Mme Muriel Ressiguier alerte M. le ministre de l'intérieur sur le lien de confiance qui s'étiole entre la population et les forces de l'ordre. Les cas d'usage disproportionné de la force et d'affaires non résolues se multiplient. Que ce soit dans les quartiers populaires, ce qui hélas est loin d'être nouveau, dans les mouvements sociaux, ou lors d'évènements festifs. Steve, Zineb et Adama sont emblématiques d'une dérive de la doctrine de la gestion des forces de l'ordre. Celle-ci est inquiétante car elle accentue le clivage entre la population et ses institutions. Le 19 juillet 2016, la vie d'Adama Traoré, 24 ans, et de ses proches bascule. Ce jour-là, à Beaumont-sur-Oise les gendarmes venaient arrêter son frère Bagui, qui se trouvait avec lui. En les voyant, Adama, pris de panique, part en courant. Rattrapé, il subit un plaquage ventral, il est immobilisé au sol sous le poids de trois hommes, avant d'être emmené à la gendarmerie de Persan. Voyant son état de santé se dégrader, les forces de l'ordre ont fait appel aux pompiers, qui malgré leur tentative de réanimation n'ont pas réussi à le sauver. Une première expertise a mis en avant un décès dû à des problèmes de santé. Celle-ci est aujourd'hui contredite par un rapport médical réalisé à la demande de la famille. Une nouvelle expertise devait être demandée en avril 2019 par les juges d'instructions. Or à ce jour, de manière incompréhensible : toujours rien. L'usage du plaquage ventral est contesté par de nombreuses personnes en raison de sa dangerosité. Ainsi L'Action chrétienne pour l'abolition de la torture (Acat), dans son rapport sur les violences policières de 2016, a comptabilisé quatre cas mortels depuis 2005. Déjà en 2007, la Cour européenne des droits de l'Homme avait condamné la France après le décès d'un homme des suites de cette pratique. Le 1er décembre 2018, c'est la vie de Zineb Redouane, 80 ans, et de sa famille qui s'effondre. Elle est atteinte au visage par une grenade lacrymogène à la fenêtre de son appartement, lors d'une manifestation des « gilets jaunes ». Elle décède le lendemain. Une première expertise indique une mort due à un « choc opératoire », alors qu'une deuxième expertise pratiquée en Algérie impute le décès à « l'impact d'un projectile non pénétrant [...], pouvant correspondre à une bombe lacrymogène » et qu'il est « directement responsable de la mort par aggravation de l'état antérieur de la défunte ». L'avocat de la famille remet en cause « l'impartialité » de la justice marseillaise. Le 5 juillet 2019, les proches de la victime ont déposé une nouvelle plainte pour « faits de faux en écriture publique aggravés », mettant en doute le fait qu'une caméra de surveillance ait été hors service le jour du drame. Ils accusent les enquêteurs de vouloir « entraver la manifestation de la vérité dans l'enquête sur les circonstances » de la mort. Une information judiciaire a été ouverte. Dans ce cadre, l'IGPN sollicitait la neutralisation des fusils « Cougar lanceur de grenade MP7 » utilisés, afin de les expertiser. Devant les enquêteurs, les CRS présents lors du tir des grenades lacrymogènes ont déclaré ignorer qui avait tiré. Le capitaine des CRS aurait refusé de remettre aux enquêteurs les cinq armes de ce type dont est dotée son unité. Ce même capitaine des CRS a été récemment médaillé dans le cadre de la « promotion exceptionnelle médaille de la sécurité intérieure « gilets jaunes ». Dans ces deux affaires, le dépaysement judiciaire a été demandé par les familles. Le 21 juin 2019, Steve Maia Caniço, 24 ans, disparait lors de la fête de la musique. Depuis quasiment un mois, sa famille et son entourage vivent dans l'angoisse et la détresse. Au petit matin, vers 4 heures 30, dans un mouvement de panique consécutif à l'intervention des forces de l'ordre, venues exiger l'arrêt de la musique, une dizaine de personnes est tombée dans la Loire. Le secrétaire régional du syndicat SGP Police a dénoncé une « intervention scandaleuse » et s'est interrogé sur sa nécessité. Le 3 juillet 2019, plus de 80 personnes présentes sur les lieux de l'intervention, ont déposé une plainte au parquet « pour mise en danger de la vie d'autrui et violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique ». Par ailleurs, le 10 juillet 2019, le Défenseur des droits s'est auto-saisi, afin d'enquêter sur les conditions dans lesquelles le jeune homme a disparu dans la nuit du 21 au 22 juin 2019. Le commissaire divisionnaire de Nantes, qui a dirigé cette intervention controversée, a, lui aussi, reçu récemment une médaille pour « récompenser les services particulièrement honorables notamment un engagement exceptionnel ». Dans ces situations, il n'y a rien de pire que le silence et l'incertitude. La lumière doit être faite. C'est pourquoi elle l'interroge pour savoir si l'on connaîtra un jour la vérité sur la mort d'Adama d'une part, qui a tué Zineb d'autre part, et enfin où est Steve.
Le respect de la déontologie par les forces de l'ordre constitue une priorité du ministre de l'intérieur, régulièrement et clairement rappelée. Le respect des règles déontologiques, la maîtrise et le discernement dans l'action sont des impératifs pour la police nationale. Le respect des personnes, qui doit être mutuel, est au cœur de cette exigence. Ce souci éthique s'appuie sur une politique disciplinaire particulièrement rigoureuse de l'administration. Tout écart portant atteinte à la déontologie et à l'image des forces de l'ordre est combattu avec fermeté et tout manquement avéré expose son auteur à des sanctions disciplinaires et, le cas échéant, à des poursuites pénales. Les fautes individuelles, rares et sévèrement sanctionnées, ne sauraient toutefois faire oublier le comportement très majoritairement irréprochable des policiers. L'action des services de police est rigoureusement encadrée et contrôlée, par des corps d'inspection, des organes et juridictions nationales et européennes. Ce contrôle est l'un des éléments de l'Etat de droit, sur lequel le Gouvernement ne transige pas. Par ailleurs, les forces de l'ordre sont placées, dans l'exercice de leurs missions de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle. En outre, tout manquement aux règles professionnelles et déontologiques peut être dénoncé par un simple particulier auprès des autorités de police, d'autorités chargées de recueillir les observations et doléances des usagers, ou auprès de l'autorité judiciaire. Quiconque, en France, s'estime victime de violations de droits commises par des membres des forces de l'ordre dispose par conséquent de voies de recours. Lorsque des incidents surviennent, lorsque l'usage légitime des armes ou de la contrainte est mis en doute, a fortiori lorsque des drames sont à déplorer, ils font systématiquement l'objet d'enquêtes administratives ou judiciaires. Dans un Etat de droit, nulle sanction, pénale ou disciplinaire, ne saurait en effet être prononcée sur la seule base de déclarations qui ne seraient ni étayées ni corroborées ou de polémiques. S'agissant des affaires individuelles citées dans les questions écrites, elles font naturellement l'objet d'enquêtes et les suites pénales qui pourront y être données relèvent de l'autorité judiciaire. Le décès de Zineb Redouane survenu à Marseille en décembre 2018, après avoir fait l'objet d'une enquête menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), sur demande du Parquet, fait désormais l'objet d'une information. Une enquête judiciaire est donc en cours. S'agissant du décès de Steve Maia Caniço, dont la disparition est survenue à Nantes le 22 juin 2019 et dont le corps a été retrouvé le 29 juillet 2019, il fait également l'objet d'une information et une enquête judiciaire est en cours sous l'autorité de deux juges d'instruction. Le ministre de l'intérieur, déterminé à ce que toute la lumière soit faite sur le déroulement des opérations de maintien de l'ordre qui ont eu lieu au bord de la Loire la nuit du 21 au 22 juin 2019, avait pour sa part demandé dès le 24 juin 2019 à l'IGPN de procéder à une enquête administrative, achevée dès le 11 juillet 2019. A l'issue du travail de l'IGPN, des questions restaient donc posées concernant le déroulement de cette soirée et l'enchaînement des faits. C'est pourquoi l'Inspection générale de l'administration (IGA) a été saisie afin d'éclaircir les conditions dans lesquels l'événement a été organisé puis géré par les pouvoirs publics et les organisateurs privés. Les conclusions de l'IGA ont été communiquées à l'autorité judiciaire puis rendues publiques. Il appartiendra en tout état de cause aux enquêtes judiciaires d'en tirer des conclusions définitives.
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