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Cédric Villani
Question N° 24771 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 26 novembre 2019

M. Cédric Villani interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la robustesse des installations nucléaires françaises face aux aléas sismiques. Depuis plusieurs années, l'état général du parc nucléaire français soulève de nombreuses questions, en raison notamment d'une multiplication des anomalies découvertes sur certains équipements, y compris des fraudes lors de la fabrication de certains d'entre eux. De plus, les réacteurs français ont été conçus pour une durée et des conditions d'utilisation déjà dépassées. Le séisme de magnitude 5,4 ; un niveau proche du niveau pris en référence par l'Autorité de sûreté nucléaire ; survenu le lundi 11 novembre 2019 à 26 kilomètres de la centrale du Tricastin et à 23 kilomètres de la centrale de Cruas repose aujourd'hui la question de la sûreté des installations nucléaires lors de la survenance d'un tremblement de terre. Malgré l'absence apparente de dégâts sur les centrales nucléaires concernées, EDF a d'ailleurs reporté le redémarrage des réacteurs de la centrale de Cruas en décembre. Sachant qu'un tremblement de terre peut remettre en cause la sûreté des installations nucléaires, il l'interroge sur la robustesse de celles-ci face aux aléas sismiques.

Réponse émise le 18 février 2020

La sûreté nucléaire est une priorité absolue du Gouvernement. Le Gouvernement a une totale confiance en l'Autorité de sûreté nucléaire qui contrôle la sûreté des installations nucléaires de base. La robustesse du système de sûreté nucléaire français tient notamment au fait qu'il intègre le principe d'amélioration continue, intégrant le retour d'expérience des installations antérieures. Le séisme pris en compte dans la démonstration de sûreté des installations nucléaires de base (INB) est nommé « séisme majoré de sécurité » (SMS). Le SMS est déterminé à partir du « séisme maximal historiquement vraisemblable » (SMHV). Le SMHV correspond classiquement à une période de retour d'environ 1 000 ans. Le SMS est établi à la suite d'une majoration forfaitairement appliquée sur la magnitude du SMHV (majoration de 0,5 sur l'échelle de Richter). Cette majoration permet de couvrir notamment d'éventuelles incertitudes sur les données historiques. Par ailleurs, pour dimensionner une INB, le SMS est déplacé dans la zone sismotectonique à laquelle il appartient et est placé forfaitairement au plus près du site. Ceci permet de s'affranchir de la localisation et de la caractérisation des failles dans la zone sismotectonique donnée. Le SMS présente donc deux marges importantes par rapport au séisme historique recensé dans la région considérée : il est plus important en termes d'intensité et il est placé au plus près du site dans les calculs de dimensionnement. De plus, depuis l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima, l'ASN a demandé à EDF de vérifier la robustesse de ses centrales nucléaires à un niveau de séisme encore plus important, le « séisme noyau dur » (SND), pour lesquels les principales fonctions de sûreté doivent pouvoir être assurées. Les mouvements du sol (accélérations) correspondant au SND doivent être plus importants que ceux du SMS majorés de 50 % et plus importants que ceux des séismes ayant une période de retour de 20 000 ans. Pour répondre à cette exigence, EDF a défini un « noyau dur » de dispositions résistant au SND, qui sont en cours de déploiement sur ses réacteurs et devraient être achevés en 2022. Les exploitants réévaluent tous les 10 ans, à l'occasion des réexamens périodiques de leurs installations, le niveau de séisme à prendre en compte dans la démonstration de sûreté (SMS). Cette réévaluation est menée au regard de l'évolution des connaissances historiques et des éventuels séismes étant intervenus depuis la dernière réévaluation. Les réévaluations des niveaux de séisme conduisent régulièrement les exploitants à renforcer des parties de leurs installations. L'ASN contrôle ainsi que l'ensemble des installations sont dimensionnées pour faire face à un séisme. La caractérisation fine du séisme du Teil nécessitera encore quelques mois. L'IRSN a déjà donné quelques éléments dans une note d'information du 14 novembre 2019 à la suite des premières investigations. L'aléa sismique défini pour le troisième réexamen périodique des centrales nucléaires de Cruas et du Tricastin se fonde sur le séisme du 8 août 1873 pour définir un SMHV de magnitude Ms (magnitude des ondes de surface) de 4,7 à 4 km. Ceci conduit in fine à un SMS de magnitude Ms de 5,2 à 4 km de profondeur. Le 14 novembre 2019, l'IRSN a estimé que le séisme du 11 novembre 2019 correspond à une magnitude Ms d'environ 4,5 et de profondeur d'environ 2 km et qu'il présente des caractéristiques proches de celles du SMHV. L'ASN a demandé à EDF de déterminer, une fois qu'il aura été caractérisé et en tout état de cause avant mars 2020, si le séisme du Teil doit conduire à réévaluer le SMHV (et donc le SMS) des centrales de Cruas et Tricastin. Si tel est le cas, EDF devra déterminer si ces nouveaux niveaux doivent conduire à renforcer ses installations. L'ASN contrôlera l'ensemble du processus. Pour ce qui concerne la plateforme Orano du Tricastin, l'exploitant doit proposer une réévaluation du séisme de référence en 2022. Cette réévaluation devra prendre en compte le séisme de Teil et, si nécessaire, augmenter l'intensité du séisme de référence de cette plateforme. La centrale nucléaire de Cruas, comme toutes les centrales nucléaires françaises, est équipée d'un dispositif de surveillance sismique. Lors du séisme de 11 novembre 2019, un des cinq capteurs a dépassé le seuil au-delà duquel les réacteurs doivent être arrêtés pour que soient menées des vérifications. Les mouvements du sol enregistrés sont toutefois cinq fois inférieurs au niveau pris en compte pour le dimensionnement des réacteurs. EDF a ainsi réalisé un diagnostic approfondi de ses installations. Elle a en particulier contrôlé les structures de génie-civil et l'état des matériels importants pour la sûreté et a réalisé des essais fonctionnels pour vérifier le bon fonctionnement des fonctions de sûreté des réacteurs. L'îlot nucléaire de la centrale nucléaire de Cruas est construite sur appuis parasismiques. Ces dispositions constructives particulières permettent aux installations d'être dimensionnées pour faire face au niveau de séisme considéré dans la démonstration de sûreté des réacteurs. EDF a contrôlé l'état de ces appuis à la suite du séisme du 11 novembre 2019. Les contrôles réactifs menés jusqu'à présent n'ont pas révélé d'anomalies majeures consécutives au séisme. L'ASN a contrôlé par sondage certains des contrôles menés par EDF lors de deux inspections les 20 et 22 novembre. Les résultats de l'ensemble de ces contrôles sont actuellement examinés par l'ASN avant le redémarrage des réacteurs. En ce qui concerne la centrale nucléaire du Tricastin, aucun des capteurs n'a atteint le seuil nécessitant des vérifications.

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