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François Ruffin
Question N° 24687 au Ministère de l’europe


Question soumise le 26 novembre 2019

M. François Ruffin interpelle M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères à propos de cet exploit : proclamer à Bruxelles « l'état d'urgence climatique » et la même semaine doubler les importations de viandes américaines nourries aux farines de sang ! « Nous allons faire voter un texte qui déclare l'état d'urgence climatique et environnemental en Europe ». M. Pascal Canfin, député européen En Marche, exprime sa détermination : «  parce que nous sommes deux semaines après que Trump a confirmé sa volonté de sortir les Etats-Unis de l'accord de Paris. » Roulez tambours, sonnez trompettes. Voilà pour les discours. Mais qu'apprend-on ? La même semaine, à Bruxelles toujours, le même parlement européen doit valider un accord avec les Etats-Unis « visant à doubler les importations européennes, à droits de douane nuls, de viandes bovines états-uniennes. » Des viandes dites « de haute qualité », mais qui peuvent en vérité provenir de bovins nourris aux farines de sang, aux farines de porc, aux litières de volaille. Jusqu'alors, les États-uniens n'exportaient qu'un volume limité de viandes bovines vers l'UE (17 000 tonnes en 2018). La révision de cet accord Panel Hormones va leur ouvrir un boulevard, sans aucun droit de douane ni aucune concurrence. Ce serait le prix à payer pour solder un long conflit opposant l'Europe aux Etats-Unis sur l'interdiction du « bœuf aux hormones ». Rarement le « en-même-temps », ici la même semaine, le même jour, n'aura autant relevé du grand accord. Donald Trump sort de l'accord de Paris, mais au fond, on le récompense. On promeut le mode d'élevage américain, ultra-productiviste, fortement émetteur de gaz à effet de serre, avec des modes d'alimentation (farines de sang, litières) interdits en Europe. On mine ainsi les standards européens, tout en réclamant une « montée en gamme de l'agriculture française », voire une « relocalisation » ! Enfin, et surtout, on pousse toujours plus loin le grand déménagement du monde, avec des flux de marchandises tous azimuts, et les émissions liées aux transports qui vont avec, qui ne diminuent pas, qui augmentent chaque année. Tandis que l'on facilite les importations depuis le Canada, désormais les Etats-Unis, bientôt le Brésil ou l'Argentine avec le Mercosur, on recommande aux paysans français d'exporter en Chine ! Voilà les « circuits courts » ! Cette question, retravaillée, a été suggérée à M. le député par la Fédération nationale bovine et son président, son ami Bruno Dufayet. Et l'amitié n'interdisant pas des désaccords : non, les exportations vers la Chine ne doivent pas être l'avenir de l'élevage français. Ainsi, il lui demande s'il envisage de présenter cet accord Panel hormones au Parlement français ou si au contraire il compte contourner la représentation nationale.

Réponse émise le 11 août 2020

L'Union européenne (UE) veille à garantir la sécurité des consommateurs en interdisant l'importation sur le marché intérieur de produits non conformes aux normes sanitaires européennes. En particulier, la réglementation européenne interdit l'entrée de viande bovine issue d'animaux nourris avec des farines animales de viandes et d'os d'animaux impropres à la consommation humaine ou animale dites de « catégories 1 et 2 », qui présentent un lien avec le risque ESB. De plus, les importations de viande bovine doivent se soumettre aux contrôles visant à assurer leur conformité avec la législation alimentaire européenne relative aux aliments, à la santé et au bien-être des animaux (dispositions du règlement (UE) N° 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017). Un mécanisme d'audit sur place des filières d'exportation de nos partenaires et de contrôles tant à l'entrée dans l'UE, en amont du dédouanement, que sur le marché intérieur européen, tout au long de la chaîne de distribution, complète cette réglementation, qui s'applique à tous les produits importés dans l'UE, qu'ils proviennent ou non de pays avec lesquels l'UE a conclu des accords commerciaux. Le mémorandum d'accord évoqué ne déroge pas à ces règles. A la suite de l'interdiction européenne d'importer de la viande traitée aux hormones de croissance artificielle, en vigueur depuis 1989, un différend survenu à l'OMC avec les Etats-Unis avait abouti à la condamnation de l'UE en 1998 (affaire DS26). L'Union européenne et les États-Unis avaient alors trouvé en 2009 un accord provisoire (révisé en 2014) pour résoudre ce différend : le mémorandum d'accord prévoyait l'importation sur le marché européen d'un contingent tarifaire de 45 000 tonnes de viande bovine de haute qualité, non traitée aux hormones, et conforme aux standards européens en matière sanitaire et phytosanitaire, ouvert à tous les fournisseurs éligibles dans les pays membres de l'OMC. En 2019, afin de rééquilibrer les parts relatives des pays bénéficiaires du contingent, la Commission européenne a négocié l'attribution d'une part spécifique du contingent existant en faveur des États-Unis. Ces derniers se sont ainsi vu octroyer une part de 35 000 tonnes du contingent existant de manière progressive, sur 7 ans, sans que le volume total du contingent initial (45 000 tonnes) n'ait été augmenté, les autres fournisseurs (notamment l'Australie, l'Uruguay et l'Argentine) acceptant de partager le reste du contingent. Les conditions de qualité et de respect des normes sanitaires et phytosanitaires européennes imposées à la qualité de la viande importée ont été maintenues, l'accord prévoyant en outre la possibilité pour l'Union européenne de mener des contrôles inopinés (notamment sanitaires) dans tous les pays fournisseurs. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les producteurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production. Dans cette perspective, la protection et l'information des consommateurs sont renforcées par la mention obligatoire de l'origine des viandes bovines dans l'Union européenne. De manière plus générale, la France veille à ce que les accords commerciaux de l'Union européenne assurent la levée de barrières non tarifaires et la protection des indications géographiques françaises, qui offriront des opportunités et des débouchés à toutes les filières et les exploitations agricoles nationales. Concernant nos intérêts défensifs, elle veille à la prise en compte des sensibilités du secteur agricole, notamment pour les filières d'élevage afin que les négociations commerciales ne conduisent pas à une déstabilisation de leur équilibre économique. La France veille également au maintien des niveaux d'exigence normatifs européens, en matière sanitaire, phytosanitaire et environnementale et à ce que les accords commerciaux soient un levier pour rehausser notre ambition et celle de nos partenaires en matière de développement durable et de droits sociaux. Depuis 2017, elle souhaite également faire du respect de l'Accord de Paris une clause essentielle des accords commerciaux de l'Union européenne. Cette proposition a été reprise par la Commission européenne dans le Pacte Vert publié au mois de décembre 2019. La France a récemment concrétisé ces positions dans le cadre de l'Accord UE-Mercosur : le Président de la République a publiquement déclaré à plusieurs reprises que la France ne soutiendrait pas l'accord tant que tous les pays du Mercosur ne mèneraient pas une politique environnementale conforme avec les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, notamment en matière de lutte contre la déforestation.

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