Mme Albane Gaillot interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur le harcèlement et les violences en milieu scolaire dans le cadre de la journée de lutte contre le harcèlement à l'école qui a lieu ce 9 novembre 2017. Assurer le bien-être et la réussite de tous les élèves est l'objectif premier de l'école. Toutefois, des études sur le climat scolaire montrent que certains jeunes souffrent de situations de violences et particulièrement de harcèlement à l'école. Globalement, le harcèlement concerne 12 % des élèves du primaire et 10 % des collégiens, soit 700 000 élèves français qui seraient touchés quotidiennement dans leur établissement par des brimades, des moqueries, des mises à l'écart, voire des violences physiques. Le phénomène touche tous les établissements, petits ou grands, en ville comme à la campagne. Ces moqueries récurrentes prennent aujourd'hui des formes diverses : le harcèlement a souvent lieu en salle de classe, dans la cour de récréation mais aussi désormais sur internet via les réseaux sociaux, avec un harceleur qui git derrière son téléphone ou son ordinateur. Traiter l'autre de noms d'oiseaux, le menacer de mort, certains élèves estiment que « C'est pas grave, (que) ce sont des mots, des paroles ». Pourtant cela a une qualification juridique et il s'agit là d'un délit, avec une possible sanction qui peut atteindre plusieurs milliers d'euros et jusqu'à 18 mois de prison. Depuis 2013, le ministère de l'éducation nationale a développé une politique de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire pour sensibiliser, prévenir, former et prendre en charge le harcèlement en milieu scolaire. Aujourd'hui, de nombreuses initiatives pédagogiques, mises en œuvre par le ministère de l'éducation nationale, permettent aux élèves et équipes pédagogiques de briser la loi du silence. Depuis, selon une enquête internationale HBSC (Health behaviour in school-aged children), le harcèlement scolaire a diminué en France pour la première fois en 2016, avec une baisse de 15 %, entre 2010 et 2014, la diminution la plus importante concernant les élèves de sixième (- 33 %). Mais les efforts doivent se poursuivre. Cela doit passer notamment par la sensibilisation des personnels scolaires en général (équipe enseignante, agents de la cantine, etc.) mais aussi des élèves. Car bien souvent, les élèves touchés par le harcèlement n'ont pas le courage de réagir seuls. Il faut donc inciter les adolescents à parler du problème aux adultes. Aujourd'hui, la lutte contre le harcèlement scolaire doit être une priorité du ministère de l'éducation nationale, de l'énseignement supérieur et de la recherche. En effet, le harcèlement va à l'encontre des valeurs défendues par l'école : le respect de chacun, l'acceptation des différences, l'apprentissage de la citoyenneté. Elle souhaiterait donc connaître les axes prioritaires du Gouvernement afin de lutter contre le harcèlement et les violences en milieu scolaire.
Le harcèlement est un phénomène qui affecte encore un trop grand nombre d'enfants et d'adolescents dans notre pays. Il est important de prendre en considération des analyses fines sur la question du harcèlement, ainsi que les efforts déployés depuis plusieurs années par le ministère de l'éducation nationale, les académies, les écoles et établissements. Efforts auxquels il faut lier la diminution des phénomènes de harcèlement mesurée par l'enquête HBSC mentionnée. Effectivement, le harcèlement est un phénomène caractérisé par la répétition de violences verbales, physiques ou psychologiques d'un ou une élève, d'un groupe d'élèves, sur un ou une autre élève. Les usages du numérique peuvent également contribuer à amplifier et à faciliter ce phénomène : on parle alors de cyberharcèlement. Ces violences (avec ou sans leur dimension numérique) revêtent parfois une dimension sexiste ou une dimension sexuelle, ce qui doit être pris en compte dans une école qui travaille quotidiennement à l'égalité entre les filles et les garçons, au respect mutuel entre garçons et filles. Les études montrent bien que le harcèlement se manifeste indépendamment de la composition sociale des écoles et des établissements. Il affecte gravement une part plus importante de collégiens (7 % d'entre eux) que d'écoliers (5 %) et de lycéens (1,4 %). Les conséquences du harcèlement sont importantes sur le bien-être et la vie des élèves, elles sont parfois même dramatiques ; le harcèlement pèse également sur le climat scolaire qui règne au sein des écoles et des établissements, sur la qualité des relations entre les personnes, jeunes ou adultes, sur la confiance que nous nous devons d'instaurer entre tous les acteurs de la communauté éducative. Il faut également noter que le harcèlement se manifeste dans d'autres structures qui accueillent les enfants et les adolescents, et au-delà du lycée. Depuis plusieurs années, le ministère de l'éducation nationale s'est mobilisé et a mobilisé les académies, les écoles et les établissements contre le harcèlement. Sur un plan règlementaire, le code de l'Éducation prévoit la mise en place d'un plan de prévention des violences incluant un programme d'actions contre toutes les formes de harcèlement dans les établissements (R. 421-20, D. 411-2). À ces plans de prévention s'ajoutent la définition de protocoles de prise en charge des situations de harcèlement (même référence que pour plan de prévention). Chaque année, des événements nationaux contribuent à renforcer la prise de conscience collective sur le harcèlement, mais aussi à mobiliser les académies, les écoles et les établissements sur la question : la Journée nationale « Non au harcèlement ! », fixée le premier jeudi après les vacances d'automne, a mis l'accent cette année sur le rôle central des témoins au sein du processus de harcèlement et de leurs actions dans la prévention du phénomène. Le prix « Non au harcèlement ! », qui a impliqué en 2017 plus de 900 écoles, collèges et lycées, est reconduit pour la cinquième année consécutive. Ces projets offrent l'occasion d'engager une réflexion d'ensemble entre les élèves et les adultes sur les enjeux, de rappeler les valeurs de l'école et de participer concrètement à cette cause en réalisant collectivement un outil de sensibilisation. Le site « Non au harcèlement ! » rassemble les ressources et les liens utiles pour la prévention et la lutte contre le harcèlement, à destination des élèves, des familles et des professionnels, et les informations sont relayées sur la page Facebook « Non au harcèlement ! », suivie par près de 120 000 personnes. Le ministère a également mis en place des plateformes d'appel : le 30.20, un numéro gratuit d'écoute, de conseil et, éventuellement, de prise en charge des situations (transmission des éléments au référent académique ou départemental concerné, grâce à un outil sécurisé et validé par la CNIL ; le référent a ensuite mission de prendre contact avec l'interlocuteur et avec l'établissement concerné pour résoudre la situation). D'ailleurs, au regard des dernières études statistiques, la création de ce numéro simplifié, combinée à une plus grande amplitude horaire, semble avoir permis le traitement de davantage de situations sur les questions de cyberharcèlement, NetÉcoute (0800 200 000 ou www.netecoute.fr) offrent écoute et conseils aux personnes qui le sollicite. Pour accompagner les personnels, les sensibiliser, contribuer à leur formation, le ministère met également à leur disposition sur le site « Non au harcèlement » de très nombreux outils, qui ont été créés, puis approfondis et rénovés : guides, cahiers d'activité, vidéos et affiches adaptées à tous les âges, fiches conseils, plans de prévention types, protocoles de prise en charge des situations. Il faut saluer le travail réalisé par les académies dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le harcèlement. Cette mobilisation est générale, de nombreuses écoles et de nombreux établissements scolaires travaillent de concert avec les partenaires de l'École, que sont les parents, les associations, les collectivités territoriales. La coordination de ces actions est possible grâce au soutien et l'expertise des 310 référents académiques et départementaux répartis dans les 30 académies. Selon la dernière enquête, datant de 2016, on compte près de 1 500 formateurs et de 3 000 ambassadeurs lycéens qui organisent les actions de prévention et de sensibilisation au sein des unités d'enseignements. Les référents accompagnent également les équipes dans la mise en œuvre des protocoles de prise en charge et des plans de prévention par les unités d'enseignement. (circulaire no 2013-100 du 13-08-2013, prévention et lutte contre les violences en milieu scolaire). Depuis cette rentrée, le ministère met à la disposition des équipes un outil de mesure sous forme d'application, des enquêtes locales climat scolaire, qui vont permettre aux équipes d'établir un diagnostic partagé et développer les stratégies pour faire reculer le phénomène de harcèlement mais plus largement, interroger le fonctionnement de l'organisation scolaire afin que chaque personnel, chaque élève puisse évoluer dans un climat d'établissement de qualité. En termes d'apprentissages, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture impose de prendre en compte la formation de la personne et du citoyen dans le cadre de la scolarité obligatoire. Le parcours citoyen, le parcours éducatif de santé, l'éducation aux médias et à l'information, amènent à développer chez les élèves la responsabilité qu'ils ont à l'égard d'eux-mêmes et de leurs pairs, à l'égard du groupe, leur capacité d'attention et de soutien à autrui, la conscience du droit et des conséquences liées aux délits que constituent les violences. En termes de prévention, la qualité du climat scolaire au sein des écoles et des établissements constitue un levier essentiel contre l'apparition de violences et de harcèlement. La mission ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire a développé une approche qui consiste, pour améliorer le climat scolaire, à jouer sur différents leviers : les stratégies collectives, la justice en milieu scolaire, la coéducation et les relations avec les familles, les partenariats noués par les écoles et les établissements (par exemple avec la police ou la gendarmerie nationale, avec la justice, avec les associations), la prise en compte du bien-être et de la qualité de vie en milieu scolaire, la prévention des violences, et l'action éducative et pédagogique mise en place, y compris au sein des classes. Cette question reste au cœur des préoccupations du ministère de l'éducation nationale. Les objectifs sont clairs : faire reculer ce phénomène à tous les niveaux de la scolarité du jeune, dans le premier degré comme dans le second degré ; inscrire notre action dans la durée par une approche globale du climat scolaire qui doit questionner l'ensemble de l'organisation de la structure scolaire et son fonctionnement afin que chaque personnel et élève puissent évoluer positivement. Ces actions d'envergure doivent permettre la détection encore plus précoce de ces situations et l'assurance d'une meilleure prise en compte. La lutte contre le harcèlement repose sur un travail collectif, basé sur la confiance avec les familles et les partenaires de l'École afin de préparer une société fondée sur des relations sociales apaisées. Le ministère de l'éducation nationale se mobilise également dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, qui entretiennent des liens avec le harcèlement : les discriminations nourrissent parfois le harcèlement sexiste et sexuel en milieu scolaire. Par exemple, en ce qui concerne les cyberviolences, une enquête de septembre 2016 menée par le centre Hubertine-Auclert en Ile-de-France, auprès d'élèves scolarisés de la 5e à la 2nde montre que 20 % des filles (13% pour les garçons) rapportent avoir été insultées en ligne sur leur apparence physique (poids, taille ou de toute autre particularité physique). 17 % des filles (et 11 % des garçons) déclarent avoir été confrontées à des cyberviolences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéos ou textos envoyés sous la contrainte et/ou diffusés sans l'accord et/ou reçus sans en avoir envie. Cela concerne ainsi près de 3 filles et 2 garçons dans chaque classe. Aujourd'hui, la sociabilité des adolescents et adolescentes passe par la mise en scène et l'exposition de soi notamment via les réseaux sociaux. A travers la diffusion virale de selfies dénudés, les garçons gagnent en popularité, et les filles sont jugées de manière négative et insultées. Au sein de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), la prévention et la lutte contre les violences est notamment traité par la mission de prévention des discriminations et de l'égalité fille-garçon, par le bureau de la santé, de l'action sociale et de la sécurité, et par la mission de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire. L'éducation à la sexualité, contribue à la construction de la personne, à l'éducation du citoyen, ainsi qu'à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Elle doit permettre de sensibiliser et faire réfléchir les élèves à l'importance des notions de dignité, d'égalité, de respect mutuel, et leur faire prendre conscience, par exemple, que les propos sexistes instaurent un rapport de force qui peut conduire à d'autres formes plus graves de violences. De nombreuses ressources sont également diffusées auprès des professionnels. Par exemple, le guide "Comportements sexistes et violences sexuelles"(2016) rassemble des ressources pour aider les équipes éducatives des collèges et des lycées à mieux prévenir et agir face aux situations liées à des comportements sexistes, à des violences à caractère sexuel et à leurs conséquences. Ce guide a été réalisé par la DGESCO avec le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le"Guide de prévention contre les cyberviolences en milieu scolaire"(2016) accorde une place explicite aux violences sexistes et sexuelles, à leur prévention, et aux démarches à adopter lorsqu'elles se manifestent. Le site internet"Outils pour l'égalité entre les filles et les garçons" (Canopé) a pour objectif de rappeler les grands enjeux de la transmission, à l'école et par l'école, d'une culture de l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes. Il est conçu selon une approche transversale qui engage l'ensemble des disciplines enseignées et les actions éducatives qui les accompagnent. De nouvelles actions sont actuellement en préparation. Dans chaque académie, une ou deux personnes sont chargées de mission égalité filles-garçons. Cette mission consiste à coordonner la mise en oeuvre de la politique éducative en faveur de l'égalité entre les filles et les garçons à l'école, en relation avec la mission nationale "Prévention des discriminations et égalité fille-garçon"et les partenaires locaux (associations, entreprises, autres services de l'Etat). Ces référents travaillent le plus souvent en relation étroite avec les groupes académiques"climat scolaire", de manière à éviter les redondances et les outils, à mutualiser les approches, et à les inscrire dans une démarche globale d'éducation au respect d'autrui et de construction d'un climat de confiance.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.