Mme Danièle Obono interroge M. le ministre de l'intérieur sur la bonne application de la loi en ce qui concerne les demandes d'asile des personnes LGBT en provenance de Maurice. Dans ce pays, les personnes LGBT sont systématiquement exposées aux craintes de persécutions selon les termes de l'article 1A2 de la Convention de Genève de 1951. Or Maurice est un pays classé à ce jour comme « pays d'origine sûr » selon la liste établie le 9 octobre 2015 par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) conformément à l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). En effet, depuis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, l'article L. 722-1 du CESEDA dispose qu' « [un] pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». L'ajout par le législateur en 2018 de la mention « quelle que soit leur orientation sexuelle » à cet article est venu compléter les dispositions de l'article L. 711-2 du CESEDA selon lesquelles « [s']agissant des motifs de persécution, les aspects liés au sexe, à l'identité de genre et à l'orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l'appartenance à un certain groupe social ou de l'identification d'une caractéristique d'un tel groupe ». Dans le même temps, depuis l'entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de la loi du 10 septembre 2018, les personnes demandant l'asile ressortissantes d'un pays figurant sur la liste des pays d'origine sûrs ne bénéficient plus du droit inconditionnel au maintien sur le territoire français en cas de rejet de leur demande par l'OFPRA, le temps de l'examen de leur recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui n'est plus suspensif des mesures d'éloignement (voir le 7° de l'article L743-2 du CESEDA). Ainsi, des personnes invoquant une crainte fondée de persécutions parce qu'appartenant à un groupe social dans leur pays d'origine, au vu de leur profil invoqué de personnes LGBT, peuvent se retrouver expulsées sans avoir pu faire jouer leur droit fondamental au recours et ce alors que la décision de rejet de l'OFPRA peut tout à la fois se fonder sur le non établissement de leur orientation sexuelle homosexuelle qu'uniquement sur le non-établissement de faits de persécutions personnelles allégués en entretien, alors même que l'orientation homosexuelle seule peut être établie par l'Office lors de ce premier examen. Or il ressort de nombreuses sources (rapports d'organisations non gouvernementales de défense des droits humains, publications de l'OFPRA ou jurisprudence de la CNDA), que : d'une part, les personnes LGBT constituent un groupe social cible des persécutions au sens de l'article 1A2 de la Convention de Genève de 1951 ; d'autre part, la législation de Maurice pénalise la sodomie d'une peine allant jusqu'à cinq ans et vise particulièrement l'homosexualité masculine ; enfin, cette législation d'État répressive contre l'homosexualité est en tant que telle une persécution à l'encontre de toutes les personnes LGBT, à laquelle s'ajoutent toutes les persécutions contre les personnes LGBT perpétrées par la société qui sont systémiques et qui peuvent aller jusqu'au lynchage. Aussi, Mme la députée demande à M. le ministre, chargé de l'asile et ayant pouvoir de désignation du président du conseil d'administration de l'OFPRA, s'il entend bien faire appliquer la loi du 10 septembre 2018 censée être entrée en vigueur le 1er janvier 2019, et notamment les nouvelles dispositions de l'article L. 722-1 du CESEDA, en faisant retirer au plus vite Maurice de la liste des pays d'origine sûrs intégrant la question de l'orientation sexuelle. Elle lui demande aussi de prendre toutes les mesures d'urgence conservatoires possibles, pour que, tant que la liste des pays d'origine sûrs n'est pas révisée pour tenir compte des dispositions législatives de 2018, la fin du caractère suspensif des mesures d'éloignement pendant le recours devant la CNDA après un premier rejet notifié par l'OFPRA ne soit pas appliquée. L'Office ayant par ailleurs la faculté de déclasser un dossier de la procédure accélérée à la procédure normale, elle souhaite enfin savoir comment il pourrait, aux regards des enjeux posés et sans remettre en cause l'indépendance de l'Office quant aux instructions sur le fond des dossiers, encourager de façon systématique cette pratique de déclassement de la procédure accélérée pour les demandes invoquant l'orientation sexuelle comme motif de persécutions, afin de rendre effectif le droit au recours.
La prise en compte de la vulnérabilité et des besoins spécifiques des demandeurs d'asile LGBTI est une préoccupation du Gouvernement et de l'ensemble des acteurs de l'asile en France. L'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est en effet très attentif à la problématique des vulnérabilités, en particulier celles reposant sur l'orientation sexuelle. Depuis 2013, l'OFPRA a constitué des groupes de référents thématiques dédiés aux besoins spécifiques de protection des demandeurs d'asile identifiés comme vulnérables, dont l'un spécifiquement consacré à l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Les référents du groupe apportent un appui direct à l'instruction des demandes d'asile, notamment à travers des ateliers sur la conduite de l'entretien avec les personnes LGBTI et sur l'appréciation de leur demande d'asile. En outre, des lignes directrices pour l'instruction de la demande d'asile fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ont été établies en 2018. Le groupe de référents a également engagé, depuis plusieurs années, un dialogue avec le milieu associatif spécialisé sur les questions LGBTI. L'attention portée aux problématiques des vulnérabilités, en particulier celles reposant sur l'orientation sexuelle, est la même que la demande soit examinée selon la procédure normale ou selon la procédure accélérée, lesquelles sont entourées des mêmes garanties juridiques. De même, l'inscription d'un pays sur la liste des pays d'origine sûrs n'a aucune incidence sur l'exigence d'un examen individuel et approfondi par l'OFPRA et ne fait en aucun cas obstacle à l'octroi d'un statut de protection internationale s'il existe un besoin de protection. Au surplus, l'OFPRA a toujours la possibilité de décider de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui parait nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande, notamment lorsque le demandeur ressortissant d'un pays d'origine sûr invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d'origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande. La cour nationale du droit d'asile (CNDA) a également la possibilité de renvoyer l'examen d'un recours en formation collégiale si elle l'estime nécessaire pour un examen approprié de la demande. En outre, s'il est désormais possible de prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l'encontre d'un ressortissant d'un pays d'origine sûr dès qu'une décision de rejet de l'OFPRA lui est notifiée, il convient de préciser que le demandeur a la possibilité, dans le cadre de son recours contre l'OQTF, de faire valoir auprès du juge administratif des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la CNDA. Par ailleurs, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a précisé, s'agissant de la définition du pays d'origine sûr, que, pour l'appréciation du caractère sûr du pays concerné, il ne devait pas exister de persécutions ou de mauvais traitements contre des personnes à raison de leur orientation sexuelle. Plusieurs associations, dont l'ARDHIS, ont donc saisi le conseil d'administration de l'OFPRA sur ce fondement en demandant notamment la radiation de Maurice de la liste des pays d'origine sûrs. Réuni le 5 novembre 2019, le conseil d'administration de l'OFPRA a procédé à l'examen de la situation prévalant dans l'ensemble des pays figurant sur la liste des pays d'origine sûrs arrêtée en 2015, dont Maurice, et a décidé de maintenir Maurice sur la liste. Le conseil d'administration de l'OFPRA demeurera néanmoins attentif aux évolutions susceptibles de se produire dans les pays concernés et pouvant affecter les personnes LGBTI, veillant, comme la loi le prescrit, à l'actualité et à la pertinence des inscriptions sur la liste des pays d'origine sûrs.
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