M. Philippe Huppé appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relativement à la question de la stabilisation éco-sélective dans la filière viticole. Cette technique, développée en France dans les années 1990, consiste à faire glisser le vin le long de membranes alimentaires où un faible champ électrique capte les ions et les extraits du vin, empêchant la formation de cristaux de tartre. Cette technique, commercialisée par les sociétés Oenoadia et Gemstab, est aujourd’hui exportée dans 25 pays, et ce ne sont pas moins de 1,2 milliard de bouteilles qui sont stabilisées chaque année à l'étranger, hors d'Europe. Le problème en l'espèce est qu'il est interdit d'utiliser cette technique dans un processus de vinification biologique au sein de l'Union européenne. En effet, comme le rappelle le règlement d'exécution n° 203/2012 du 8 mars 2012, « il y a lieu d'exclure de la production de vin biologique les pratiques et procédés œnologiques susceptibles d'induire en erreur sur la véritable nature des produits biologiques. Cela vaut pour la concentration par le froid [...], l'électrodialyse [...], ces pratiques œnologiques modifiant en effet de manière considérable la composition du produit au point de pouvoir induire en erreur sur la véritable nature du vin biologique ». Ce processus de stabilisation éco-sélective s'apparente, au sens du droit communautaire, à de l'électrodialyse, et en ce sens, il est interdit dans la composition biologique d'un produit viticole. Or, plusieurs arguments penchent objectivement en la faveur de l'acceptation d'un tel processus. Tout d'abord dans une perspective écologique durable. En effet, actuellement, dans la problématique de stabilisation tartrique, seulement deux procédés sont acceptés au niveau européen. Soit cela passe par l'ajout d'additifs, comme les mannoprotéines de levure, voire le polyaspartate de potassium qui est envisagé, molécules issues de l'industrie pétrochimique, dont on sait que la production a un fort coût environnemental, et dont les résultats ne sont pas toujours ceux escomptés. Soit les producteurs doivent utiliser un traitement consistant à maintenir le vin à la limite de la congélation pendant une semaine environ, c'est-à-dire faire du froid négatif. A l'heure où le réchauffement climatique n'est plus une chimère, mais une réalité de plus en plus inquiétante, cette production de froid négatif demandera des surcoûts énergétiques et environnementaux indéniables, et allant en définitive à rebours des objectifs français. De l'autre côté, la stabilisation éco-sélective a une consommation électrique faible et l'eau utilisée est recyclée à hauteur de 80 %, n'affectant pas les qualités du produit. C'est ensuite dans une perspective davantage commerciale. Effectivement, des études tendent à montrer que le vin bio deviendrait la niche de croissance du marché, puisqu'il connaîtrait une hausse de 85 % en France entre 2017 et 2022. Mais puisque cette pratique est interdite aux producteurs de vin bio européens, contrairement aux producteurs conventionnels et bio des Etats-Unis, ceci crée, de fait, une situation de concurrence inéquitable et qui pénalise l'émergence de la filière biologique viticole française. Conscient de la volonté du ministre de défendre une filière si représentative de la France, il souhaite savoir ce qu'il va mettre en œuvre pour résoudre une telle anomalie.
L'électrodialyse est une méthode actuellement interdite par le règlement (CE) n° 889/2008 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques à l'article 29 quinquies intitulé « Pratiques œnologiques et restrictions », paragraphe 2) point c). Le nouveau règlement européen (UE) 2018/848 du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil entrera en vigueur le 1er janvier 2021. L'annexe II de ce même règlement est consacrée aux règles de production détaillées visées au chapitre III. La partie VI de cette annexe concerne le vin. Le paragraphe 3.2 précise quels sont les pratiques, procédés et traitements œnologiques interdits en viticulture biologique. Le point c) mentionne le traitement par électrolyse pour assurer la stabilisation tartrique du vin conformément à l'annexe I A, point 36 du règlement (CE) n° 606/2009. En effet, l'électrodialyse qui repose sur l'extraction d'ions par un champ électrique est jugée contraire aux principes énoncés à l'article 7 du règlement (UE) 2018/848 sus-mentionné aux paragraphes c) et d) qui visent à « exclure les méthodes de transformation susceptibles d'induire en erreur quant à la véritable nature du produit » et à « recourir de préférence à des méthodes biologiques, mécaniques et physiques ». Par conséquent, la stabilisation éco-sélective utilisant l'électrodialyse, en dépit de ses possibles effets positifs sur l'environnement, continuera bien de faire partie des procédés interdits en viticulture biologique au sein de l'Union européenne (UE) après l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen le 1er janvier 2021. Par ailleurs, en tant que règlement européen, le règlement (UE) 2018/848 est applicable dans sa totalité dans tous les États membres de l'UE. On ne peut parler dans le cas présent de concurrence inéquitable puisque les modes de production en viticulture biologique au sein de l'UE et hors de l'UE ne sont pas comparables. Les critères de production de vin biologique étant plus stricts au sein de l'UE, cela renforce d'autant la qualité des vins biologiques français et européens sur le marché mondial.
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