M. Éric Coquerel alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les arrestations arbitraires de plusieurs membres de la société civile au Niger. Lors de la matinée du 15 mars 2020, la police nigérienne a en effet procédé à une série d'interpellations et d'arrestations lors d'une manifestation à Niamey dénonçant des détournements de fonds lors de l'achat de matériel militaire. Cette manifestation a été interdite la veille par le gouvernement sous prétexte de lutte contre l'épidémie de coronavirus (alors que le pays compte très peu de cas par ailleurs), sans que cela ne soit notifié aux organisateurs, et les affrontements ont fait plusieurs morts. De nombreux responsables de Tournons la page Niger, organisateurs des mobilisations citoyennes, ont par la suite été interpellés et détenus. Cette vague d'arrestations arbitraires n'est pas la première : sous la présidence d'Issoufou Mahamadou, on notait déjà en 2018 l'arrestation arbitraire de Nouhou Arzika et Moussa Tchangari, qui en plus d'avoir été interpellés récemment, ont subi plus de 4 mois de détention arbitraire en 2018. Un autre interpellé, M. Maikoul Zodi, avait aussi été interpellé en avril 2018 dans le cadre d'une mobilisation contre le projet de loi de finances du gouvernement et subi 8 mois de détention arbitraire. Ces exemples ne sont malheureusement pas exhaustifs tant l'opposition sociale est victime de la répression. Pour toutes ces raisons, il lui demande quelles dispositions il compte mettre en œuvre afin de faire entendre la voix de la France sur ces violations de libertés, afin de les condamner et d'exercer une pression internationale pour libérer les personnes détenues arbitrairement.
La question de l'équilibre entre santé publique et respect des libertés fondamentales est cruciale dans le cadre de la pandémie que nous traversons. Cette dernière ne saurait servir de prétexte à un affaiblissement des libertés individuelles, où que ce soit. La défense des droits humains et le soutien à la société civile figurent parmi les priorités de notre partenariat avec le Niger. Ces sujets sont traités de manière régulière, et au plus haut niveau, dans notre dialogue bilatéral. En tant que cheffe de file des partenaires internationaux sur la thématique « justice et droits humains », la France préside par ailleurs chaque année une réunion de concertation avec les autorités nigériennes. Ces enjeux bénéficient aussi du soutien de la coopération française. Nous le faisons, notamment, à travers un soutien financier au profit de 17 organisations de la société civile nigériennes qui défendent la cause des femmes, ou encore via le dispositif d'appui aux organisations de la société civile de l'Agence française de développement (AFD). Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a appuyé, fin 2018, la remise du prix Droits de l'Homme de la République au mouvement « Tournons la page » au Niger. La France soutient également plusieurs initiatives visant à améliorer la transparence, élément clé de l'indispensable redevabilité des pouvoirs publics comme de l'amélioration de la gouvernance. Outre l'appui apporté par l'AFD à la réforme des finances publiques, la France a apporté et continue d'apporter son soutien pour la réintégration officielle du Niger au sein de l'Initiative pour la transparence des industries extractives, approuvée le 20 février dernier. Dans le contexte particulier de crise sanitaire que nous traversons, les autorités nigériennes ont mis en place, comme ailleurs, des mesures préventives pour pallier les fragilités du système de santé. Dès le 13 mars, le gouvernement interdisait les rassemblements d'au moins 1000 personnes. Lors de son discours à la Nation du 17 mars, le Président Issoufou a annoncé des mesures supplémentaires, similaires à celles qui ont été prises en Europe. Ces décisions, malgré la contrainte qu'elles représentaient sur le plan social et économique, ont fait l'objet d'un consensus dans la classe politique nigérienne. D'autres décisions ont été prises après la détection des premiers cas dans le pays, comme la libération de plus de 1500 détenus le 30 mars, dont Hama Amadou, l'un des dirigeants de l'opposition nigérienne, que la France a d'ailleurs longtemps accueilli pour raisons humanitaires. La France, attachée aux principes inhérents à la démocratie et aux droits de l'Homme, restera vigilante quant au respect des libertés individuelles et continuera, dans les instances multilatérales, comme dans ses relations bilatérales, à défendre ces principes.
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