M. Ugo Bernalicis attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le devenir de la politique de développement des aménagements de peine et des alternatives à l'incarcération, suite à la présentation par M. le Premier ministre, Édouard Philippe et Mme la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, le 6 octobre 2017 à Nantes des chantiers de la justice. L'ensemble des acteurs de la chaîne pénale et en premier lieu les juges d'application des peines, les conseillères et conseillers pénitentiaires d'insertion et de la probation, mais aussi l'ensemble des partenaires associatifs craignent la mise en œuvre de la promesse du candidat Emmanuel Macron selon laquelle « toute personne condamnée à une peine de prison ferme inférieure ou égale à 2 ans devra être effectivement incarcérée avant que ne soient envisagées des mesures d'aménagement de cette peine. Le principe de l'automaticité de l'examen de l'aménagement de peine sera donc supprimé ». Cette proposition, qui vise à supprimer les possibilités offertes par l'article 723-15 du code de procédure pénale, est tout d'abord un non-sens historique puisque la loi pénitentiaire de 2009 consacre l'évolution constante des politiques pénitentiaires selon laquelle l'emprisonnement ne doit être qu'une sanction de dernier recours en matière correctionnelle, privilégiant même pour les situations de peine de moins de deux ans de prison (un an en cas de récidive) l'exécution sous la forme d'un aménagement de peine (libération conditionnelle, semi-liberté, placement à l'extérieur ou sous surveillance électronique). Il s'agit d'un affichage sécuritaire du candidat d'alors, mais que le Président d'aujourd'hui ne peut décemment maintenir, parce que sa conséquence directe serait purement irresponsable et socialement désastreuse : augmentation massive du nombre de personnes en détention, alors que la capacité carcérale des maisons d'arrêts est déjà à saturation. Mais plus grave encore, sur le fond une telle proposition conduit à freiner drastiquement le développement des aménagements de peine et tout particulièrement à destination des personnes condamnées à des courtes peines, qui composent la part la plus importante de la population carcérale actuelle et pour lesquelles la solution carcérale n'est bien souvent pas adaptée. Au contraire, et en mettant à part les arguments purement économiques relatifs aux coûts de ces mesures, les politiques visant au développement des aménagements de peines et des alternatives à l'incarcération sont les plus efficaces pour lutter contre la récidive et donc présentent plus de garanties en termes de sécurité publique que les politiques carcérales visant à l'enfermement systématique. Mme la garde des Sceaux sait pertinemment que cette proposition présidentielle est rétrograde en ce sens qu'elle vise à rétablir la prison comme mode de sanction. Or il est loin le temps d'une justice pénale uniquement rétributive, digne du Moyen Âge. Au contraire il faut une politique de développement des aménagements de peines et d'alternatives à l'incarcération avec de véritables moyens budgétaires et humains, axée sur le parcours d'exécution des peines, faisant de ces mesures la réponse la plus efficace pour lutter contre la récidive et donc d'assurer la sécurité. Ainsi, alors qu'elle annonce la création d'un chantier sur le sens et l'efficacité des peines dont les référents sont Bruno Cotte et Julia Minkowski, il lui semble indispensable d'affirmer fermement que cette mesure, inefficace pour faire reculer la récidive et qui va à l'encontre de la sécurité des concitoyens, ne sera pas mise en application.
Le projet de loi de programmation et de réforme pour la Justice adopté par le conseil des ministres du 20 avril 2018 se fonde sur trois idées essentielles : l'inefficacité des courtes peines d'emprisonnement, la nécessité de décentrer notre système pénal de la peine de référence que serait la privation de liberté, et la nécessité d'exécuter les peines de prison effectivement prononcées par la Justice. Ainsi, le projet prévoit que les peines de prison inférieures ou égales à un mois seront désormais proscrites et le principe d'une exécution hors la prison sera posé pour les peines d'emprisonnement de 1 à 6 mois. Une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, d'une durée maximale d'un an, sera également créée pour permettre au juge correctionnel de prononcer une peine de détention qui s'exécute dans la communauté. Ainsi, l'exécution de la peine d'emprisonnement ferme dans le cadre d'un aménagement de peine prononcé dès l'audience correctionnelle, telle que la mesure de semi-liberté, permettra à la personne condamnée de se mobiliser sur des démarches de réinsertion et d'éviter une incarcération aux effets désocialisants. Le projet de loi prévoit également la création d'une nouvelle mesure probatoire : le sursis probatoire, fusionnant la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve, avec pour but de proposer au juge correctionnel de prononcer une peine de probation ambitieuse et individualisée. Composé d'obligations, d'interdictions et de mesures de contrôle avec des évaluations régulières du risque de récidive par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, ce sursis probatoire permettra aux personnes placées sous main de Justice (PPSMJ) de bénéficier d'un plan d'accompagnent et d'intervention adapté à sa personnalité. Ainsi que l'a souhaité le Président de la République, la peine de travail d'intérêt général sera dynamisée, grâce à la création prochaine d'une agence. Ce projet de loi ne remet pas en cause la politique de développement des aménagements de peines et des alternatives à l'incarcération car les autorités judiciaires pourront toujours, et dans les mêmes conditions qu'auparavant, prononcer d'autres peines que l'incarcération mais c'est le tribunal qui décidera du caractère aménageable de la peine, si elle est inférieure à un an, avant sa mise à exécution, la possibilité d'aménagement de peine postérieurement à l'incarcération restant offerte au juge d'application des peines. Ce projet de loi place les services d'insertion et de probation (SPIP) au cœur de la réforme et de la prise en charge des PPSMJ, renforçant leur mission de suivi et d'évaluation de ces personnes, et favorisant leur autonomie pour adapter les mesures d'aménagement de peine prises par le juge correctionnel à la personnalité de la PPSMJ, afin de mieux prévenir le risque de récidive. Dès lors, le projet de loi prévoit d'accroitre les moyens humains de ses services avec la création de 1500 emplois de personnels d'insertion et de probation sur les quatre ans à venir.
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