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Ugo Bernalicis
Question N° 21257 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 9 juillet 2019

M. Ugo Bernalicis attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les modalités de dépôt de plainte pour violence sexiste et sexuelle, qui au regard des nombreux témoignages reçus sont mal adaptées à la situation concrète des victimes. En effet, aujourd'hui, la loi dispose que pour déposer une plainte, la potentielle victime doit avoir auparavant obtenu un certificat médical de constatation des violences subies, après un examen médical, et un récit détaillé des faits qui y sont consignés. La personne victime doit ensuite se rendre auprès des services de police ou de gendarmerie pour déposer concrètement sa plainte et y raconter à nouveau son agression. Outre le manque de personnels, le manque de formation des agents qui accueillent les victimes, ce processus dans sa globalité est problématique car il demande à la victime de se confronter à plusieurs services et d'évoquer à plusieurs reprises le récit des violences qu'elle a subies. Mme la ministre conviendra que les victimes ayant subi des violences sexistes ou sexuelles sont placées face à une procédure qui prend le risque de dissuader le dépôt de plainte en niant tout le processus psychologique et le trauma des violences subies. M. le député rappelle que la France a ratifié le 4 juillet 2014 la convention d'Istanbul de lutte contre la violence à l'égard des femmes, dont l'article 25 requiert que « Les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour permettre la mise en place de centres d'aide d'urgence [...] afin de leur dispenser un examen médical et médico-légal, un soutien lié au traumatisme et des conseils ». De tels lieux, où les femmes victimes pourraient trouver tous les services nécessaires réunis (médecin-légiste, psychologue, aide sociale, police ou gendarmerie formée, etc.), et où lesdits services pourraient communiquer le récit de l'agression pour éviter aux victimes d'avoir à le raconter plusieurs fois, sont très rares en France. Les généraliser est non seulement une nécessité pour permettre de lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles en accompagnant les victimes le mieux et le plus tôt possible, mais aussi une obligation du fait de l'aspect juridiquement contraignant de la convention d'Istanbul. Il l'interroge donc sur ce qu'elle compte mettre en place pour répondre au double objectif de remplir les engagements de la France pris à Istanbul et de mieux accompagner les trop nombreuses victimes de violences sexistes et sexuelles.

Réponse émise le 22 octobre 2019

La prévention et la lutte contre toutes les violences sexuelles et sexistes constituent une priorité de l'action du Gouvernement. La qualité de l'accueil des victimes étant déterminante pour les inciter à déposer plainte, plusieurs dispositifs visent à offrir aux femmes victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles un accueil et une prise en charge spécifiques et adaptés. Les dispositifs d'accueil des victimes organisent en particulier la possibilité, en plus de la procédure judiciaire classique, d'une orientation vers un psychologue, un intervenant social ou une association d'aide aux victimes. Un effort important est également consenti en matière de formation des forces de l'ordre. Des outils pédagogiques sur les violences faites aux femmes ont été conçus pour doter les gendarmes des moyens leur permettant de mieux accueillir et accompagner la victime dans ses démarches et pour faciliter le partenariat des professionnels dans la prise en charge. Divers supports ont également été élaborés, avec l'aide de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Depuis 2014, plus de 8 000 gendarmes ont été formés à l'aide de ces outils pédagogiques dans le cadre de la formation initiale ou continue. En décembre 2018, des actions de formation à destination des formateurs de la gendarmerie ont également été organisées par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Cet effort de formation permet aux militaires de la gendarmerie d'accueillir dans les meilleures conditions les victimes de violences sexuelles et sexistes. L'audition de la victime est réalisée par un militaire expérimenté (ou sous le contrôle de ce dernier) afin d'asseoir la qualification pénale et d'en informer le parquet qui saisira l'unité de son choix pour la poursuite des investigations. Les enquêteurs, via le logiciel de rédaction de procédures de la gendarmerie nationale, peuvent accéder à une liste de questions prédéfinies permettant d'optimiser la qualité des investigations au travers de l'exhaustivité des éléments recueillis quant aux faits incriminés et à leur contexte. En fonction de l'évaluation personnalisée faite dans un premier temps de la victime, conformément à l'article 10-5 du code de procédure pénale, l'audition pourra être reportée ou réalisée au besoin par un enquêteur du même sexe et dans des locaux adaptés. A l'issue de cette audition, la victime reçoit plusieurs documents lui permettant de mieux appréhender la suite de la procédure mais aussi la gestion de son traumatisme : - un récépissé de dépôt de plainte et à sa demande une copie de sa plainte ; - un coupon de l'association locale de prise en charge des victimes de violences (familiales ou sexuelles). De plus, une réflexion est menée pour que des éléments de preuve soient recueillis par les médecins en l'absence même d'un dépôt de plainte. A l'issue de la prise de la plainte et selon les éléments du dossier, la victime pourra être invitée à se rendre dans une unité médico-judiciaire afin d'être examinée par un médecin légiste qui procédera à un examen complet et détaillé de la victime et qui rédigera un rapport précis des blessures relevées. Cet examen, réalisé par un médecin légiste dûment habilité et réquisitionné, sera annexé à la procédure et permettra notamment de caractériser l'infraction. Il peut également être complété par un examen psychologique de la victime aux fins de déterminer l'impact psychologique de l'infraction sur celle-ci. L'existence d'unités médico-judiciaires au sein de certains centres hospitaliers permet d'accueillir en un seul lieu médecins, psychologues, associations de victimes, enquêteurs. Ce dispositif mérite d'être développé sans toutefois être un point de passage obligatoire pour les victimes. Les unités médico-judiciaires demeurent très localisées et ne doivent pas faire obstacle à ce qu'une victime soit prise en charge sur son lieu de vie sans devoir rajouter à son traumatisme, la pénibilité d'un déplacement de plusieurs dizaines de kilomètres. Dans cette perspective, l'institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale travaille à l'élaboration d'une malette d'aide et d'accompagnement à l'examen des victimes d'agressions sexuelles pour offrir à tout enquêteur travaillant avec un médecin isolé d'une unité médico-judiciaire, les outils nécessaires aux premières investigations et prélèvements. Enfin, le ministère de l'intérieur a participé au « Grenelle des violences conjugales » qui a été organisé le 3 septembre 2019.

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