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Marietta Karamanli
Question N° 27297 au Ministère de l’économie


Question soumise le 10 mars 2020

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la solution envisagée un temps que la dette des États de la zone euro dans le domaine de défense puisse être reprise par un mécanisme européen. En 2019, les États de la zone euro avaient dépensé 2 330 milliards d'euros pour la défense (depuis la création de la zone euro), dont 720 milliards d'euros pour la France (à elle seule 30 %) et 560 milliards d'euros pour l'Allemagne, Si l'Union européenne rachetait par un mécanisme propre la totalité de cette dette, le France verrait son endettement diminuer d'un tiers pour revenir à 61 %. Elle souhaite avoir confirmation de la hauteur des estimations faites. Elle souhaite savoir si une forme de mutualisation de l'endettement des pays de la zone fait partie des sujets discutés à raison de l'intérêt d'une solution commune dans ce domaine alors même que l'OTAN est dans une situation difficile et que les enjeux sont partagés par chacun des États de l'UE.

Réponse émise le 26 janvier 2021

Afin de permettre les comparaisons internationales, si l'on se réfère aux dernières données disponibles sur le site d'Eurostat, soit jusqu'en 2018, et que l'on considère les dépenses depuis 1999, la zone euro totalise 2311 Mds€ de dépenses dans le domaine de la défense. La France, quant à elle, totalise 669 Mds€, et l'Allemagne 520 Mds€. Ces données correspondent aux ordres de grandeur des montants présentés dans la question, avec toutefois un écart qui pourrait s'expliquer par l'utilisation d'une source différente, les données Eurostat s'arrêtant en 2018. Dans tous les cas, la France représente bien 30 % des dépenses totales de défense depuis la création de la zone euro. Sur le fond de la question, la reprise par l'UE, à travers un mécanisme propre, de la dette ou d'une partie de la dette des États membres est interdite par les traités européens. Le recours à un tel mécanisme devrait en effet s'organiser dans le respect des dispositions des Traités sur l'Union Européenne (TUE) et sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), et en particulier de la clause de « non-renflouement » prévue par l'article L. 125 TFUE. L'article L. 125.1 TFUE stipule que l'Union « ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend à sa charge ». Il est donc exclu par les traités que l'UE reprenne ou rachète la dette existante d'un ou plusieurs États membres. Ce principe se fonde sur le fait qu'il existerait un aléa moral pour la discipline budgétaire des États membres si l'UE pouvait racheter leurs dettes, ce qui les désinciterait à mener des politiques budgétaires prudentes. L'accord de juillet 2020 pour un plan de relance européen prévoit la possibilité pour l'UE de se doter d'un ensemble de mécanismes financiers qui s'apparente à un endettement commun, mais il ne s'agit aucunement d'une mutualisation des dettes nationales existantes ou futures. Ces mécanismes prévoient la levée sur les marchés financiers d'une dette UE destinée à financer un soutien exceptionnel et temporaire, afin de lutter contre la pandémie. L'aléa moral est inexistant dans ce cas, puisque la dégradation des finances publiques est causée par un choc de nature exogène, touchant simultanément l'ensemble des États membres, et non par une mauvaise gestion ou un manque de discipline budgétaire. La possibilité de cet endettement commun se base donc sur un principe de soutien exceptionnel, temporaire et de nature économique. On ne peut donc pas faire le rapprochement entre le plan de relance européen agréé en juillet 2020, et le mécanisme envisagé dans la question, qui serait destiné à financer des dépenses communes dans le domaine de la défense, c'est-à-dire des dépenses qui ne répondent pas à une logique de soutien exceptionnel, temporaire et de nature économique, trois conditions que le Service Juridique du Conseil a soulignées pour justifier la faisabilité de Next Generation EU (et plus précisément l'utilisation de l'article L. 122.1 TFUE comme base juridique du European Recovery Instrument).

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