M. Gaël Le Bohec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'insertion, dans le code de l'action sociale et des familles et dans le code de l'éducation, de l'interdiction des châtiments corporels et des traitements humiliants envers les mineurs. En effet, la loi du 2 juillet 2019 a introduit dans le code civil le principe selon lequel « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Mais selon le rapport 2019 du Défenseur des droits dénommé « Enfance et violence : la part des institutions publiques », certaines violences existent toujours. Le Défenseur des droits souligne qu'il ressort d'un certain nombre de situations soumises à son expertise qu'il est trop communément admis que les violences légères voire graves à l'égard des enfants peuvent se justifier par un objectif éducatif de la part des personnes ayant autorité sur eux (parents, entourage proche, professionnels de l'éducation, de la petite enfance). Entre le XIXè et le XXè siècle, il a été accordé aux parents, aux éducateurs et aux assistants maternels un droit de correction et de discipline. La Cour de cassation, actuellement, n'utilise plus le terme « droit de correction », mais plutôt « pouvoir disciplinaire ». Les violences sont ainsi généralement acceptées lorsqu'elles ont comme objectif la discipline scolaire, c'est-à-dire assurer le bon déroulement du cours, répondre à une attitude provocatrice et irrespectueuse d'un élève ou à des injures de la part d'un élève envers un professeur ou un éducateur. La jurisprudence française a toutefois précisé qu'il ne pouvait s'exercer que de manière inoffensive et dans la nécessité éducative. Un exemple à suivre est celui de la Suède, qui a été le premier pays à interdire les châtiments corporels en 1979. Aujourd'hui, ce pays met en avant, entre autres conséquences bénéfiques sur le long terme, la baisse du nombre de placements d'enfants en foyer. De même, une étude récente citée par le Défenseur des droits, croisant des données de plus de 85 pays a montré une corrélation entre l'interdiction des châtiments corporels et la baisse de la violence chez les adolescents. En effet, il est nécessaire pour l'enfant de se construire dans un monde qui soit non-violent et bienveillant. Un enfant qui grandirait dans un monde où la violence serait acceptée, et même montrée comme un exemple par les adultes dits « responsables », pourrait voir sa vie d'adulte et de citoyen perturbée. Il était donc temps que la France interdise les châtiments corporels contre les enfants, ce qu'elle a commencé à faire dans la loi du 2 juillet 2019, conformément aux recommandations du Comité des droits de l'enfant et du Comité européen des droits sociaux. Il s'agit bien sûr d'une grande avancée, mais il est regrettable que ces mesures aient été seulement insérées dans le code civil, dans une partie concernant l'autorité parentale. Comme l'a déjà indiqué le Défenseur des droits dans son avis n° 18-28 du 19 novembre 2018, il considère que l'interdiction des châtiments corporels et des traitements humiliants contre les mineurs doit être également inséré dans le code de l'action sociale et des familles (dans l'article L. 112-4, qui fait valoir l'intérêt de l'enfant sur toutes les décisions le concernant) et dans le code de l'éducation (dans l'article L. 111-2 qui consacre pour chaque enfant le droit à une formation scolaire). Il importe que le législateur pose le principe, pour tout professionnel intervenant auprès d'enfants, de l'interdiction des châtiments corporels et des traitements humiliants. L'inscription dans la loi devra en tout état de cause être accompagnée de formations professionnelles renforcées sur l'écoute et la communication non violente. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement envisage d'inscrire dans le code de l'action sociale des familles et dans le code de l'éducation l'interdiction des châtiments corporels et des traitements humiliants à l'encontre des enfants, pour permettre de mieux protéger les enfants des violences de certains parents, éducateurs et assistants maternels.
Le Gouvernement est particulièrement sensible aux violences faites aux enfants. Les droits de l'enfant et la prévention des violences à son encontre ont fait l'objet d'évolutions législatives importantes au cours des dernières années, qui traduisent un intérêt croissant pour ces questions. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance témoigne en effet d'une prise de conscience de la nécessité de mieux garantir l'efficacité de cette politique en donnant la priorité à la prévention des violences par le renforcement des procédures de signalement et la création des observatoires départementaux de la protection de l'enfance, chargés de transmettre les données collectées à l'observatoire national de protection de l'enfance, pour assurer une meilleure connaissance statistique de la situation nationale. La loi du 14 mars 2016 s'est inscrite dans la continuité de cette 1ère réforme en plaçant l'intérêt de l'enfant au centre des dispositifs d'intervention prévus par la loi. Le retrait de l'autorité parentale dans le champ civil est en outre étendu aux cas de parent s'exposant leurs enfants à des agissements violents, « lorsque l'enfant est témoin de pressions ou de violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre » (article 378-1 du code civil). La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a permis une autre avancée en prévoyant l'aggravation des peines sanctionnant les violences conjugales lorsqu'un mineur en est témoin. Dès lors qu'il apparait que l'un ou les titulaire (s) de l'autorité parentale ne sont pas en mesure d'assurer la défense de ses intérêts, ou qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il puisse être assisté par un tiers indépendant, le procureur de la République désigne un administrateur ad hoc, qui peut, le cas échéant, désigner un avocat pour assurer la défense des intérêts du mineur, et se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice subi. La loi du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires a introduit dans le code civil le principe selon lequel « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Par ailleurs, cette même loi insère au deuxième alinéa de l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles l'obligation de formation des assistants maternels à la prévention des violences éducatives ordinaires. L'éducation nationale œuvre depuis longtemps pour bannir toute forme de violence des dispositifs éducatifs. La circulaire du 6 juin 1991, modifiée par les circulaires des 20 juillet 1992 et 29 juin 1994, énonce très clairement l'interdiction des châtiments corporels. En outre, s'agissant des professionnels qui interviennent auprès des enfants, tels que les éducateurs et les assistants maternels, le code pénal interdit expressément les violences à l'égard des personnes et retient comme circonstance aggravante le fait que la victime soit un mineur de 15 ans ou un descendant en ligne directe. Les violences à l'encontre d'un enfant ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Dans le cas où les violences seraient habituelles, les peines peuvent atteindre cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Le droit pénal en vigueur condamne donc fermement les violences corporelles et la maltraitance à l'encontre des enfants. Outre les évolutions législatives susmentionnées, d'autres actions nationales favorisent la promotion d'une éducation sans violence qui repose également sur l'information et l'accompagnement des parents. En effet, dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019, le carnet de santé a été modifié pour informer les parents sur l'éducation sans violence et le syndrome du bébé secoué. Le plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2020-2022, présenté le 20 novembre 2019 par le secrétaire d'Etat chargé de la protection de l'enfance, s'inscrit dans la continuité de ce premier plan. Il prévoit d'enrichir le contenu du carnet de grossesse, pour renforcer les messages de prévention et de sensibilisation sur l'impact des violences sur la santé des enfants, notamment les violences conjugales. Le renforcement des moyens du 119 et des cellules départementales de recueil et d'évaluation de l'information préoccupante vise également à consolider le repérage des situations de danger. Au regard de l'ensemble de ces dispositions, il n'apparaît pas nécessaire de modifier le code de l'action sociale et des familles ou le code de l'éducation pour y faire apparaître cette interdiction.
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