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Jean-Pierre Vigier
Question N° 29193 au Ministère de l’économie


Question soumise le 5 mai 2020

M. Jean-Pierre Vigier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances concernant la nécessité de fixer un taux minimum de production française et européenne des produits de première nécessité. En effet, la pandémie de covid-19 qui touche actuellement la France et le monde entier soulève de réelles interrogations sur la possibilité de l'État à pouvoir protéger ses citoyens dans une telle situation de crise sanitaire. Cette crise met en lumière la dépendance du pays en matière de production et d'approvisionnement des produits médicaux de première nécessité tels que les masques et les respirateurs, essentiels pour faire face à cette pandémie. Par conséquent, à l'issue de cette crise il conviendra de dresser le bilan, notamment en terme de dépendance économique avec d'autres pays comme la Chine, afin de ne pas commettre les mêmes erreurs. Ces situations pourraient se reproduire dans les années à venir et s'amplifier, mais aussi prendre une toute autre forme affectant différents secteurs essentiels à la survie des Français comme l'alimentation. C'est pourquoi la France doit être en état de produire suffisamment de produits dits de première nécessité - c'est-à-dire indispensables à la vie humaine (produits alimentaires, d'hygiène et de santé essentiels au quotidien de tous) - notamment dans les secteurs de la santé et de l'agroalimentaire. Il est impératif de pouvoir répondre à une demande importante et instantanée des citoyens et des organismes de santé, sans risque de pénurie possible dans ces deux secteurs vitaux. Ainsi, il lui demande si au moins 75 % de la commande publique française dans les secteurs de la santé et de l'alimentation, produisant des produits de première nécessité, peut être réservée aux entreprises européennes, dont au moins 50 % aux entreprises françaises.

Réponse émise le 7 septembre 2021

L'attribution de contrats de la commande publique sur le fondement de critères liés à l'origine des produits ou à l'implantation des entreprises candidates pour des fournitures courantes telles que les produits de santé ou les produits alimentaires est contraire aux principes fondamentaux de la commande publique, qui résultent des traités et des directives européennes. Toute modification du droit de la commande publique ayant pour objet de réserver une partie de la commande publique à des entreprises françaises serait inconventionnelle, en ce qu'elle constituerait une atteinte à la liberté de prestation et à la non-discrimination, qui trouvent leur pendant dans les principes constitutionnels de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement. Il en est de même en ce qui concerne une réservation au bénéfice des entreprises françaises et européennes. Les accords en matière d'accès aux marchés publics de l'Union européenne, qui imposent de traiter de manière équivalente les entreprises et produits européens et ceux des États tiers signataires de tels accords, ne prévoient en effet pas de limitation ou d'exception pour les produits de santé et d'alimentation de première nécessité. Les marchés publics ne peuvent ainsi pas être réservés à des entreprises françaises ou implantées sur le sol national, à l'exception des marchés pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l'État l'exige, qui sont couverts par l'exception de l'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que transpose l'article L. 2512-3 du code de la commande publique.  Le respect de ces principes garantit toutefois réciproquement aux entreprises françaises, aux produits et aux services français, l'accès à l'ensemble du marché européen, ainsi qu'aux marchés des partenaires de la France. Par ailleurs, le droit de la commande publique permet la mise en œuvre de politiques d'achat public favorisant le développement économique et l'innovation des entreprises françaises et européennes et notamment des PME. Les acheteurs publics peuvent, en outre, formuler leurs besoins selon des spécifications techniques et des conditions d'exécution qui visent à promouvoir les offres de qualité, protectrices de l'environnement ou innovantes, domaines dans lesquels les entreprises françaises et européennes proposent des offres compétitives. Ils doivent prendre en compte les objectifs de développement durable, et peuvent imposer des conditions d'exécution des marchés en ce sens. Ils peuvent aussi, lorsque le besoin le justifie, par exemple pour certains produits stratégiques du secteur de la santé, imposer des obligations contractuelles en matière de sécurité des approvisionnements qui maximiseront les chances des entreprises fabriquant en Europe d'emporter ces marchés. Ils peuvent, au surplus, prévoir des critères d'attribution des marchés qui valorisent les offres remplissant le mieux ces exigences, plutôt que le critère prix qui favorise les productions originaires de pays à bas salaires. C'est le sens des mesures portées par le gouvernement depuis le début du quinquenat. Des dispositions législatives et règlementaires ont été introduites pour donner des outils nouveaux aux acheteurs publics et faciliter l'accès à la commande publique de toutes les entreprises, notamment les PME, les start-ups innovantes et les acheteurs de l'insertion. Pour rééquilibrer les conditions d'exécution financière des marchés publics, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et transformation des entreprises, dite loi PACTE, a interdit les ordres de service à zéro euro. Des mesures de simplification pour les marchés en dessous de certains seuils ont élé prises, le dispositif des achats innovants a été développé, les avances dans les marchés publics, notamment au bénéfice des PME, ont été renforcées. Le lancement par le ministère de l'économie et des finances en juillet 2019 des travaux sur les cahiers des clauses administratives générales vise en outre à généraliser l'intégration de clauses sociales et environnementales dans la commande publique. La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplificiation de l'action publique, dite loi ASAP, a pour sa part modifié les seuils des marchés publics pour accélérer la réalisation des marchés de travaux dans le contexte de la relance et encore renforcé l'accesibilité de ces marchés aux PME. Plusieurs parlementaires ont clairement exprimé le souhait de poursuivre ce travail pour faire de la commande publique un véritable levier du plan "France Relance". Dans le même esprit, la Convention citoyenne pour le climat invite à davantage prendre en compte des critères envrionnementaux dans la commande publique. Enfin, l'allotissement facilite l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique, et en particulier des entreprises françaises et européennes. Les dispositifs de soutien à l'investissement industriel de France Relance, notamment l'appel à projets « Relocalisation – secteurs stratégiques » doté d'une enveloppe de 600M€, ont permis un soutien ciblé à des projets qui permettent de réduire certaines dépendances aux importations extra-européennes dans des secteurs critiques. A ce jour, dans les industries de santé, l'appel à projets a permis de relocaliser des projets couvrant l'ensemble de la chaîne de valeur pour la fabrication de tests PCR (allant du réactif à la machine en passant par les consommables), ainsi que des projets permettant la production de 18 molécules parmi les 30 identifiées comme prioritaires pour lutter contre la Covid, au sein des 7 familles de molécules essentielles définies par les autorités sanitaires (notamment les curares utilisés en réanimation et les antibiotiques). Dans les industries agroalimentaires, des entreprises ont été soutenues, sur le segment des protéines végétales et des nouvelles sources de protéines alternatives (dont les farines d'insectes) à destination de l'alimentation animale. Leur production prévisionnelle permettra déjà de résorber environ 5% de notre dépendance nationale aux importations extra-européennes (en tourteaux de soja principalement, largement importés du Brésil).

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