M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la « continuité pédagogique ». La fermeture des établissements scolaires a été une mesure indispensable pour préserver le pays d'une contamination encore plus grande, notamment des plus jeunes. Depuis le 16 mars 2020, des millions de parents doivent assurer le rôle de professeur de substitution auprès de leurs enfants. Les professeurs remplissent leurs missions avec un sens aigu du devoir, néanmoins cet état de fait n'est en aucune mesure à même de garantir la continuité éducative. On peut constater que les inégalités matérielles empêchent aujourd'hui de pouvoir mettre en place une telle continuité. La question de la fracture numérique se révèle d'ailleurs pleinement dans cette crise ; le ministre a estimé qu'entre 5 et 8 % des élèves n'avaient plus aucun contact avec leur enseignant depuis le début des enseignements à distance. Un grand nombre de foyers ne disposent pas des moyens adaptés (imprimante, connexion internet suffisante, etc.) pour que leurs enfants puissent continuer à travailler dans de bonnes conditions. Les environnements numériques de travail ne sont pas adaptés à une éducation massive à distance et leur maîtrise différenciée par les enseignants induit des inégalités de traitement entre classes. Enfin, les configurations familiales - cohabitations nombreuses dues au confinement -, l'espace disponible et la distribution des pièces dans les logements constituent pour un grand nombre de Français des obstacles à l'acquisition de connaissances nouvelles. Si la question matérielle est essentielle, elle révèle également des inégalités plus profondes. « L'école à la maison » est doublement impossible, en ce sens qu'un grand nombre de parents ne parviennent pas à fournir le soutien suffisant à leurs enfants. La situation favorise ainsi les tensions intrafamiliales pour beaucoup de foyers, et l'autonomie des enfants devient alors une autonomie subie au détriment de la connaissance et de l'épanouissement. De la même manière, la conciliation entre travail et accompagnement des enfants reste, pour de nombreux parents, impossible. Trop d'enfants sont encore des « oubliés » de cette école à distance, notamment les enfants souffrant de troubles autistiques ou les enfants handicapés. Les parents ne peuvent en aucune manière, sauf à courir le risque de renforcer les inégalités scolaires, se transformer en professeurs. M. le député refuse que de telles inégalités soient prolongées au risque d'aggraver la fracture éducative. Il lui demande d'assumer le fait que la « continuité pédagogique » est, dans cette configuration de crise aiguë, impossible malgré l'engagement sans faille des professeurs et la mobilisation des parents. Il demande que soit privilégié jusqu'à la fin de l'année le renforcement des apprentissages déjà acquis. Les moyens de communication avec les enseignants doivent également être fournis à toutes les familles. Il sollicite, enfin, la clarté sur l'avenir du calendrier scolaire et l'ouverture d'une concertation dédiée avec les représentants syndicaux des enseignants et les associations de parents d'élèves pour envisager les modalités de poursuite de la scolarité dans la perspective d'une poursuite du confinement. Il souhaite connaître sa position sur ces sujets.
Dans ce contexte inédit, le maintien de la continuité de l'enseignement n'a pas été sans faille, malgré la mobilisation exemplaire de tous les enseignants et cadres pédagogiques. Le risque d'aggravation des inégalités sociales est en effet considérable dès lors que chaque enfant, chaque jeune est renvoyé à son seul contexte familial, quand les outils informatiques ou la connexion internet manquent, quand la famille se trouve en difficulté pour accompagner la scolarité de l'enfant. C'est particulièrement le cas pour les populations les plus fragiles, en ville comme à la campagne. Si, pour certains, les compétences et les savoirs acquis ont pu être maintenus grâce à la continuité pédagogique, de trop nombreux élèves n'ont pas pu progresser normalement durant la période de confinement. Pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et le ministre chargé de la ville et du logement ont très vite entrepris de renforcer les moyens de la continuité éducative au bénéfice d'élèves qui n'ont pas pu ou pas su en profiter : mise à disposition de matériel informatique, développement du tutorat et du mentorat pour renforcer l'accompagnement scolaire et soutien aux associations de proximité qui se mobilisent, innovent et créent des solutions pour poursuivre l'accompagnement au quotidien des familles et faciliter le lien entre les élèves et leur école. Dans ce contexte actuel, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a également eu pour objectif d'assurer la continuité pédagogique pour tous les élèves, en France métropolitaine comme en outre-mer, qui se trouvent en situation de déconnexion numérique. Ainsi, un partenariat exceptionnel a été mis en place avec la Poste avec deux volets : - le premier volet consiste à faire parvenir aux familles ne disposant pas de matériel informatique, des outils numériques par colis postal à partir de l'établissement scolaire après un travail de recensement des familles opéré par les académies et accord des collectivités territoriales pour la mise à disposition de matériel ; - le second volet concerne la mise en place du dispositif « Devoirs à la maison » qui a permis l'envoi de plus de 180 000 devoirs aux familles concernées par la voie postale depuis le 10 avril et qui sera maintenu jusqu'à la fin de l'année scolaire. Ce dispositif constitue un outil supplémentaire mis à la disposition des professeurs pour maintenir un lien avec leurs élèves. Pour préparer le plus sereinement possible l'entrée des élèves dans le niveau supérieur, il a été demandé aux professeurs en fin d'année 2019-2020 de resserrer et de prioriser les apprentissages, de cibler l'essentiel, en particulier lire, écrire, compter, pour les élèves dont les acquis ont pu être fragilisés par la période de confinement. L'enjeu est important, par exemple, pour les élèves de GS qui abordent l'apprentissage de la lecture au CP à la rentrée 2020-2021. Pour chaque programme d'enseignement, les contenus et les compétences essentielles à travailler ont été identifiés. Des recommandations et des outils sont à la disposition des professeurs à ce sujet sur le site du ministère pour chaque niveau au collège également. En fonction de ce que les professeurs ont donné comme travail à leurs élèves durant la période de confinement et en fonction du bilan qu'ils font de leurs acquis, ils détermineront les enseignements et les modalités d'accompagnement les plus adaptés. Les conseils de cycle de la dernière période de l'année ont privilégié l'établissement, pour chacun des élèves, d'un bilan portant sur les acquis en fin d'année scolaire afin que d'éventuelles difficultés ou retards dans les apprentissages soient immédiatement pris en compte au début de l'année scolaire suivante. Le dialogue entre les professeurs des différents niveaux a été prolongé. Dès septembre, les points de programme qui n'auront pu être abordés et les compétences encore trop fragiles ont été au cœur de l'enseignement, dès les premières semaines de classe. D'autre part, pendant les vacances d'été, un dispositif de soutien scolaire gratuit a été mis en place pour aider les élèves en difficulté, sous la forme de cours à distance individuels ou en petits groupes, par des professeurs volontaires. Ce dispositif a favorisé l'abord de la rentrée scolaire dans de meilleures conditions pour les élèves les plus fragiles. La fermeture des établissements scolaires et de la plupart des établissements et services médico-sociaux a fortement impacté le quotidien déjà difficile des élèves à besoins éducatifs particuliers et de leurs familles. Les académies et les équipes médico-sociales ont coopéré étroitement pour leur apporter la continuité pédagogique la plus adaptée possible à leurs besoins. Depuis le début du confinement, les académies ont produit de nombreuses ressources pour accompagner les élèves à besoins éducatifs particuliers, leur famille et les enseignants. Les conseillers techniques et les inspecteurs de l'éducation nationale « adaptation scolaire et handicap » (ASH) ont communiqué régulièrement les ressources mises à disposition, notamment sur Eduscol : https://eduscol.education.fr/cid150809/continuite-pedagogique-pour-les-eleves-a-besoins-educatifs-particuliers.html La plate-forme Cap école inclusive, outil d'accompagnements pédagogiques des élèves, a été ouverte à tous pendant la période de confinement pour aider les familles. Les services de l'école inclusive et les équipes départementales (ASH) ont mis en place des modalités particulières de communication entre les équipes afin de permettre un suivi des élèves pendant le confinement, grâce notamment à l'organisation de temps et d'espaces d'échanges réguliers et à une continuité assurée avec les référents de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et les éducateurs pour apporter l'accompagnement nécessaires aux élèves particulièrement vulnérables. Les relations entre les services de l'éducation nationale et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont également été renforcées. C'est d'ailleurs afin de prendre en compte les difficultés qu'ont pu rencontrer certaines familles que les élèves en situation de handicap ont été prioritaires pour regagner les bancs de l'école. Enfin au moment du déconfinement, des instructions spécifiques relatives aux élèves en situation de handicap ont été transmises aux académies. Ces instructions précisaient la nécessité d'ouvrir la reprise de la scolarité par des temps d'échange. Une attention particulière a été portée aux élèves à besoins éducatifs particuliers afin de s'assurer de leur bien-être et de leur respect des mesures barrières tant pour eux que pour les autres élèves ou les membres de la communauté éducative. A cette fin, les personnels d'accompagnement, de santé scolaire, les psychologues de l'éducation nationale ou assistants sociaux contribuent à apporter soutien et sécurité. La lutte contre le décrochage scolaire au niveau national a été renforcée afin de prendre en compte la situation des élèves les plus fragiles ayant pris leur distance avec l'école. En mai 2020, un courrier interministériel (Travail, Education nationale, jeunesse et sports, Solidarité et santé), adressé aux recteurs de région académique et aux préfets de région, a précisé les consignes ministérielles de plan d'action adaptées : - dans les EPLE, les équipes pluri-professionnelles organisées en "groupes de prévention du décrochage scolaire" ont pris contact avec les familles et les jeunes pour maintenir le lien avec l'école et proposer des modalités adaptées de cours à distance. La préparation des jeunes à l'orientation a tenu une place centrale dans un dialogue constructif avec les familles ; - l'ONISEP a mis à disposition des établissements scolaires des ressources pédagogiques. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), un tutorat spécifique a été proposé aux jeunes fragilisés par le confinement ; - les "réseaux Formation Qualification Emploi"(FOQUALE) et les personnels de la"mission de lutte contre le décrochage scolaire" se sont mobilisés pour offrir aux jeunes en situation de décrochage des solutions alternatives (parcours personnalisés, actions de remobilisation, structures de retour à l'école"de type micro-collèges et micro-lycées, actions de formation en partenariat avec le service civique,"clauses sociales" de formations sous statut scolaire). Avec la mise en oeuvre de l'obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans effective au 1er septembre 2020 (décret n° 2020-978 du 5 août 2020), le système d'information dédié au repérage à l'accompagnement et au suivi des jeunes décrocheurs est renforcé. Enfin, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a initié une campagne de communication ciblée à travers les réseaux sociaux (témoignage d'un jeune ayant décroché pendant le confinement, de sa famille ainsi que du chef d'établissement qui lui a permis de raccrocher) pour inciter les jeunes à recontacter leur établissement scolaire, le CIO ou la Mission locale dont ils dépendent.
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