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Sébastien Jumel
Question N° 26829 au Ministère des solidarités


Question soumise le 25 février 2020

M. Sébastien Jumel interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la difficile reconnaissance des maladies professionnelles pour les travailleurs intérimaires. Selon la DARES, à la fin du 1er trimestre 2018, la France comptait 818 000 travailleurs intérimaires tous secteurs confondus. Parallèlement, le nombre de maladies professionnelles recensées durant la même année a connu une hausse de 2,1 %. Le travail intérimaire, particulièrement développé dans les secteurs de l'industrie, du bâtiment et des services à la personne, est un mode de travail très fortement touché par les accidents du travail. Les travailleurs intérimaires sont en effet davantage exposés aux risques professionnels que les salariés en CDD et CDI, avec des taux de fréquence et de gravité des accidents du travail en moyenne deux fois plus élevés pour cette population que pour l'ensemble de l'effectif salarié. Le développement massif de la sous-traitance et de l'intérim pose de nouveaux problèmes en conduisant à transférer les risques vers des salariés extérieurs. Pourtant les données existantes relatives à l'exposition des salariés intérimaires à des maladies professionnelles demeurent lacunaires et imprécises. Deux facteurs expliquent cette sous-évaluation. D'une part, la nature même du travail intérimaire, discontinue sur le poste comme dans les entreprises, et, d'autre part, l'inexistence d'un système de traçabilité de carrière et d'exposition aux risques dans le travail intérimaire. Il est incontestable que le suivi médical irrégulier des travailleurs intérimaires, de même que l'absence de consolidation des missions avec la définition précise des postes, de l'emploi tenu, des risques et des conditions de travail, ne permettent pas de relier une maladie déclarée, plusieurs années plus tard, à une activité professionnelle ou un lieu de travail. Le cas des anciens intérimaires de l'amiante est particulièrement significatif. Alors qu'on sait aujourd'hui que dans l'industrie par exemple, un salarié sur cinq n'est plus un salarié « organique » de l'entreprise, mais un salarié extérieur employé soit par une société d'intérim, soit par une société sous-traitante, il s'interroge sur la nécessité de mettre en place un mécanisme de suivi médical et de reconnaissance des maladies professionnelles plus strict pour les travailleurs intérimaires. Un grand nombre de salariés intérimaires est aujourd'hui exclu de toute reconnaissance de maladie professionnelle. Face à cette situation, il lui demande quelles sont les mesures nécessaires qu'il envisage de prendre pour engager une transformation de la prévention et la protection des salariés intérimaires face aux maladies professionnelles.

Réponse émise le 28 juillet 2020

L'amélioration de l'accès aux droits et de la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles constitue un objectif majeur pour la branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT/MP) du régime général. Concernant plus particulièrement les travailleurs intérimaires, les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles mises en œuvre par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) permettent de garantir une prise en compte de l'ensemble des expositions, y compris lorsqu'elles ont eu lieu au sein de différentes entreprises utilisatrices. Pour rappel, la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie peut s'effectuer selon deux modalités : - soit dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles, lorsque les différentes conditions liées à la désignation de la maladie, au délai de prise en charge (délai maximum entre la fin de l'exposition et l'apparition de la pathologie) et aux travaux effectués sont remplies, - soit par la voie complémentaire des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles lorsque les conditions du tableau ne sont pas satisfaites ou lorsque la maladie n'est pas désignée dans un tableau. Dans les deux cas, la CPAM engage des investigations, qui se traduisent notamment par l'envoi de questionnaires, auprès du salarié et de l'employeur, afin d'évaluer la réalité de l'exposition au risque ; la CPAM peut également interroger le médecin du travail. S'agissant plus spécifiquement des travailleurs intérimaires, cette phase d'investigations est réalisée auprès de l'entreprise de travail temporaire et des entreprises utilisatrices au sein desquelles l'assuré a travaillé avant la date de première constatation médicale de la maladie, en retenant, pour les maladies relevant des tableaux de maladies professionnelles, une période variable en fonction des conditions (notamment le délai de prise en charge) fixées par le tableau. Les investigations sont également conduites auprès des employeurs qui auraient été mentionnés dans la déclaration de maladie professionnelle de l'assuré. Dans le cas où la CPAM n'aurait pas connaissance des entreprises utilisatrices au sein desquelles l'intérimaire a pu effectuer les travaux de nature à l'exposer au risque, qui n'apparaitraient ni dans la déclaration de maladie professionnelle ni dans le questionnaire renseigné par l'assuré, elle s'adresse à l'entreprise de travail temporaire, qui transmet le questionnaire aux entreprises utilisatrices ou indique leurs coordonnées à la caisse. Pour répondre aux questionnaires, l'entreprise de travail temporaire et les entreprises utilisatrices peuvent s'appuyer notamment sur les informations contenues dans le contrat de mise à disposition, qui précise la nature du poste occupé et doit indiquer s'il relève de la liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés. Il convient de noter par ailleurs que les travailleurs intérimaires, en cas d'affectation sur un poste à risque, font l'objet d'un suivi individuel renforcé (examen médical d'embauche, visite intermédiaire, renouvellement de l'examen dans un délai de 4 ans), assuré par le service de santé au travail de l'entreprise de travail temporaire. Si l'affectation sur le poste à risque est réalisée en cours de mission, et qu'à ce titre le travailleur intérimaire n'a pas bénéficié du suivi individuel renforcé prescrit, l'entreprise utilisatrice doit organiser un examen médical d'aptitude pour ce poste dont les résultats sont communiqués au service de santé au travail de l'entreprise de travail temporaire, ce qui garantit bien une traçabilité des activités exercées. De fait, l'ensemble des expositions sont donc prises en compte dans le cadre des investigations conduites par les CPAM, en pouvant s'appuyer sur le suivi de l'exposition à des risques professionnels, permettant ainsi d'établir, le cas échéant, le lien entre l'activité professionnelle, même ancienne, et la pathologie et d'aboutir à la reconnaissance de la maladie professionnelle de l'assuré.

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