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Sira Sylla
Question N° 29443 au Ministère de la culture


Question soumise le 12 mai 2020

Mme Sira Sylla alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur la mise en liquidation judiciaire de Paris-Normandie, titre de presse quotidienne régionale normand. Le journal est en proie à des difficultés financières depuis plusieurs années mais la crise du covid-19 a brutalement accentué le problème. Le tribunal de commerce de Rouen, qui a prononcé la liquidation judiciaire avec prolongement de trois mois de l'activité, a donné jusqu'au 22 mai 2020 au journal pour trouver un repreneur. À défaut, le quotidien pourrait purement et simplement disparaître. Ce sont ainsi près de 240 salariés qui verraient leur avenir remis en question. Créé en 1947, Paris-Normandie s'est inscrit, dès sa naissance, dans la philosophie des ordonnances sur la presse des 22 et 26 août 1944 prises par le gouvernement provisoire de la République française. Ces ordonnances mirent fin à la censure du régime de Vichy et définirent des critères moraux, économiques et financiers pour assurer à la presse une indépendance vis-à-vis des puissances d'argent, pour que la presse devienne un objet d'information et de culture. Il ne faut jamais oublier que la Société normande de presse, première gestionnaire de Paris-Normandie, était composée de 36 représentants issus des mouvements de la Résistance. Paris-Normandie fait ainsi partie intégrante du patrimoine culturel et démocratique. Si Paris-Normandie venait à disparaître, il ne subsisterait plus que La Presse de la Manche pour représenter la presse quotidienne régionale en Normandie. Va-t-on laisser presque trois millions de citoyens normands sans média quotidien de proximité ? Ce serait une atteinte grave à la diversité et au pluralisme des sources d'information des citoyennes et citoyens et, plus encore, un renoncement aux idéaux de la Libération de 1944. Paris-Normandie, ce sont deux sociétés (la Snic et la RNP, régie publicitaire) et près de 240 salariés qui risquent de se retrouver sans emploi. Le coup sera rude pour ces salariés et leurs familles. Il n'épargnera par ailleurs pas le tissu économique normand en ce que de nombreux emplois directement liés à l'activité du journal seront directement menacés. Paris-Normandie avait démontré ces dernières années, dans un contexte de bouleversement sans précédent de la presse, sa capacité d'innovation. Il reste beaucoup à faire mais, comme chaque fois, Mme la députée est persuadée qu'il saura relever tous les défis de demain tout en conservant l'esprit qui lui a permis de traverser les décennies depuis sa fondation, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Mais, dans ce contexte de crise sanitaire, ses ventes ont baissé dès le début du confinement de 20 % et ses recettes publicitaires de 90 % et il sera privé sans doute pour encore un moment de la majeure partie de ses recettes publicitaires et entravé dans sa diffusion. C'est d'ailleurs l'ensemble du secteur de la presse qui n'est pas au mieux de sa forme depuis le début du confinement. Elle lui demande s'il envisage de mettre un place un dispositif d'aide exceptionnel pour sauvegarder les emplois des deux sociétés (SNIC et RNP) et de permettre à Paris-Normandie de passer le cap du covid-19.

Réponse émise le 6 avril 2021

La situation financière du secteur de la presse est structurellement fragile. En 10 ans, son chiffre d'affaires ventes (ventes au numéro et abonnements) a baissé de 22 %. Dans le même temps, son chiffre d'affaires publicitaire (publicités et annonces) a baissé de 56 %. La crise sanitaire constitue un choc conjoncturel négatif pour le secteur. La presse a connu une chute massive de ses investissements publicitaires en 2020 (une baisse allant jusqu'à 90 % certains mois, une baisse globale à l'année de 18,9 %, de 25,1 % pour la presse magazine, de 14,5 % pour la presse quotidienne nationale et s'agissant plus particulièrement de la presse quotidienne régionale, de 15,8 %). La Société normande d'information et de communication, éditrice du journal quotidien de presse régionale Paris-Normandie, rencontrait des difficultés financières depuis plusieurs années, situation qui s'est aggravée avec la crise sanitaire. En avril 2020, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé sa liquidation judiciaire et, au mois de juin, il actait la reprise du titre par le groupe Rossel. Le groupe Rossel présente un chiffre d'affaires consolidé en 2019 de 505 M€, 3 740 employés, 70 titres – dont 14 quotidiens – et des fonds propres de 250 M€. Ces éléments ont contribué à la décision du tribunal qui permet d'assurer la pérennité du titre. Plus largement, le président de la République a présenté, le 27 août 2020, les mesures d'un ambitieux plan de filière pour soutenir la presse. Celui-ci est constitué d'un volet d'urgence lié à la crise et spécifique au secteur, qui s'ajoute aux mesures transversales à l'ensemble de l'économie auxquelles les acteurs de la filière peuvent avoir recours et d'un volet de mesures de plus long terme, visant à consolider l'avenir de la presse. L'État s'est pleinement mobilisé pour accompagner et préserver la distribution de la presse au numéro dans un contexte de crise en apportant un soutien financier à hauteur de 187 M€ en 2020 (pour assurer la continuité d'activité de Presstalis et accompagner le lancement de France Messagerie), dont 140 M€ sous forme de subventions du programme 180 et 47 M€ en prêts du Fonds de développement économique et social. Par ailleurs, le ministère de la culture a aidé en urgence les acteurs les plus fragiles de la filière, par la mise en place de trois aides exceptionnelles votées en loi de finances rectificative 3 pour 2020 : l'aide au bénéfice de certains diffuseurs de presse (19 M€), l'aide au bénéfice des éditeurs d'information politique et générale les plus fragilisés par la liquidation de Presstalis (8 M€) et enfin l'aide aux titres ultramarins d'information politique et générale (3 M€). Outre cette série de mesures d'urgence, qui ont donné lieu à des versements fin 2020, le plan de filière comprend par ailleurs des mesures davantage structurelles s'inscrivant sur le plus long terme. Ainsi, en loi de finances pour 2021, a été inscrite la mise en place de deux nouvelles aides pérennes au pluralisme : une aide au pluralisme des services de presse en ligne (4 M€) ; une aide au pluralisme des titres ultramarins (2 M€). De plus, au titre du plan de relance, 140 M€, sur les années 2021 et 2022, bénéficieront au secteur de la presse : la mise en place d'un fonds de lutte contre la précarité dans le secteur (36 M€ sur deux ans) ; la mise en place d'un fonds pour la transition écologique (16 M€ sur deux ans) ; la mise en place d'un fonds pour la réforme industrielle des imprimeries (31 M€ sur deux ans, en plus de 5 M€ déjà votés en loi de finances rectificative pour 2020 pour amorcer ce fonds) ; le renforcement des crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse (45 M€ sur deux ans, en plus de 5 M€ supplémentaires déjà votés en loi de finances rectificative pour 2020) ; le doublement de l'aide à la modernisation des diffuseurs (12 M€ sur deux ans). C'est également dans le cadre du plan de filière qu'a été annoncée la mise en place d'un crédit d'impôt pour les premiers abonnements à la presse d'information politique et générale. Voté en loi de finances rectificative 3 pour 2020, ce dispositif a été pré-notifié à la Commission européenne. Le prochain retour de la Commission au regard de la conformité du dispositif au droit européen devrait permettre sa rapide mise en œuvre. Ces différentes mesures visent à accompagner les mutations du secteur et à réaffirmer l'attachement de l'État à une presse libre, indépendante et pluraliste. Il s'agit d'un enjeu vital pour la démocratie.

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