Mme Bénédicte Taurine attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les révélations du consortium international des journalistes d'investigation. Ces paradise papers mettent en lumière un contournement systématique de l'impôt par les grandes entreprises et les citoyens les plus fortunés alors même que ces catégories sociales sont les grandes bénéficiaires du budget 2018 (flat tax, IFI). Le ministre considère à juste titre qu'il s'agit là d'une « attaque contre la démocratie ». En effet, les économistes des Nations unies chiffrent le manque à gagner de cette optimisation fiscale agressive (souvent légale) à 500 milliards de dollars. Pour la France, il s'agirait de 20 milliards de dollars (soit 18 milliards d'euros), l'équivalent des « efforts » que le Gouvernement demande aux Français et aux collectivités pour réduire le déficit public. Il se déclare aujourd'hui favorable à de nouvelles « sanctions ». Pourtant, la majorité présidentielle a rejeté en juillet 2017 un amendement visant à supprimer le verrou de Bercy quant aux poursuites pénales de fraudeurs. Des propositions sont aujourd'hui sur la table : rendre illégaux certains montages, interdire l'activité des banques dans les paradis fiscaux, créer un délit d'incitation à la fraude et l'évasion fiscale, interdire l'exercice d'un mandat social pour les dirigeants de société ayant exercé dans les paradis fiscaux, également, renforcer les moyens des services fiscaux pour qu'ils puissent rivaliser avec les fins stratèges de la fraude. Elle souhaiterait donc connaître plus précisément quelles sont les intentions du Gouvernement afin de faire cesser ce pillage et restaurer la justice fiscale.
La France figure parmi les États les plus actifs sur la scène internationale pour apporter des réponses aux défis soulevés par la fraude, l'évasion et l'optimisation fiscales au niveau mondial. Elle a ainsi activement participé aux travaux du G20 et de l'organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) en matière de lutte contre l'érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfice (BEPS -Base Erosion and Profit Shifting). Depuis l'adoption du plan BEPS par le G20 en 2015, la France en soutient une mise en œuvre la plus rapide et la plus large possible. Ainsi, la France a été l'un des 68 premiers pays à signer la convention multilatérale mettant à jour les conventions fiscales des mesures BEPS. A l'échelle de l'Union Européenne (UE), la France a été un acteur décisif au sein du Conseil de l'UE pour traduire en droit européen les avancées du projet BEPS de l'OCDE. A cet égard, les années 2016 et 2017 ont été marquées par l'adoption de quatre directives : la directive no 2016/881 du 25 mai 2016 dite « DAC 4 » imposant des exigences de transparence aux entreprises multinationales en mettant en place un échange automatique et obligatoire d'informations concernant les déclarations pays par pays conforme à la norme issue de BEPS ; la directive no 2016/1164 du 12 juillet 2016 dite « anti-optimisation » ou « ATAD » qui comporte des dispositifs, dans la ligne des recommandations du projet BEPS, relatifs à la déductibilité des intérêts d'emprunt, aux sociétés étrangères contrôlées et aux situations hybrides (différences de qualifications juridiques nationales conduisant à une réduction ou à une absence d'imposition) intra-UE ; la directive no 2017/952 du 29 mai 2017 dite « ATAD 2 » complétant la directive ATAD concernant les relations hybrides avec les États et territoires tiers à l'UE ; la directive no 2017/1852 du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l'UE, conforme à la norme issue de BEPS. En matière de transparence fiscale, des progrès ont été accomplis par le biais du renforcement des standards internationaux, comme l'échange automatique d'informations à des fins fiscales auquel se sont engagés à participer à ce jour plus de 100 États et territoires dans le monde. Déployée pour la première année en 2017, cette norme mondiale permet à l'administration fiscale de disposer d'informations sur les comptes financiers détenus par des contribuables français auprès d'institutions financières à l'étranger. De plus, afin de mieux lutter contre les pratiques d'optimisation agressive au sein de l'UE, la France a soutenu l'adoption rapide de la proposition de directive, modifiant la directive no 2011/16/UE, sur l'échange automatique d'informations dans le domaine fiscal des montages transfrontaliers devant faire l'objet d'une déclaration obligatoire, dite « DAC 6 ». Cette proposition a fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil pour les affaires économiques et financières, aussi appelé ''Conseil ECOFIN", du 13 mars 2018. En outre, l'UE s'est dotée lors du Conseil ECOFIN du 5 décembre 2017 d'une liste des États et territoires non coopératifs en matière fiscale. Cette liste, sur laquelle figurent désormais 9 États et territoires, a été mise à jour au 23 janvier 2018 puis au 13 mars 2018. Elle se fonde sur des critères de transparence qui se réfèrent aux standards internationaux, mais aussi sur des critères relatifs à la fiscalité dommageable. Elle prend également en compte l'engagement à mettre en œuvre les standards du projet BEPS. La France, qui a soutenu cette démarche et œuvré à l'établissement de la liste, souhaite que les listes du G20 et de l'UE s'accompagnent de mesures défensives coordonnées et efficaces à l'encontre des États et territoires qui y figurent. Il sera d'ailleurs prochainement proposé au Parlement, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, d'intégrer la liste européenne à la liste française. L'harmonisation fiscale européenne, à la fois des règles d'assiette et de taux, constitue également un enjeu fondamental pour le Gouvernement afin de mettre un terme aux pratiques d'optimisation et de concurrence fiscales déloyales. Ainsi, la France participe activement aux travaux du Conseil sur les propositions de directives présentées le 25 octobre 2016 par la commission relatives à l'assiette commune et consolidée de l'impôt sur les sociétés. La France a également accordé une grande attention aux travaux de la commission temporaire d'enquête sur le blanchiment de capitaux, l'évasion fiscale et la fraude fiscale du Parlement européen. La recommandation adoptée le 13 décembre 2017 par le Parlement européen à l'intention du Conseil et de la Commission à la suite de cette enquête a été saluée par le Gouvernement. Enfin, au niveau national, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude déjà mentionné proposera au Parlement de renforcer les moyens des administrations pour mieux détecter et appréhender la fraude mais aussi de sanctionner plus lourdement. A ce titre, le Gouvernement proposera notamment le développement de la police fiscale mais également que puissent être sanctionnés les tiers complices de fraudes fiscales ou sociales.
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