M. Jean-François Parigi attire l'attention de M. le Premier ministre sur la suppression de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), conséquence de la suppression de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Structure indépendante du ministère de l'intérieur, l'ONDRP a pour activité principale la production et la diffusion de statistiques sur la criminalité et la délinquance. Avec le temps l'ONDRP a pu, grâce à des relations de confiance avec les services de police, de gendarmerie et de justice, travailler sur des données qui n'étaient pas ou peu exploitées. Il a ainsi pu concevoir avec l'INSEE l'enquête de victimation, véritable baromètre de la délinquance qui plaçait la France parmi les pays en pointe en matière de connaissance de l'insécurité. En s'imposant comme organisme de référence au sein du débat public, l'ONDRP avait le mérite de sortir des polémiques sur les chiffres et les évolutions de la délinquance par une évaluation annuelle, indépendante et complète de l'insécurité en France. Une question se pose donc : pourquoi le Premier ministre a-t-il décidé de priver les Français des vrais chiffres de l'insécurité en France ? Par cette décision, chaque ministère serait alors en mesure de créer son propre observatoire. La raison économique n'est donc pas crédible puisqu'elle va à l'encontre du principe de rationalisation budgétaire, si souvent invoqué lorsqu'il s'agit de faire des économies. Pire, ces observatoires, s'ils existaient, resteraient de toute façon prisonniers des logiques internes des administrations et ce serait donc la fin de toute transversalité, de toute synergie que rendaient possible l'INHESJ et l'ONDRP. Si la raison est politique, elle est scandaleuse. Les chiffres de l'année 2019 sont-ils si catastrophiques pour qu'on en prive les Français ? À l'ère de la transparence, ces derniers sont plus qu'en droit d'exiger d'être informés le plus précisément possible de l'état de la criminalité et de l'évolution des phénomènes criminels qui les menacent. Pour rappel, selon l'ONDRP, en 2017 on recensait chaque jour sur le territoire plus de 14 000 victimes d'injures, plus de 5 000 victimes de menaces, plus de 4 000 ménages victimes d'un vol ou d'un acte de vandalisme, plus de 1 700 victimes de vols ou tentatives de vol de véhicules, plus de 3 500 victimes de vols simples, dont 575 avec violences, près de 2 500 victimes de violences physiques, plus de 700 victimes de violences sexuelles hors ménage, plus de 425 viols et tentatives de viols (seules les victimes majeures de 18 à 76 ans sont comptabilisées). Alors que l'insécurité bat tous les records, il lui demande pour quelle raison le Gouvernement a pris cette décision et si celui-ci compte créer une nouvelle structure permettant de nouveau une évaluation complète, transversale et indépendante de l'insécurité en France.
La disparition de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est liée à celle de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Deux éléments ont motivé la décision de dissolution de l'INHESJ : une volonté de rationalisation du nombre des petites structures au sein des services du Premier ministre et un domaine d'activité qui ne relève pas de compétences propres du Premier ministre. Tenant compte du cas particulier de l'ONDRP, le Premier ministre a décidé que ses agents seraient transférés avec leur emploi et les crédits correspondant à leur rémunération. Diverses voies de reclassement professionnel ont été explorées avec l'INSEE, le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur. Ainsi, tous les agents de l'ONDRP qui ont souhaité poursuivre leur carrière au sein de l'administration ont été reclassés au sein du ministère de l'intérieur, soit au sein du service statistique ministériel, soit au sein de directions de la police nationale. S'agissant de la pérennisation des missions exercées par l'ONDRP, il peut être rappelé que l'élément central du travail accompli est l'enquête Cadre de vie et sécurité (CVS), dite de victimation. Conduite par l'INSEE depuis 2007, avec l'ONDRP et le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) comme co-maîtres d'ouvrage, elle permet d'interroger 25 000 ménages annuellement. Son coût est de 4 millions d'euros supporté principalement par l'INSEE, avec une contribution de l'INHESJ de 1,17 million d'euros et des contributions moindres de la gendarmerie nationale et de la police nationale. Afin de conforter cet élément central de la connaissance de la délinquance, le Premier ministre a transféré au ministère de l'intérieur les crédits qui correspondaient à la contribution de l'INHESJ au coût de l'enquête. Cette mesure pérenne est effective depuis le 1er janvier 2021. Pour sa part, le SSMSI exploite l'enquête CVS depuis 2015 et publie annuellement deux rapports distincts. Composante du service statistique public au sens de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 modifiée, le SSMSI est placé sous l'autorité scientifique du président de l'Autorité de la statistique publique. À ce titre, il est scientifiquement indépendant du ministère de l'intérieur et assujetti aux normes européennes de qualité scientifique. Depuis 2019, le service conduit des travaux de refonte de l'enquête. L'aboutissement de cette refonte devrait intervenir en 2022. Son objectif est de répondre au double besoin de disposer de données annuelles, mais aussi de statistiques départementales pour assurer un diagnostic territorial. Un groupe de travail composé du SSMSI et d'experts d'enquêtes de l'INSEE a conçu un nouveau protocole d'enquête fondé sur une première étape d'enquête « filtre », portant sur 200 000 personnes et recensant les « victimations », ainsi que les dépôts de plainte et traitant notamment les sujets de sentiment d'insécurité et de satisfaction envers les services de police et de gendarmerie et justice ; une seconde étape consisterait en des enquêtes thématiques plus complètes « sur-échantillonnant » les victimes. Ainsi rénovée, l'enquête CVS demeurera à la disposition de l'ensemble de la communauté scientifique. La disparition de l'ONDRP n'aura donc aucun effet, ni sur sa pérennité, ni sur son exploitation.
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