Mme Muriel Ressiguier alerte M. le Premier ministre afin que la France coopère avec la justice du Burkina Faso au sujet de l'assassinat de Thomas Sankara. Il y a trente ans, le 15 octobre 1987, le président du Burkina Faso Thomas Sankara était assassiné, permettant l'arrivée du dictateur Blaise Compaoré au pouvoir. Thomas Sankara, personnage historique, leader intègre africain de premier plan, a été précurseur de la lutte pour la défense de l'environnement (fin des coupes de bois abusives, campagne de sensibilisation concernant l'utilisation du gaz, fin des feux de brousse) et la révolution burkinabé est devenue un modèle de développement. Le Président Sankara a été assassiné parce qu'il dénonçait la dette odieuse et le diktat des puissances occidentales, mais aussi parce qu'il engageait une politique audacieuse et volontariste (redistribution des richesses, libération de la femme, décentralisation, lutte contre la corruption, lutte contre l'avancée du désert), tout en œuvrant pour le panafricanisme. En 2016, une demande de commission rogatoire a été émise par la justice burkinabé afin d'enquêter sur les éventuelles complicités françaises et de lever le secret défense sur les archives françaises relatives à l'assassinat de Thomas Sankara. Celle-ci est pour l'heure restée sans réponse bloquant les investigations sur les complicités internationales dont auraient bénéficié les assassins. En 2014, quelques mois après avoir ordonné l'exfiltration du dictateur Blaise Compaoré par l'armée, le président François Hollande s'était engagé à déclassifier ces archives. Cet engagement est resté sans suite. Le Président de la République, Emmanuel Macron, prévoit de se rendre au Burkina Faso à l'automne 2017. Il est temps que l'État français lève le secret défense sur les archives concernant cette affaire. En effet, la protection du secret de la défense nationale a pour objectif « d'assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation dans les domaines de la défense, de la sécurité intérieure et de la protection des activités financières, économiques ou industrielles, de la protection du patrimoine scientifique et culturel de la France ». L'article 413-9 du code pénal stipule que « présentent un caractère de secret de la défense nationale [...] les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès ». Or, 30 ans plus tard, les archives concernant cet assassinat ne correspondent plus à cette définition. C'est pourquoi elle lui demande de saisir sans délai la Commission du secret de la défense nationale (CSDN) pour déclassifier les archives françaises concernant l'assassinat de Thomas Sankara et contribuer ainsi qu'enfin justice soit faite.
Le ministre chargé de la défense veille à la préservation du secret de la défense nationale qui participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel. Le ministre organise ainsi la protection des documents et des informations relevant de sa compétence dans le strict respect des dispositions de l'instruction générale interministérielle no 1300 du 30 novembre 2011 sur la protection du secret de la défense nationale. Concernant le régime de communication des archives, l'article L. 213-2 du code du patrimoine prévoit que les documents classifiés par le ministre chargé de la défense ou l'un de ses services, qu'ils soient détenus dans les dépôts d'archives du ministère ou versés aux archives de France, ne sont communicables qu'à l'expiration d'un délai de 50 ans. Durant cette période, les chercheurs peuvent certes demander un accès à ces documents à titre dérogatoire et, dans le même temps, solliciter la levée de la protection dont ils font l'objet au titre du secret de la défense nationale. Avant de rendre une décision, le ministre chargé de la défense examine avec une particulière attention ce type de requête, procédant à une nouvelle évaluation de l'opportunité de la classification des documents considérés. Le processus de déclassification obéit à un régime particulier lorsqu'il s'agit de répondre à une requête formulée par un magistrat pour les besoins d'une procédure judiciaire engagée en France, l'article L. 2312-4 du code de la défense prévoyant alors l'intervention pour avis de la Commission du secret de la défense nationale (CSDN). En revanche, dans le cas d'une procédure initiée par une autorité judiciaire étrangère ou internationale, le ministre chargé de la défense retrouve, en tant qu'autorité classifiante, la pleine souveraineté de son appréciation, sans intervention de la CSDN. S'agissant des circonstances du décès de Thomas Sankara évoquées par l'honorable parlementaire, la ministre des armées n'a été saisie à ce jour d'aucune demande particulière émanant d'une quelconque autorité judiciaire. Dans l'hypothèse où une telle requête lui serait adressée, elle ne manquerait pas de l'étudier attentivement en veillant conjointement à protéger les intérêts fondamentaux de la Nation et à favoriser la manifestation de la vérité.
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