé à fournir 5 000 installations supplémentaires ;La généralisation de la 4G, avec d'ici 2020, plus de 10 000 communes passant de la 2G ou la 3 G à la 4G ;L'accélération de la couverture mobile des axes de transport, notamment sur les lignes TER ;L'amélioration de la qualité de service : pour être considérée comme couverte, une zone devra bénéficier d'un service de bonne qualité ;La généralisation de la couverture téléphonique à l'intérieur des bâtiments, notamment en utilisant la voix sur Wifi ;L'Agence du Numérique pilote deux programmes de soutien à la couverture mobile : Le programme « zones blanches centres-bourgs » pour apporter une couverture en téléphonie et Internet mobile minimale dans les centres-bourgs des communes concernées,Le programme « 1 300 sites stratégiques » pour assurer la couverture mobile de 1 300 sites stratégiques définis et sélectionnés au niveau local (zones économiques et touristiques, hameaux, etc.). S'agissant des infrastructures numériques fixes, le Gouvernement a renforcé le plan France Très Haut Débit en sécurisant les engagements de déploiement des opérateurs privés Orange et SFR sur près de 13 millions de locaux (zones urbaines et péri-urbaines) et en consolidant 3,3 milliards d'euros de soutien aux projets portés par les collectivités territoriales, afin de permettre le déploiement du très haut débit (> 30 Mb/s) pour tous les habitants d'ici fin 2022 tout en garantissant un accès à un bon haut débit (> 8 Mb/s) dès 2020. Dans les territoires ruraux, les collectivités territoriales déploient des réseaux d'initiative publique (RIP) et mobilisent l'ensemble des technologies existantes pour fournir un débit Internet fixe de qualité. L'investissement dans les réseaux d'initiative publique est de 13 à 14 milliards d'euros. L'État a également mis en place des outils pédagogiques pour les territoires : un guide de l'aménagement numérique des territoires (http://agencedunumerique.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/10/20181204_Petit-guide-ANT-VDEF-compresse.pdf) ainsi qu'un Panorama de l'aménagement numérique des territoires (http://agencedunumerique.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/10/POSTER17.pdf). Enfin, l'observatoire France Très Haut Débit (https://observatoire.francethd.fr/) permet de suivre les avancées du Plan.
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