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Éric Coquerel
Question N° 28666 au Ministère auprès du ministre de l’intérieur


Question soumise le 21 avril 2020

M. Éric Coquerel alerte M. le ministre de l'intérieur sur la fermeture des centres de rétention administrative. Le week-end du 11 avril 2020, une révolte avait eu lieu au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (77). Les prisonniers réclamaient des conditions sanitaires décentes dans le centre et leur libération. Des effectifs de CRS y sont alors intervenus dimanche 12 avril 2020. M. le député a alors fait valoir son droit de visite de parlementaire pour s'y rendre sur place le lundi 13 avril 2020. Depuis une précédente visite, en 2018, la situation n'a pas beaucoup évolué. Seulement, le nombre de retenus a chuté considérablement du fait des risques épidémiques, notamment les familles retenues sur place. Dimanche 12 Avril 2020, ils étaient 52, dont deux femmes, contre plus de 120 en temps habituel. Le lendemain, ils n'étaient plus que 45 puisque suite à leur révolte, sept d'entre eux avaient été transférés dans d'autres centres. Jeudi 9 avril 2020, lors de la mission d'information sur le coronavirus, à la question du député Pancher sur la fermeture des CRA en pleine épidémie, M. le Ministre de l'Intérieur a répondu que ce n'était « pas souhaitable » car y restaient surtout des retenus sortant de prison et que les conditions sanitaires étaient respectées. En l'occurrence, cette affirmation est fausse. Plusieurs des détenus rencontrés le 13 avril 2020 n'étaient pas en prison avant : ils ont été arrêtés dans la rue depuis le début du confinement et, sans papiers, envoyés au centre. C'est notamment le cas du réalisateur roumain Gabriel Alexandrescu qui vit et travaille en France depuis des années et à qui M. le député a pu parler. C'est la preuve que, durant l'épidémie, des personnes non régularisées continuent à être contrôlées et envoyées dans des CRA. Cet élément a d'ailleurs été confirmé sur place par un fonctionnaire de police. De plus, les personnes qui viennent de prison, où ils purgeaient souvent des peines courtes, ont accompli leur peine. Dans une autre situation, ils auraient retrouvé toute leur liberté. Ils subissent donc au CRA une double peine, en attente d'une éventuelle expulsion si leur recours n'aboutit pas. Mais pour tous, il s'agit d'une peine bien plus grave : le risque d'être contaminés. Car les conditions sanitaires ne sont pas de nature à lutter contre d'épidémie. Les toilettes et douches sont dans un état de délabrement avancé ; les salles communes, pour regarder la télévision par exemple, ne permettent aucun protection ; les robinets, qui sont les seuls accès à l'eau, sont propices à la contamination. Aucun détenu ne dispose de masques, de gel hydroalcoolique, de gants. Si le coronavirus pénètre dans les lieux (plusieurs personnes étaient malades le lundi avec des symptômes inquiétants sans qu'il ne soit possible de déterminer s'ils étaient atteints par la maladie), il ne pourra que se répandre parmi les prisonniers. Les fonctionnaires de police présents ne disposent pas non plus de protection. Eux aussi sont donc soumis à des risques forts de contamination. Cette situation est clairement en contradiction avec le confinement. Qu'ont fait ces personnes pour être retenues dans ces conditions et courir autant de risques ? Beaucoup vivent et travaillent en France et n'ont commis pour seule faute que ne pas être en situation régulière. Rien qui justifie un tel risque pour eux et, par ailleurs, les policiers qui les gardent. La situation est d'autant plus dramatique qu'aucun avion n'est prévu avant longtemps pour expulser quiconque. Les retenus demandant donc simplement à pouvoir rentrer se confiner chez eux. Tout indique que la situation est comparable dans d'autres centres de rétention. On a notamment dénombré quatre cas de covid-19 à Vincennes. Dans ces conditions, il lui demande donc quelles mesures il compte entreprendre afin de prendre la seule décision à la fois humaine et logique : fermer le plus rapidement ces centres durant l'épidémie de covid-19.

Réponse émise le 29 septembre 2020

En ce qui concerne la rétention et les conditions de celle-ci, la situation épidémique a été prise en compte afin de préserver au maximum les centres de rétention administrative (CRA) d'une diffusion du covid-19. À cet effet, des instructions très fermes ont été adressées aux chefs de centre afin que les gestes barrières soient strictement respectés par les policiers, les intervenants en CRA ainsi que les prestataires. De même, afin de sensibiliser les retenus à l'application stricte de ces gestes barrières, des instructions ont été traduites en six langues (anglais, chinois, russe, espagnol, portugais et arabe) et affichées dans tous les CRA. Enfin, en cas de présence d'une personne présentant les symptômes évocateurs du covid-19, des règles de prise en charge de la personne sont établies, en lien avec les autorités sanitaires et ont fait l'objet d'un protocole sanitaire dès le 17 mars 2020. La capacité d'accueil des centres de rétention favorise le respect de ces consignes et permet l'isolement de personnes symptomatiques. Depuis le 17 juillet 2020, ce protocole a été actualisé pour tenir compte de la sortie de l'état d'urgence sanitaire tout en assurant la sécurité sanitaire des personnes retenues, des intervenants et des policiers. En ce qui concerne les incidents du CRA du Mesnil-Amelot les 11 et 12 avril 2020, des personnes retenues ont en effet refusé de réintégrer leurs chambres dans la soirée du 11 avril. Le 12 avril, à l'issue de discussions avec la direction du CRA, les personnes en cause ont mis fin à leur mouvement, sans aucun usage de la force. C'est dans la perspective de leur éloignement que ces personnes sont retenues. Dès lors, le placement ou le maintien en rétention doivent résulter d'une appréciation au cas par cas en fonction de la situation de la personne retenue, mais aussi au regard de la possibilité prévisible de procéder à son éloignement avant le terme de la rétention. À cet égard, un certain nombre de reconduites continuent d'être assurées. Depuis le 17 mars 2020, l'activité des CRA se maintient, avec 399 étrangers ayant été éloignés à destination de leur pays d'origine. Enfin, saisi en référé, le Conseil d'État a rejeté le 27 mars 2020 une requête tendant à obtenir la fermeture des CRA, considérant notamment que des possibilités d'éloignement demeuraient et que les conditions de rétention étaient compatibles avec les prescriptions sanitaires de lutte contre le virus, compte tenu des dispositions prises par l'administration.

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