Mme Manuéla Kéclard-Mondésir attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation de la filière aquacole en Martinique. Alors que celle-ci contenait encore il y a peu quelques 40 hectares de bassins d'élevage, une seule exploitation subsiste aujourd'hui, de 3 hectares. Et la filière est appelée à disparaître sous les coups successifs des conséquences de la chlordécone et de la méconnaissance administrative. En effet, l'ultime exploitation d'aquaculture du Carbet qui disposait d'une autorisation préfectorale depuis une quinzaine d'années, se la voit désormais refusée au motif qu'elle a changé d'espèce, passant de la macrhrobrachium rosenbergii à la cherax quadricarinatus, une espèce qui n'a pas elle besoin d'écloserie, ce qui lui permet de ne pas être impactée par la pollution au chlordécone. Pendant plusieurs années, pourtant, les élus ont financé les recherche-développement de cette écrevisse, notamment en engageant des programmes de formation auprès des aquaculteurs. Cette alternative pourrait sauver la filière aquacole martiniquaise. Cependant, l'administration refuse de l'autoriser, prétextant, sans études préalables mais au vu d'expériences faites en Polynésie, qu'elle serait invasive. Ce qui ne semble pas effectif aux Antilles. De même, alors que les agriculteurs et les aquaculteurs du Carbet utilisent depuis 1777 le captage d'eau du canal de Lajus, l'administration ne donne plus suite à leur demande de rétablir le niveau de captage (45 cm) ancien. Elle lui demande de remédier à cet imbroglio administratif qui met en péril des emplois et une filière fragilisés. Après avoir été négligente pendant des décennies en matière de pollution par la chlordécone, si les circonspections administratives présentes de précaution affichée sont compréhensibles, celles-ci ne doivent pas tomber dans un autre extrême qui serait de ne pas prendre des décisions sur la base de principes aléatoires mais plutôt d'expérimentations locales et sérieuses. Il en va de la survie des filières agro-alimentaires martiniquaises. Elle lui demande donc aussi ce qu'il compte faire pour permettre une restructuration et une relance de la filière aquacole en Martinique.
Le Gouvernement est très attaché au soutien et au développement des filières de l'aquaculture dans les territoires. Le soutien financier se fait en particulier par l'intermédiaire du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), instrument financier de la politique commune de la pêche. La programmation actuelle, qui s'achève le 31 décembre 2020, prévoit différentes mesures de soutien à l'aquaculture telles que le plan de compensation des surcoûts dans les outre-mer, le soutien aux investissements productifs pour les entreprises d'aquaculture et des mesures à destination des structures collectives. En Martinique, ces mesures sont gérées et instruites par la collectivité territoriale de Martinique. Au travers de la mesure « innovation en aquaculture », l'État a soutenu en complément quatre projets de recherche et d'innovation concernant la filière antillaise de production aquacole dans lesquels la station Ifremer et le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Martinique sont parties prenantes. L'ensemble de ces projets représente un montant de 980 000 euros dont 80 % sont soutenus par l'État et le FEAMP. La future programmation (2021-2027) permettra de poursuivre ce soutien à l'aquaculture au travers de plans d'actions en cours d'élaboration dans chacune des collectivités territoriales d'outre-mer et notamment la collectivité territoriale de Martinique, qui s'engage fortement sur le développement de l'aquaculture. La partie aquacole de chaque plan d'action alimentera la révision du plan national pluriannuel de développement de l'aquaculture. L'élevage d'espèces d'intérêt aquacole dans un territoire tel que la Martinique où les enjeux de préservation de la biodiversité sont essentiels, s'inscrit dans un nécessaire équilibre entre maintien et développement d'une activité économique et préservation du milieu naturel, tant en ce qui concerne la ressource en eau que les éventuelles interactions avec les espèces autochtones. L'élevage d'espèces comme cherax quadricarinatus doit reposer sur une évaluation complète de l'impact de cette espèce sur les habitats aquatiques. Pour cela les autorités compétentes doivent disposer de tous les éléments permettant une évaluation locale des incidences de cet élevage sur le milieu naturel en s'appuyant sur des études et des références reconnues.
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