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Justine Benin
Question N° 22598 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 3 septembre 2019

Mme Justine Benin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la valorisation des langues des outre-mer. Le Conseil économique, social et environnemental a rendu en juin 2019 un avis dans lequel il formule ses propositions pour mieux valoriser les langues ultramarines, notamment à l'école. Aujourd'hui, les langues des outre-mer souffrent d'un relatif déni de reconnaissance au sein des services publics de l'État dans tous les territoires, alors mêmes qu'elles sont bien souvent les langues maternelles et usuelles d'une grande partie des populations. C'est pourquoi le CESE plaide pour que soient mis en place des dispositifs spécifiques de sauvegarde et de transmission des langues régionales ultramarines. Cela passerait par exemple par un renforcement de l'enseignement bilangue en langue régionale, des outils pédagogiques consacrés, un renforcement des savoirs traditionnels et des pratiques immatérielles, ou encore le soutien à la création artistique plurilingue. En outre, la légitimation des langues régionales d'outre-mer dans les services publics déconcentrés apparaît plus que jamais nécessaire pour y garantir l'égal accès de chacun et une meilleure cohésion sociale. Les langues régionales jouant un rôle essentiel dans la construction des identités ultramarines et dans la cohésion sociale de toutes les communautés, il apparaît aujourd'hui indispensable que l'éducation nationale, comme tous les autres services publics de l'État, puissent garantir non seulement la reconnaissance et la légitimité de ce patrimoine linguistique, mais également sa transmission. Ainsi, elle souhaite savoir quelles actions il compte mettre en place afin de mieux valoriser les langues régionales dans les établissements scolaires ultramarins.

Réponse émise le 3 novembre 2020

Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) est particulièrement attentif aux situations linguistiques spécifiques des territoires d'outre-mer, qui nécessitent des réponses adaptées, singulières et différenciées. Il s'agit de faire en sorte que leur plurilinguisme soit connu et reconnu par l'institution scolaire et de s'appuyer sur les langues vernaculaires, parlées dans les familles, pour faire du bilinguisme ou du plurilinguisme un atout pour la scolarité des enfants concernés. Plusieurs langues ou familles de langues de l'outre-mer font l'objet d'un enseignement de langues et cultures régionales proposé aux élèves volontaires, de l'école primaire au lycée, et susceptible d'être évalué aux examens nationaux. Les langues suivantes sont actuellement concernées : le créole, le tahitien, les langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje) ainsi que le wallisien et le futunien, selon la circulaire n° 2017-72 du 12 avril 2017, qui dresse la liste des langues bénéficiant de ce dispositif, en métropole comme dans les territoires ultra-marins. Ainsi, l'enseignement peut être dispensé sous une forme intensive dans des classes bilingues, et ce dès l'école maternelle. Les initiatives prises par plusieurs académies témoignent de la volonté de développer ce type de cursus. Depuis la rentrée scolaire 2018-2019, l'académie de la Guadeloupe a mis en place à titre expérimental le dispositif « filière bilingue » pour développer des cursus bilingues français-créole cohérents durant toute la scolarité primaire. La « filière bilingue » concerne 16 classes et 368 élèves, qui s'ajoutent aux 12 classes bilingues regroupant 221 élèves. Lors de l'année scolaire 2019-2020, l'enseignement bilingue français-créole concernait 23 classes pour un total de 484 élèves dans l'académie de Guadeloupe. La filière bilingue français-créole est inscrite au cœur du projet académique et se fonde sur deux priorités : garantir la maîtrise de la langue et de la lecture pour tous, par la prise en compte des répertoires bilingues et pluriels des élèves au sein des pratiques enseignantes et faciliter l'acquisition des langues vivantes étrangères et régionales et l'accès à la culture par l'amélioration des compétences en langue vivante régionale des élèves et des enseignants. L'académie de Guyane développe une politique similaire. Depuis 2008, un dispositif de classes bilingues français – créole guyanais à parité horaire a été mis en place ; dix écoles sont actuellement concernées, toutes localisées dans l'île de Cayenne et à Kourou, concernant 17 classes, soit environ 400 élèves de la grande section au CM2. L'article L.321-4 du code de l'éducation stipule notamment que « dans les académies d'outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone ou amérindien ». Le dispositif des intervenants en langue maternelle (ILM), développé depuis plus de 20 ans dans l'académie de Guyane, repose sur ces principes. Mis en place dès 1998 et pérennisé en 2012, ce dispositif valorise la langue et la culture maternelles. La connaissance et la maîtrise par les enfants de la langue d'origine sont structurées pour développer des compétences linguistiques transférables, au service d'une meilleure acquisition de la langue française. Cette place faite à la langue et à la culture des enfants et des parents permet aussi une meilleure intégration de l'école dans le quotidien des familles. Le pilotage de ce dispositif est assuré par un inspecteur de l'éducation nationale premier degré des langues maternelles, poste qui a été créé à la rentrée 2016-2017. Le dispositif a été renforcé par une équipe composée de formateurs experts dans les langues amérindiennes et les créoles bushinengué. Suite à l'accord de Guyane du 21 avril 2017, le recrutement des ILM a été accéléré et des formations diplômantes de niveau universitaire sont organisées pour professionnaliser les intervenants et les faire accéder au professorat des écoles. À Mayotte, le vice-rectorat met en place autour des deux langues vernaculaires, le shimaoré et le kibushi, le dispositif « Plurilinguisme », qui repose sur des principes similaires. Expérimenté à l'école maternelle depuis 2015, il permet la structuration de la langue maternelle des enfants, que ce soit le shimaoré ou le kibushi, et l'introduction progressive de la langue française. La place faite au français augmente progressivement de la petite section à la grande section, pour préparer les enfants à une scolarisation entièrement en français à partir du cours préparatoire et à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en français. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme en cours du lycée général et du baccalauréat, le créole et le tahitien peuvent faire l'objet d'un enseignement de spécialité « Langues, littératures et cultures étrangères et régionales » en classe de première à partir de la rentrée 2019 et en classe terminale à partir de la rentrée 2020. Cela est possible dès lors que l'élève suit par ailleurs un enseignement dans cette langue régionale en langue vivante B ou C. La spécialité bénéficie à ce titre d'un enseignement à hauteur de 4 heures hebdomadaire en classe de première, puis de 6 heures en classe de terminale, en plus des heures de l'enseignement commun en langues vivantes. Elle est évaluée dans le baccalauréat pour un coefficient 16 sur un coefficient total de 100. Ceci correspond à un réel progrès par rapport à la situation précédente où la langue vivante régionale approfondie ne pouvait être choisie que par une minorité d'élèves, ceux de la série L. La ressource enseignante en langues vivantes régionales est quant à elle pérennisée. L'enseignement des langues régionales dans le second degré dispose de professeurs titulaires du CAPES langues régionales (dont en créole) et du CAPES section tahitien. Dix ans après les Accords de Cayenne (14-18 décembre 2011), la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF, ministère de la culture) lance l'organisation des états généraux du multilinguisme des langues d'outre-mer, qui se dérouleront en automne 2021 à La Réunion, qui feront une large place aux questions éducatives et au cours de laquelle l'éducation nationale sera bien présente. Ces états généraux ont pour objectif la prise en compte des spécificités linguistiques des territoires ultra-marins ; il s'agit en particulier de : - affirmer une véritable politique linguistique pour l'ensemble des domaines de la vie sociale qui tienne compte de cette diversité afin notamment de prévenir les échecs scolaires et d'encourager la création culturelle dans ces langues, en lien avec une meilleure maîtrise du français ; - faire témoigner les acteurs engagés dans la société civile et partager les bonnes pratiques ; - donner davantage de visibilité et d'emploi aux langues d'outre-mer, notamment dans l'espace public. L'ensemble des différents dispositifs et mesures évoqués ci-dessus, favorisant le plurilinguisme à l'école en outre-mer, témoigne des actions de valorisation des langues des outre-mer mises en place par le MENJS, et par les académies.

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