Mme Valérie Boyer attire l'attention de Mme la ministre des armées sur la fusillade du 26 mars 1962, rue d'Isly pendant les événements d'Algérie. Entre 1952 et 1962, 1 343 000 jeunes appelés et rappelés et plus de 400 000 militaires d'active ont traversé la Méditerranée pour accomplir leur devoir sur les différents théâtres d'opérations d'Afrique du nord. Les conflits d'Afrique du nord ont un bilan très lourd : plus de 25 000 militaires tués, plus de 70 000 militaires blessés, environ 400 000 victimes civiles d'origine africaine ou européenne. Ces conflits furent également un drame pour près d'un million de civils européens, contraints d'abandonner la terre où ils étaient souvent établis depuis plusieurs générations, ainsi que les « Harkis » livrés à un destin souvent tragique. Bien trop souvent minimisée, cette période de l'histoire ne doit plus être occultée. 57 ans après les « accords » d'Evian du 18 mars 1962, les plaies de celles et ceux qui ont connu la guerre d'Algérie sont toujours ouvertes. Anciens combattants, rapatriés, « Harkis », sont à jamais marqués par cette guerre. Il est d'ailleurs important de rappeler que ces accords n'ont pas marqué la fin des massacres. Au contraire, la violence s'est poursuivie et même intensifiée après leur signature. Le 23 mars, le quartier de Bab-el-Oued était bouclé et soumis à une fouille inhumaine. Les maisons étaient mitraillées, c'est ainsi qu'une petite fille fut assassinée alors qu'elle jouait à l'intérieur de l'appartement de ses parents. Femmes, enfants, vieillards manquaient de vivres, de médicaments. Le 26 mars, trois jours après le début de ce bouclage, les Français d'Algérie manifestaient pacifiquement à Alger, drapeaux tricolores à la main, pour marquer leur attachement à ces trois départements français qui les avaient vus naître, pour soutenir moralement les habitants du quartier de Bab-El-Oued et afin de leur apporter des vivres, des médicaments. Rien ne fut fait pour empêcher les Algérois de manifester. Le préfet Vitalis-Cros n'avait pas cru devoir instaurer de couvre-feu. Sans sommation, à 14 h 50, la troupe du 4e régiment de tirailleurs ouvrit le feu, s'acharnant sur ceux qui s'étaient jetés à terre afin de se protéger. La version officielle dira que des coups de feu avaient été tirés d'un toit vers les militaires. Mais ceux-ci, au lieu de riposter vers le toit où devrait se trouver le prétendu tireur, ont tiré à l'arme automatique dans la foule, frappant dans le dos des manifestants qui tentaient vainement de s'enfuir. Cette fusillade unilatérale durera environ 12 minutes. La France n'avait pas respecté le cessez-le-feu. Le bilan officiel fut de 49 morts et plus de 200 blessés. Toutes les victimes furent du côté des civils. Pas un mort du côté militaire ni même un blessé. Les familles ne purent enterrer leur mort dignement, les obsèques religieuses furent interdites. Les corps furent amenés directement aux cimetières par camion militaire au jour et à l'heure choisis par les autorités. Une telle action de maintien de l'ordre, requérant des moyens matériels et humains conséquents, organisée et coordonnée, a été confiée par certains responsables français à une unité inapte au maintien de l'ordre. Est-ce une « bavure » imputable à quelques militaires ou au Gouvernement français. Il s'agit d'un événement d'une gravité exceptionnelle, de la répression d'État la plus violente qu'ait jamais provoquée en France une manifestation de rue depuis la Commune. Durant de nombreuses années, les autorités françaises ont imposé le silence sur cette page dramatique de l'histoire. Grâce aux travaux de chercheurs et historiens français (notamment Jean-Jacques Jordi), les circonstances du massacre perpétré le 26 mars 1962 sont aujourd'hui connues. À cet égard, afin que toute la lumière soit faite sur cet événement, le libre accès à l'ensemble des archives doit être pleinement garanti. Il est grand temps aujourd'hui que l'État français rompe définitivement avec le silence et reconnaisse officiellement les crimes commis le 26 mars 1962 lors de cette manifestation pacifique. C'est le vœu de l'association des familles des victimes du 26 mars 1962. 57 ans après ces faits, il reste encore de nombreux membres des familles de victimes. Ils sont désormais très âgés et ont droit à la vérité sur ce drame qui a hanté leur vie. Ce silence méprisant des autorités françaises les ronge. Il est temps de connaître toute la vérité et que l'ensemble des archives soit ouvert. Aussi, elle aimerait connaître les identités des soldats présents ce 26 mars 1962, ainsi que leur parcours civil et militaire à partir de cette date.
La France honore toutes les mémoires de la guerre d'Algérie. Celle des soldats morts pour la France ou blessés, celle des appelés et rappelés du contingent, des militaires de carrière, des forces de l'ordre de métropole et d'Afrique du Nord. Celle des civils de France ou d'Algérie qui eurent à subir l'angoisse, les violences et les attentats. Celle des Français d'Algérie qui durent commencer une vie nouvelle. Celle des membres des forces supplétives, des harkis, qui avaient fait le choix de la fidélité à la France. Les semaines qui suivirent le 19 mars 1962 furent celles des représailles et de l'exil dans une métropole qui, entre incompréhension et ignorance, manqua à son devoir d'accueil. La fusillade de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, fait partie de ces pages douloureuses. Ces déchirures sont désormais une part de notre histoire nationale mais leur souvenir est encore vif dans notre mémoire collective. Porter un regard lucide et objectif sur ces années doit permettre à la communauté nationale de cheminer vers une mémoire apaisée. Progressivement, l'histoire s'empare de cette période dont la mémoire demeure, aujourd'hui encore, vive et plurielle. A cet égard, les documents conservés au service historique de la défense (SHD) et relatifs aux événements du 26 mars 1962 sont pour la plupart librement communicables. Font exception uniquement de rares documents classifiés ou bien dont les délais fixés par le code du patrimoine (article L.213-2) n'ont pas encore expiré : les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire et les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions deviendront librement communicables à l'expiration d'un délai de 75 ans. Ces documents peuvent faire l'objet de demandes de consultation par dérogation et de demandes de déclassement. Les documents relatifs aux événements du 26 mars 1962 sont principalement conservés dans la sous-série 1R (cabinet du ministre), dans la sous-série 15R (service d'information, d'études et de cinématographie des armées/3e division "action psychologique en Algérie et en Afrique du Nord"), de la sous-série 1H (Algérie : cabinet du corps d'armée d'Alger), de la sous-série 7U (régiments et organismes de l'armée de Terre) et dans les archives du bureau technique d'organisation et d'emploi de la sous-direction de la gendarmerie ainsi que dans celles du 2e bureau du Commandement de la gendarmerie en Algérie. Les numéros des cartons peuvent être transmis par le SHD sur simple demande. Plusieurs autorisations de consultation d'archives relatives à la guerre d'Algérie et conservées au SHD sont délivrées chaque année en application de la circulaire du 13 avril 2001 relative à l'accès aux archives publiques en relation avec la guerre d'Algérie et de la déclaration du 13 septembre 2018 du président de la République sur les disparus de la guerre d'Algérie. S'agissant de l'identité des militaires présents le 26 mars 1962, seuls les officiers sont nommément désignés dans les journaux de marche et d'opérations, les autres personnels ne figurent que s'ils sont blessés ou tués. Si l'on prend l'exemple du 4e régiment de tirailleurs, les hommes de troupe ne sont pas identifiés et aucun document ne permet de déterminer ceux qui étaient bien présents ce jour-là rue d'Isly. Les dossiers de personnel des officiers qui peuvent être identifiés grâce aux journaux de marche et d'opérations sont conservés au Centre des archives du personnel militaire à Pau, mais ne sont communicables qu'à l'issue d'un délai de 50 ans à partir de la date la plus récente comprise dans le dossier, ou, si la personne est décédée, à l'issue d'un délai de 25 ans à compter de la date du décès. Il est néanmoins possible de demander par dérogation l'autorisation de consulter des dossiers non encore librement communicables. Ces dossiers ne font ressortir que les parcours militaires, mais ne permettent pas de retracer les parcours civils.
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