Mme Fiona Lazaar attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les enjeux relatifs à l'encadrement de l'usage des techniques dites d'immobilisation par les forces de l'ordre lors des interpellations. Les forces de l'ordre disposent, dans l'exercice de leurs missions, de techniques d'immobilisation leur permettant de maitriser un individu au cours d'une interpellation. Le recours à ces techniques est légal, à condition que celui-ci soit strictement nécessaire et proportionné. Toutefois, les conditions d'usage de ces manœuvres d'immobilisation suscitent des interrogations et inquiétudes au sein de l'opinion publique, auxquelles Mme la députée se montre particulièrement sensible. Sont notamment concernées la technique dite du « pliage ventral » consistant à maintenir un individu en position assise, la tête appuyée sur les genoux et la technique de l'immobilisation en décubitus ventral, communément appelée technique du « plaquage ventral », consistant à maintenir un individu ventre au sol, tête tournée sur le côté. Ces techniques d'intervention doivent être limitées aux cas nécessaires et sont strictement encadrées : la note du 8 octobre 2008 relative aux « prescriptions de l'inspection générale de la police nationale relatives à l'usage de la force » prévoit que « lorsque l'immobilisation de la personne est nécessaire, la compression - tout particulièrement lorsqu'elle s'exerce sur le thorax ou l'abdomen - doit être la plus momentanée possible et relâchée dès que la personne est entravée par les moyens réglementaires et adaptés ». Une compression trop longue ou trop forte peut en effet entraîner un risque d'asphyxie de l'individu interpellé. Mme la députée souhaiterait ainsi connaître les conditions de sensibilisation et de formation des forces de l'ordre à ces techniques d'immobilisation et aux risques qu'elles peuvent entraîner. Elle souhaiterait également que soient portées à sa connaissance les conditions de recours et d'utilisation de ces techniques par les forces de l'ordre, ainsi que les mesures d'encadrement et de précaution relatives à ces manœuvres. Elle souhaiterait enfin savoir quelles alternatives à ces techniques existent et si une réflexion est engagée sur les moyens de sécuriser le recours à ces pratiques.
Pour l'exercice de leurs missions, les policiers et les gendarmes sont autorisés par la loi, dans les strictes limites de nécessité et de proportionnalité, à utiliser la force. Des règles existent visant tant à préserver l'intégrité physique des personnes résistant ou s'opposant à leur interpellation ou à leur transport qu'à sécuriser juridiquement les techniques de coercition utilisées. Pour l'essentiel, ces dispositions figurent dans le code de procédure pénale et dans le code de la sécurité intérieure, ainsi que dans diverses doctrines d'emploi et instructions particulières. Une instruction du 4 novembre 2015 du directeur général de la police nationale rappelle par exemple les principes d'emploi de la force ou de la contrainte pour la maîtrise d'une personne en état de forte agitation en vue de son interpellation ou de son transport. En tout état de cause, l'emploi de la force doit toujours être justifié sur le plan juridique, guidé par les principes de nécessité absolue et de stricte proportionnalité, prenant donc en compte les circonstances, et respectueux des principes déontologiques. Dans l'exercice de leurs missions, policiers et gendarmes peuvent être amenés à se confronter physiquement aux personnes qui désirent se soustraire par la violence aux injonctions légitimes ou qui présentent une altération du discernement (troubles psychiatriques, effets de stupéfiants, etc.). Les instants précédant la maîtrise de la personne concernée, et son menottage lorsqu'il est justifié, présentent par nature des risques pour chacun des protagonistes, qu'il s'agisse de l'emploi de techniques à mains nues ou d'autres impliquant l'usage de bâtons de police ou d'armes de force intermédiaire. Au cours de ces dernières années, et encore le 3 janvier 2020 à Paris, des personnes sont décédées au cours ou après une interpellation qui avait nécessité l'emploi de la force. Des enquêtes ont été systématiquement ouvertes par l'autorité judiciaire, débouchant sur des procédures destinées à déterminer, non seulement si l'usage de la force était nécessaire et proportionné, mais également si les gestes et techniques employés étaient adaptés aux circonstances et si, le cas échéant, les règles d'emploi des armes avaient été respectés. Pour certaines de ces affaires, l'autorité judiciaire a écarté la responsabilité des policiers ou des gendarmes. Pour d'autres, des informations sont ouvertes, assorties de mises en examen. Aucun cadre doctrinal ou juridique quel qu'il soit ne pourra permettre d'exclure de façon certaine le risque d'incident ou de blessure, notamment durant une phase d'affrontement physique. En effet, les missions de police impliquant le recours à la contrainte et a fortiori l'usage d'armes présentent par nature des risques. De nombreuses avancées ont déjà été enregistrées au cours des ans pour sécuriser les interventions de police et développer davantage le contrôle de l'activité des forces de sécurité intérieure. Pour autant, des progrès sont toujours possibles. Aussi le ministre de l'intérieur avait-t-il demandé en janvier dernier au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale de procéder à une revue des gestes et techniques enseignés et utilisés, au regard notamment des risques qu'ils peuvent représenter, tant pour la personne visée que pour les forces de l'ordre. A l'issue de ces travaux, achevés en juin, et conformément aux préconisations formulées, il a été décidé que la technique dite « d'étranglement », jugée dangereuse, ne serait plus enseignée dans la police nationale. Cette technique ne sera en outre plus mise en œuvre dès qu'une technique de substitution, permettant aux policiers d'agir dans les meilleures conditions possibles de sécurité physique et juridique, aura été définie. Des travaux ont été engagés sur ce point. De nouvelles techniques seront enseignées en école qui permettront toujours d'amener ou de plaquer au sol un individu qui s'oppose à son interpellation, mais en prohibant certains gestes de pression sur le cou, la nuque ou le thorax. Si le recours à la force doit toujours être nécessaire et proportionné, il ne saurait être question en effet de faire preuve d'angélisme ou de laxisme, ni de désarmer les policiers et les gendarmes, soumis au quotidien à la violence, parfois extrême. S'il est indispensable en effet que les représentants de la force publique soient exemplaires, le respect et la gratitude qui leur sont dus sont également des exigences sur lesquelles nul ne devrait transiger. Le ministère de l'intérieur en fait une priorité et plusieurs chantiers sont engagés pour mieux défendre les forces de l'ordre, tant sur le plan matériel que sur le plan juridique. Enfin, il convient de rappeler que les policiers et les gendarmes, garants du respect des lois, accomplissent au quotidien des missions justes mais particulièrement difficiles, exposés au quotidien à des violences physiques et verbales, à des mises en cause incessantes. S'ils se doivent d'être d'une fermeté et d'une détermination sans faille dans l'accomplissement de leurs missions, ils se doivent également d'être exemplaires. Le respect des règles déontologiques, la maîtrise et le discernement dans l'action sont des impératifs pour la police nationale comme pour la gendarmerie nationale. Ce souci éthique s'appuie sur une politique disciplinaire rigoureuse. Tout écart est combattu avec fermeté et tout manquement avéré expose son auteur à des sanctions disciplinaires et, le cas échéant, à des poursuites pénales. Les fautes individuelles, rares, ne sauraient faire oublier le comportement très majoritairement irréprochable des policiers et des gendarmes et leur engagement au service des Français et de la République.
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