Mme Josette Manin attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les inquiétudes légitimes quant à la survie des entreprises et la pérennité des emplois relevant des principaux secteurs économiques des régions ultramarines (hôtellerie et tourisme, industries locales et artisanat, entreprises de services et de distribution) pendant l'épidémie de covid-19. Du fait des spécificités des territoires telles que l'insularité, l'éloignement avec l'Hexagone, les conditions météorologiques tropicales ou encore l'étroitesse du tissu industriel local, les effets de cette crise seront plus importants et impactants pour l'économie. Les conséquences actuelles et futures de cette crise sanitaire et économique suscitent de nombreuses questions quant aux réponses et aux différents mécanismes que comptent mettre en place les institutions européennes, en faveur des régions ultrapériphériques françaises. En l'espèce, la programmation actuelle (2014-2020) et à venir (2021-2027) des fonds européens structurels d'investissement sera cruciale pour amortir les effets de cette crise. Le montant des fonds européens auxquels sont éligibles les 272 régions de l'UE est arbitré sur la base du classement de ces dernières en trois catégories distinctes : « peu développées », « en transition » et « développées ». Ce classement permet ensuite à la Commission européenne de fixer le niveau de sa participation financière sur les projets de ces mêmes régions. Jusque-là les RUP françaises étaient des régions « peu développées ». Il est d'ores et déjà acquis que La Réunion deviendra une région « en transition » et il existe un risque sérieux que la Martinique bascule aussi dans cette catégorie. Alors que la France est désormais entrée en récession économique, si l'on se fie aux dernières estimations (PIB national) de la Banque de France, il semble important de privilégier les mesures suivantes pour maintenir et relancer l'investissement, la productivité et la consommation locale, dans les RUP françaises : garantir la continuité du paiement des aides européennes (formalités administratives, logistiques, techniques et règlementaires) gérées par l'État et les régions ; réorienter massivement le Fonds européen de développement régional (FEDER), avec le concours des régions, vers des aides directes aux entreprises dans l'optique de les accompagner lors de la phase de reprise post-crise covid-19 ; avoir la garantie que l'État pèsera de tout son poids pour que la Commission européenne (DG Régions) maintienne la Martinique et l'ensemble des régions ultrapériphériques françaises en tant que régions « peu développées » en vue de la programmation 2021-2027 des Fonds européens structurels et d'investissement (FESI) ; négocier un nouvel accord de partenariat économique avec les pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP) favorisant des échanges commerciaux et économiques plus étroits entre les régions ultrapériphériques françaises et ces derniers, qui soient plus conformes à leurs besoins réciproques. Mme la députée formule le vœu que ces propositions soient mises en œuvre en concertation avec les exécutifs régionaux et les partenaires socio-économiques des territoires concernés. Elle lui demande s'il est prêt à défendre ces propositions auprès de l'Union européenne, qui ont déjà fait l'objet d'un courrier en direction de son ministère.
La Commission européenne doit présenter, au printemps 2022, une stratégie renouvelée pour les régions ultrapériphériques (RUP) de l'Union européenne (UE), qui devrait mentionner des mesures supplémentaires pour soutenir la relance, la croissance et la résilience durables dans ces régions, dans un contexte où les premières évaluations d'impact de la crise font état d'une contraction du PIB de 10 % en moyenne en Outre-mer. En janvier 2021, la France a proposé à la Commission un mémorandum en vue de cette stratégie pour les RUP. Les pistes de ce mémorandum auront été élaborées avec les RUP françaises, mais également avec l'Espagne, le Portugal et leurs régions ultrapériphériques. En 2014-2020, près de 5,2 milliards d'euros ont été alloués aux régions ultrapériphériques au titre des crédits européens. Ce montant comprend 2,6 milliards pour le Fonds européen de développement régional (FEDER), 1,4 milliard pour le Fonds social européen (FSE), 1,1 milliard pour l'instrument REACT-EU, qui s'étale sur la période 2021-2023 en réponse à la crise du Covid, 438 millions pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et 884 millions pour le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). En 2021, l'UE a amorcé une nouvelle période de programmation pluriannuelle pour sept ans. Les règles relatives aux fonds européens pour la période 2021-2027 sont établies dans les règlements FSE+, FEDER ou la coopération territoriale européenne (Interreg). Les règles relatives à la période 2021-2027 conservent les deux objectifs en cours du FEDER : l'investissement pour l'emploi et la croissance, et la coopération territoriale européenne. En parallèle aux montants affectés au titre du FEDER et du FSE+, les régions ultrapériphériques bénéficient aussi, dans le domaine de l'agriculture, des programmes POSEI (programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité), financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), et des programmes spécifiques FEADER et FEAMPA. Pour cette nouvelle programmation, l'UE conserve son soutien aux régions ultrapériphériques. Ainsi, au cours de la période 2021-2027, 3,45 milliards d'euros seront consacrés aux fonds FEDER (3,08 milliards) et FSE (1,4 milliard) pour l'ensemble des régions ultrapériphériques. La coopération territoriale européenne englobera également un nouvel objectif appelé "coopération impliquant les régions ultrapériphériques". Il favorisera notamment l'intégration et le développement homogène des RUP dans leurs régions respectives. Le budget de ce volet s'élevait à 168 millions d'euros pour le programme 2014-2021. Pour la période 2021-2027, une enveloppe importante de 159 millions d'euros est maintenue. Pour ce qui est de la classification des régions ultrapériphériques, dans le domaine de la politique régionale, les RUP françaises sont considérées comme régions "les moins développées". Pour la période 2021-2027, seule la Martinique est considérée comme région "en transition". Le statut de région ultrapériphérique leur permet de bénéficier des subventions du FEDER et du FSE+. En outre, le taux de cofinancement des programmes pour ces régions est fixé à un maximum de 85%. Aussi, la Martinique conserve les critères dérogatoires des régions ultrapériphériques, même en basculant dans la catégorie des régions en transition. D'autres allocations ou financements au bénéfice des régions ultrapériphériques sont prévus. L'allocation spécifique destinée à compenser les surcoûts liés à leur éloignement, instaurée dans le cadre du FEDER, a été étendue à partir de 2021 dans le cadre du FSE+. Ainsi, la distribution de ce que l'on connaît sous le nom "d'allocation spécifique pour les RUP" sera mise en œuvre grâce à une aide de 40 euros par habitant et par an, pendant les sept années du cadre financier pluriannuel. Les RUP bénéficient aussi d'un grand nombre d'autres programmes financés par l'UE dans des domaines aussi variés que la protection de l'environnement (programme LIFE) et de la biodiversité (initiative BEST), la gestion des flux migratoires ou encore l'innovation (programme Horizon 2020). La méthode de répartition communautaire des enveloppes repose sur plusieurs critères : le produit intérieur brut, le niveau de chômage ou encore la contribution à l'objectif de réduction des gaz à effet de serre. La France a fait le choix de calculer les enveloppes pour permettre à chaque territoire de bénéficier des crédits européens dont elle disposait dans la période précédente. Sans attendre la répartition des enveloppes régionales, les autorités nationales de coordination réalisent une série d'études dont l'objectif premier est l'analyse des freins et des blocages à la mise en œuvre ayant entraîné une sous-consommation des crédits pour la période 2014-2020, ce qui permettra d'établir des préconisations pour la période 2021-2027. Le choix de projets structurants financés dans les régions ultrapériphériques pour la période 2021-2027 reviendra aux autorités de gestion désignées pour la mise en œuvre des différents fonds. Ces choix seront faits en cohérence avec le diagnostic territorial, partagé avec le partenariat local, préalable à l'établissement de la prochaine génération des programmes opérationnels et en lien avec le contrat de convergence et de transition du territoire.
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