Mme Laurence Vichnievsky interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'autorisation de mise sur le marché du Closer et du Transform, et de tout produit contenant du Sulfoxaflor. Le 19 octobre 2017, l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) alertait sur l'autorisation donnée, le 27 septembre 2017, par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (l'Anses) à la société Dow AgroSciences, de commercialiser en France deux produits phytopharmaceutiques, le Closer et le Transform, contenant chacun du Sulfoxaflor. Or cette substance active est considérée par de nombreuses études scientifiques comme appartenant à la famille des néonicotinoïdes, dont on sait qu'ils sont à l'origine de l'effondrement des populations d'abeilles dans le monde et en particulier en Europe. En France, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité interdit, à compter du 1er septembre 2018, « l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ». Certes, le rattachement du Sulfoxaflor à la famille des néonicotinoïdes est contesté par son fabricant, la société américaine Dow Chemical. Certes, la Commission européenne, par un règlement d'exécution du 27 juillet 2015, a approuvé cette substance mais en assortissant son autorisation, d'une part, de conditions d'utilisation visant à atténuer les risques pour les abeilles et, d'autre part, d'une injonction au producteur d'avoir à fournir, avant le 18 août 2017, des informations complémentaires concernant ces mêmes risques. Son premier motif d'inquiétude est que la prise en compte des risques pour les abeilles, qui constitue l'essentiel des restrictions à la décision d'approbation du Sulfoxaflor, ne se trouve évoquée que sur quatre lignes, presque incidemment, à la huitième page des onze pages des prescriptions de l'Anses pour la préparation Closer. Il en est de même pour le Transform. Dans la présentation synthétique de classification des deux produits, le seul danger cité est celui de leur toxicité pour « le milieu » et « les organismes aquatiques ». Enfin, la colonne « abeille » des tableaux des usages autorisés ne contient strictement aucune restriction. Le second motif d'inquiétude est que l'Anses a délivré ses autorisations, le 27 septembre 2017, sans attendre les informations complémentaires que la société Dow Chemical devait fournir avant le 18 août 2017 et sans même conditionner cette autorisation à l'examen de ces informations. L'Anses avait pourtant été alertée, dès le mois de novembre 2015, par un courrier de l'UNAF. Or l'Agence est soumise, comme toutes les autorités publiques en France, au principe de précaution énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement, qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Ces inquiétudes ont été un peu dissipées par le communiqué conjoint du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation publié le 20 octobre 2017, sur cette question. Ces inquiétudes sont quelque peu dissipées parce que ce communiqué conjoint ne contient, pas plus que les décisions d'autorisation de mise sur le marché de l'Anses, le mot néonicotinoïde, comme si les pouvoirs publics faisaient leurs les dénégations de la société Dow Chemical concernant l'appartenance du Sulfoxaflor à cette famille des insecticides systémiques, c'est-à-dire ceux qui agissent sur le système nerveux central des insectes. Elle rappelle que l'autorisation de mise sur le marché américain du Sulfoxaflor a été annulée par arrêt du 10 septembre 2015 de la cour d'appel fédérale des États-Unis (Ninth Circuit Court of Appeals). Elle rappelle aussi qu'une étude publiée le 18 octobre 2017 par la revue scientifique Plos One conclut que la masse globale des insectes a diminué d'environ 80 % au cours des 27 dernières années dans les réserves protégées de l'Allemagne. Dans cette grande famille des invertébrés, le sort des abeilles inquiète particulièrement. Celles-ci ne sont pas tant utiles par le miel qu'elles produisent que par leur activité de pollinisateur, indispensable à la reproduction sexuée des plantes à fleurs, dont l'existence conditionnent nos équilibres alimentaires. Si les abeilles et autres insectes pollinisateurs venaient à disparaître, il n'y aurait plus pour l'humanité ni fruits, ni légumes, ni accessoirement café et cacao. C'est dans ce contexte plus que préoccupant, qu'elle lui pose deux questions. La première concerne la commercialisation du Closer et du Transform. La demande adressée par M. le ministre le 20 octobre 2017 à l'Anses, ne suspendant pas leur mise sur le marché, effective depuis le 27 septembre 2017, elle lui demande s'il a le pouvoir de suspendre cette commercialisation, en application du principe constitutionnel de précaution. La seconde concerne le Sulfoxaflor lui-même. En fonction de l'examen des dernières données fournies par le producteur, elle voudrait savoir s'il envisage d'inscrire cet insecticide systémique dans la liste des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, qui doit figurer dans le prochain décret d'application de la loi biodiversité du 8 août 2016.
L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a délivré le 27 septembre 2017 des autorisations de mise sur le marché pour les produits Closer et Transform qui sont des produits insecticides utilisant la substance active sulfoxaflor. Même si elle n'est pas universellement reconnue comme néonicotinoïde, cette substance est considérée par plusieurs acteurs comme appartenant à cette famille en raison, d'une part, de son mode d'action sur les espèces contre lesquelles les produits agissent et, d'autre part, des effets de la substance sur les abeilles et les insectes pollinisateurs. La substance sulfoxaflor a été approuvée au niveau européen sous réserve de fournir des éléments plus détaillés sur les effets sur les abeilles et les pollinisateurs au plus tard le 18 août 2017. Ces éléments nouveaux n'étaient pas disponibles lorsque l'Anses a instruit les demandes d'autorisation de mise sur le marché. L'Anses s'est dès lors appuyée sur les autres études disponibles, la dangerosité de la substance mais aussi la plus faible rémanence dans l'environnement que d'autres molécules. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement a demandé à l'Anses de réexaminer les autorisations de mise sur le marché qu'elle a délivrées, à la lumière des éléments nouveaux remis cet été au niveau européen concernant l'impact sur les abeilles et les pollinisateurs. Suite à un recours d'une association, le tribunal administratif de Nice a suspendu en référé la décision de l'Anses pour ces deux produits contenant du sulfoxaflor. Dans son jugement, le tribunal administratif précise que : « Il en résulte que l'autorisation de mise sur le marché de ce produit accordé à la société Dow Agrosciences SAS ne garantit avec certitude, ni son utilisation exclusive et conforme par ces professionnels, ni la formation effective de ceux-ci à l'utilisation de ce produit, ni que les doses utilisées sans contrôle au moment de leur épandage ne présenteraient de danger pour les abeilles, dont la population est déjà fragilisée, et la santé publique. D'ailleurs, un communiqué de presse rédigé conjointement par le ministre de la transition écologique et solidaire et par celui de l'agriculture fait état de nouvelles données scientifiques relatives aux risques du sulfoxaflor et rappelle qu'une demande a été faite à l'Anses pour examiner prioritairement les dites données, dans un délai de trois mois, ce qui confirme l'absence de certitude quant à l'innocuité de ce produit. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation accordée ne respecte pas le principe de précaution précité est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.» L'entreprise qui était titulaire des autorisations de mise sur le marché a décidé de porter l'affaire au Conseil d'État. Le Gouvernement souhaite en tout état de cause maintenir sa plus grande vigilance et examinera, en fonction des résultats des analyses de l'Anses sur les nouveaux éléments scientifiques disponibles, les actions à mettre en œuvre.
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