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Ugo Bernalicis
Question N° 21434 au Ministère de la justice


Question soumise le 16 juillet 2019

M. Ugo Bernalicis attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'état actuel des dispositifs de prévention et de détection de faits de corruption ou de trafic d'influence. Aux termes de l'article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, il incombe une obligation de transparence aux présidents, directeurs généraux et gérants d'une société employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros. C'est un choix politique qui a été fait par la loi. Autrement dit, plutôt que de doter l'État et ses services de détection de la délinquance financière des moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission, la loi Sapin II de 2016 impose à toute entreprise remplissant les critères évoqués ci-dessus, de se contrôler elles même. Bien que cette tâche incombe très souvent à des départements conformité ou prudentiels qui sont distincts de la hiérarchie opérationnelle, ils sont internes à l'entreprise et sous les ordres de la même direction. La récente affaire des CumEx Files, révélée dans le journal Le Monde, le 18 octobre 2018, dans laquelle sont impliquées de nombreuses banques françaises telles que la BNP Paribas, la Société Générale ou encore le Crédit Agricole, témoigne du risque manifeste de conflit d'intérêt qu'induit cette configuration. Ce constat n'a malheureusement rien d'étonnant, dans la mesure où le respect des obligations de conformité repose en grande partie sur le bon vouloir des établissements potentiellement mis en cause. En l'absence d'un dispositif public assurant véritablement ces obligations, il semble difficile d'envisager une amélioration significative. C'est pourquoi, à la suite du rapport d'information n° 1822 déposé par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière, M. le député considère le transfert progressif de la charge du contrôle interne vers un contrôle externe par les agences prudentielles telles que l'ACPR, l'AMF ou l'AFA comme une urgence. Ce transfert impliquerait une augmentation considérable des moyens humains et financiers mis à la disposition de ces agences, qu'il serait intéressant de mettre en balance avec les sommes échappant à la vigilance des autorités en raison des défaillances inhérentes au dispositif. Au regard de ces éléments, il l'interroge afin de connaître : le coût en terme de ressources humaines engendré par le recrutement au sein des agences prudentielles (notamment ACPR, AMF et AFA), d'un nombre d'agents leur permettant de prendre en charge l'intégralité de la détection des infractions financières, de faits de corruption ou de trafic d'influence, ainsi que le moyen d'assurer son financement ; le gain potentiel engendré en terme de détection des infractions ; tout autre élément objectif conduisant à maintenir le choix politique actuel du Gouvernement.

Réponse émise le 10 septembre 2019

Les dispositions de l'article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 imposent aux présidents, directeurs généraux et gérants de sociétés employant au moins cinq cents salariés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d'euros, ou d'établissements publics à caractère industriel et commercial et aux membres du directoire des sociétés anonymes répondant aux mêmes critères, de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l'étranger, de faits de corruption ou de trafic d'influence. Ces mesures sont listées au II du même article comme étant : - Un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire, intégré au règlement intérieur de l'entreprise avec procédure de consultation ; - Un dispositif d'alerte interne permettant le recueil des signalements d'employés relatifs à l'existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite ; - Une cartographie actualisée des risques d'exposition de la société à des sollicitations externes de corruption, en fonction des secteurs d'activités et des zones géographiques ; - Des procédures d'évaluation de la situation des clients, fournisseurs et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ; - Des procédures de contrôles comptables destinées à s'assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d'influence ; - Un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d'influence ; - Un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la société en cas de violation du code de conduite de la société ; - Un dispositif de contrôle et d'évaluation interne des mesures mises en œuvre. Le contrôle du respect de ces mesures est exercé par l'Agence française anticorruption (AFA). Les contrôles de l'AFA donnent lieu à l'établissement de rapports transmis aux représentants de l'entité contrôlée. Ils contiennent les observations de l'agence concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein des entités contrôlées ainsi que des recommandations en vue de l'amélioration des procédures existantes. En cas de manquement constaté, et après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses observations, le directeur de l'AFA peut adresser un avertissement à l'entreprise, voire saisir la Commission des sanctions de l'AFA, qui peut soit enjoindre la société et ses représentants d'adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d'influence, soit prononcer des sanctions pécuniaires jusqu'à 200 000 euros pour les personnes physiques et 1 000 000 d'euros pour les personnes morales. Plus largement, l'AFA, agence à compétence nationale placée sous l'autorité conjointe du ministre de la Justice et du ministre de l'Action et des comptes publics, a pour mission d'aider les personnes de droit privé ou public, à prévenir et à détecter les manquements au devoir de probité que sont la corruption, le trafic d'influence, la concussion, la prise illégale d'intérêt, le détournement de fonds publics et le favoritisme. L'AFA remplit cette mission en actionnant deux leviers complémentaires que sont le conseil aux acteurs publics et économiques d'une part, et le contrôle de la qualité et de l'efficacité des dispositifs anticorruption d'autre part. Dotée de 60 agents, l'AFA a diligenté 47 contrôles en 2018, dont 28 ont porté sur les acteurs économiques visés par l'article 17 de la loi précitée. Ce dispositif, aussi récent que novateur en France, ne saurait déjà être remis en cause après seulement 2 années d'existence et alors même que l'AFA s'est largement inscrite dans le paysage institutionnel français de la lutte anti-corruption.

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