M. Ugo Bernalicis appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la maîtrise qu'exerce actuellement le pouvoir exécutif sur le déroulement de la carrière des magistrats du siège et du parquet. En effet, aux termes de l'article 26 de l'Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifiée par la loi n° 2007-287 du 5 mars 2007 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le Président de la République nomme les auditeurs de justice aux postes du second degré de la hiérarchie judiciaire sur les propositions du garde des sceaux, ministre de la justice. Les magistrats sont donc nommés par le Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, et après avis simple du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), que le ministre n'est donc pas tenu de suivre. A la suite du rapport d'information n° 1822 déposé par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance, M. le député estime que ce mode de nomination constitue une atteinte au principe de séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif et présente un risque manifeste d'ingérence. En témoigne la nomination du procureur de la République de Paris M. Rémy Heitz, dont M. le Premier ministre assume parfaitement de s'être assuré que ce dernier soit parfaitement en ligne et qu'il sera parfaitement à l'aise avec ce procureur, selon ses propres mots, tenus devant l'Assemblée nationale le mardi 2 octobre 2018. Aussi décomplexée soit-elle, la prérogative du ministère de la justice et du Président de la République sur la nomination des magistrats n'en est pas moins attentatoire aux exigences les plus élémentaires d'indépendance de la justice. A cela s'ajoute l'opacité des modalités d'affectation des dossiers aux différents magistrats, permettant certaines remontées d'informations sur les affaires individuelles. Dans de telles circonstances, toutes les conditions d'une allégeance de la justice à l'exécutif sont réunies. Afin de mettre l'autorité judiciaire à l'abri des suspicions et mises en causes réelles ou supposées de son indépendance, il l'interroge sur les possibilités de confier la maîtrise du déroulement de la carrière des magistrats du siège et du parquet à un Conseil supérieur de la magistrature à la composition rénovée et de reconnaître l'autonomie des magistrats du parquet vis-à-vis de leur chef de juridiction en organisant un système transparent et objectif d'affectation des dossiers.
L'article 65 de la Constitution prévoit que les magistrats du siège sont nommés par décret du Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Le pouvoir exécutif ne peut ainsi aller à l'encontre d'un avis du Conseil supérieur de la magistrature concernant un magistrat du siège. L'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature précise, en son article 4, que « les magistrats du siège sont inamovibles. Le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement ». Les magistrats du siège sont statutairement indépendants du pouvoir exécutif. Le même article prévoit que les magistrats du parquet sont nommés par décret du Président de la République, sur proposition du garde des Sceaux, après avis simple du Conseil supérieur de la magistrature. Le rôle des magistrats du parquet est différent de celui des magistrats du siège. Les magistrats du parquet ont notamment pour mission la mise en œuvre de la politique pénale déterminée par le pouvoir exécutif. Depuis 2013, le ministre de la justice ne peut plus leur adresser d'instructions individuelles, mais uniquement des instructions générales. Le rôle des magistrats du parquet dans la conduite de la politique pénale justifie qu'ils soient placés, comme le prévoit l'article 5 du statut de la magistrature, sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. Le Conseil constitutionnel a jugé que cet article était conforme à la Constitution. Il assure en effet "une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution" (décision du 8 décembre 2017, n° 2017-680 QPC). Dans ce contexte et pour ces motifs, le gouvernement n'estime pas opportun de confier au Conseil supérieur de la magistrature la gestion pleine et entière de la carrière des magistrats du parquet dans la mesure où le ministre de la justice, responsable devant le Parlement du bon fonctionnement du service public de la justice, doit rester chargé de son organisation, et participer au recrutement, à l'emploi et à la gestion des magistrats. Pour autant, le gouvernement souhaite renforcer les prérogatives exercées par le conseil supérieur de la magistrature envers les magistrats du parquet. Un projet de révision de la constitution a été déposé pour rapprocher leur statut de celui des magistrats du siège. Ce texte prévoit : - Que l'avis donné par le conseil supérieur de la magistrature sur les projets de nominations des magistrats du parquet soit un avis conforme liant le pouvoir de nomination du Président de la République. - Que le régime disciplinaire de ces mêmes magistrats soit confié au Conseil supérieur de la magistrature et non plus au garde des Sceaux.
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