M. Jean-Paul Lecoq alerte M. le Premier ministre sur la mise en place d'un numéro d'urgence unique, le 112, afin de répondre de manière lisible, rapide et efficace aux situations de détresse rencontrées par la population, en précisant les potentielles imprudences qui pourraient être commises à cette occasion. L'inutilité, voire la dangerosité de faire coexister treize numéros d'appel d'urgence est partagée par tous les acteurs. Pourtant les sapeurs-pompiers mettent en garde sur le possible encombrement d'un seul numéro. Dès lors il apparaît judicieux de disposer d'un système à deux numéros, l'un adossé à tous les services d'urgence, qui serait le 112 et qui, organisé au niveau départemental disposerait de financements adéquats. Ce dispositif serait le mieux placé pour répondre à tout appel en moins de 15 secondes et pour orienter les services compétents vers les lieux de l'urgence. Ce numéro aurait le mérite de la simplicité pour les Français. L'autre numéro serait le 116 117, qui est le numéro européen d'assistance médicale, et qui répondrait aux besoins de « soins non programmés ». Il serait adossé au service d'accès aux soins préconisé dans le cadre du « Pacte de refondation des urgences » présenté en décembre 2019. Face au grave problème de démographie médicale partout en France, le modèle français se porte de plus en plus vers le « tout urgences » qui est l'une des origines de la crise hospitalière actuelle. Mais ces services ne devront pas être créés à partir du personnel déjà présents dans les hôpitaux. Il s'agira pour l'hôpital public de recruter un grand nombre de nouveaux soignants qui pourront, eux, alléger leurs collègues des urgences, et de la médecine de ville. L'articulation entre le 112 et le 116 117 permettrait donc de relâcher la pression sur les sapeurs-pompiers et les SMUR/SAMU en évacuant toutes les « petites » urgences et en orientant ces acteurs vers les urgences qui sont de leur ressort. L'articulation de ces deux numéros pourrait constituer déjà un bon premier pas. Il l'alerte sur le numéro 113, proposé par la mission de préfiguration du service d'accès aux soins, qui ne serait en fait qu'un dédoublement du numéro 112 et qui ne réglerait en rien la question de l'articulation entre les urgences et les soins non programmés, mais contribuerait plutôt à brouiller l'utilité du 112 et jetterait un flou sur toute la construction des numéros d'urgence, détruisant de fait les efforts de simplification de ce secteur pourtant vital au premier sens du terme.
Le système actuel de gestion des appels d'urgence fait cohabiter plus de treize numéros d'urgence sur le territoire, même si le 112 est aujourd'hui accessible sur tout le territoire national. La directive européenne 2018/1972, en cours de transposition, réaffirme la place centrale du 112, comme numéro commun européen pour joindre les services d'urgence. Actuellement, il aboutit aux services d'incendie et de secours dans 80 % des cas (plateformes communes comprises) et dans 20 % au sein des services d'aide médicale urgente. Face à l'organisation actuelle, source de confusion pour les usagers, de perte de temps et d'efficacité, le Président de la République, lors de son discours du 6 octobre 2017, a affirmé la nécessité de créer des plateformes communes de gestion des appels d'urgence. Cette réforme, affichée en priorité, permettrait au service rendu de gagner en lisibilité, efficacité et rapidité. L'ensemble des acteurs du monde de l'urgence est convaincu de la nécessité de réformer le système actuel afin que soient apportées des réponses aux problématiques organisationnelles, de gouvernance, techniques et technologiques du système actuel. La mise en place de plateformes communes serait source de simplification de l'action publique, d'une meilleure allocation des ressources et permettrait de rapprocher notre organisation des standards européens et internationaux. A la demande du cabinet du Premier ministre, des travaux ont été engagés par la mission interministérielle de modernisation des appels d'urgence pilotée par deux personnalités qualifiées désignées par le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'intérieur. La vocation du programme MARCUS (Modernisation de l'Accessibilité et de la Réception des Communications d'Urgence pour la Sécurité, la Santé et les Secours) initiée au mois de juillet 2019 est d'apporter une réponse à la décision présidentielle supra. Avant de recourir au 112 comme numéro unique d'appel d'urgence, il convient de réaliser, au préalable, un inventaire précis des questions organisationnelles, opérationnelles, techniques et juridiques que pose cette mise en commun. L'unification des plates-formes de réception des appels d'urgence constitue en effet un enjeu structurant, qui sous-tend un examen des évolutions techniques nécessaires, des interrogations concernant l'organisation future de l'ensemble des services de secours, des problématiques de partage de responsabilité et des questionnements relatifs à la rencontre de cultures professionnelles différentes. L'équipe intégrée MARCUS, associant l'ensemble des acteurs concernés, a procédé à l'étude de ces questions nécessitant aujourd'hui d'être confirmée par une phase d'expérimentation. Indépendamment du modus operandi restant à arbitrer par le Gouvernement, des dénominateurs communs pour répondre à l'amélioration du traitement des communications d'urgence ont été recommandés. Ainsi, les travaux MARCUS ont objectivé la nécessité d'instaurer un premier niveau de décroché des appels afin de répondre à l'impératif d'accessibilité de la population dans des délais compatibles avec l'urgence. Les objectifs opérationnels sont d'assurer un décroché de l'appel conforme aux objectifs de performance, un filtrage et une orientation priorisée vers un deuxième niveau constitué des forces de sécurité ou de secours dans un délai moyen de traitement de 30 secondes pour les appels justifiant d'une instruction. Le traitement bi-niveau est un facteur d'amélioration de la performance. Il prouve particulièrement son efficacité dans les situations nécessitant le traitement de gros volumes d'appels. Il est cependant nécessaire de souligner que la performance d'un tel dispositif est conditionnée par la fluidité du premier niveau qu'il convient de piloter à l'échelle supra-départementale. Ce modèle est respectueux des plateformes actuelles 15-18 ainsi que des reconcentrations en projet. Pour être précisé, il devrait faire l'objet d'une expérimentation en raison des profonds impacts qu'il suppose en termes de gouvernance, de territorialité, de doctrine, de processus métiers, de systèmes d'information, etc., qui concerneront tous les services concourant à la gestion des appels d'urgence et leurs interlocuteurs (citoyens, élus, représentants de l'Etat, etc.). En conséquence, il est désormais souhaitable que des expérimentations soient menées sur un ou deux territoires. Elles permettront de préciser le modèle d'organisation qui sera définitivement retenu grâce à une confrontation aux réalités opérationnelles. Cette phase expérimentale permettra de mesurer les améliorations et les gains observés aussi bien en termes de qualité de service, de réponse à l'urgence que de coordination inter-services métiers, particulièrement avec la santé. Le découpage territorial de la réception des appels est un point de vigilance particulier de l'expérimentation, afin qu'elle s'adapte aux contingences du terrain. Des échanges interministériels sont en cours, notamment avec le ministère des solidarités et de la santé, pour préciser les modalités de mise en œuvre du numéro unique 112 et déterminer les contours de sa mise en œuvre via l'expérimentation. La mise en place du numéro unique permettra de mobiliser les différents acteurs de l'urgence au travers d'une organisation de tous les maillons qui soit la plus efficiente possible dans l'intérêt du citoyen. Cette organisation n'est bien sûr pas exclusive d'un numéro pour l'accès aux soins non urgents, comme le 116 117 testé sur quelques territoires actuellement.
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