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Sabine Rubin
Question N° 29775 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 26 mai 2020

Mme Sabine Rubin interroge M. le ministre de l'intérieur sur le nombre anormalement élevé de contrôles et de contraventions au sein de la Seine-Saint-Denis durant la période du confinement. Entre le début du confinement et le 25 avril 2020, ce sont en effet près de 242 249 contrôles qui auront été effectués dans son département par les forces de l'ordre, donnant lieu à plus de 41 000 contraventions, près de 900 par jour, pour non-respect des règles du confinement. La Seine-Saint-Denis est donc le territoire métropolitain où le taux d'amende par contrôle a été le plus élevé, oscillant autour de 17 %. Ce nombre de contrôles particulièrement élevé a donné lieu à une couverture médiatique pour le moins biaisée, laissant entendre une indiscipline anormalement forte sur le département, recyclant les clichés les plus éculés sur les « banlieues », peuplées par ces nouvelles « classes dangereuses » du XXIème siècle. Certes, de nombreux facteurs sociaux peuvent aussi participer de cette difficulté à respecter les règles du confinement : densité humaine forte, logements exigus et absence bien souvent de lotissement individuel doté d'un jardin, une natalité et démographie dynamique dans ce territoire parmi les plus jeunes et les plus pauvres de France métropolitaine, multipliant les conflits d'usage au sein des familles pour l'accès aux loisirs, à l'espace, au matériel informatique. Cependant, il existe aussi dans le département un problème structurel affectant les rapports quotidiens entre les forces de l'ordre et les habitants, que traduit la kyrielle de « contrôles d'identité » effectuée sur le territoire avant le confinement et qui s'apparente aux yeux de nombreuses associations et ONG à une forme de « contrôle social ». Malgré de multiples initiatives parlementaires portant sur la mise en place d'un récépissé lors des contrôles d'identité, alors qu'il s'agit du seul acte de police ne donnant pas lieu à une attestation quelconque remise aux citoyens, les ministres de l'intérieur successifs n'ont pas jugé opportun de donner suite à cette demande d'un cadre plus strict. L'absence donc de contrôle, de retour d'expérience et de suivi renforcent le sentiment d'un contrôle social portant en priorité sur les classes populaires, les jeunes et les personnes racisées, ainsi que tend à l'étayer une enquête de près de 2 années du CNRS à ce sujet. Or, Mme la députée est attachée à une police républicaine dont la première mission est d'assurer la sécurité des biens et des personnes, garante de la sûreté et de l'ordre public, mais qui attache à l'exercice de son métier un respect des personnes et un devoir d'exemplarité où le racisme, par exemple, ne devrait pas avoir sa place. De même, les initiatives répétées de nombreux parlementaires, toutes étiquettes politiques confondues, exposant la nécessité d'un grand plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis, qui puisse œuvrer dans le sens d'une véritable égalité territoriale et républicaine, sont pour le moment restées lettre-morte. La dernière en date, s'appuyant sur le récent rapport parlementaire Cornut-Gentille, et malgré les déclarations rassurantes de Matignon, ne s'est toujours pas concrétisée pour résorber ces terribles inégalités. À l'aune de ces différents éléments, elle souhaiterait donc savoir s'il est possible d'affecter les sommes importantes récoltées dans le cadre de ces contrôles à des mesures spécifiques d'égalité républicaine sur le département, prioritairement en direction des services publics de la justice, de l'école et de la police elle-même.

Réponse émise le 28 décembre 2021

Face à l'épidémie de covid-19, les forces de l'ordre ont été mobilisées pour faire respecter les règles du confinement décidées par le Président de la République le 16 mars 2020 ainsi que les mesures induites par l'état d'urgence sanitaire. Ces mesures de contrôle sont prises pour éviter la contagion de l'épidémie, et ainsi préserver autant que possible la santé de la population des territoires concernés. Dans l'ensemble, la population a respecté les règles de confinement et les contrôles ont rarement soulevé de difficultés. Au total, lors des 970 158 contrôles menés au cours de cette période au sein des départements de l'agglomération parisienne, 114 004 contraventions ont été établies. 22,2 % de ces contrôles ont été réalisés dans le département de la Seine-Saint-Denis (0,133 contrôle par habitant), 42,6 % à Paris (0,187 contrôle par habitant), 20,6 % dans les Hauts-de-Seine (0,122 contrôle par habitant) et 14,6 % dans le Val-de-Marne (0,101 contrôle par habitant). 17 % de ces contrôles ont abouti à des verbalisations en Seine-Saint-Denis (0,022 contravention par habitant), 10 % à Paris (0,018 contravention par habitant), 8,5 % dans les Hauts-de-Seine (0,010 contravention par habitant) et 14 % dans le Val-de-Marne (0,014 contravention par habitant). Par ailleurs, 377 individus ont été mis en cause en Seine-Saint-Denis pour le délit de réitération des violations et interdictions édictées pendant l'état d'urgence sanitaire. Ce délit est constitué à la 4ème verbalisation visant une même personne en un mois. 304 personnes ont été mises en cause pour ce délit à Paris, 185 dans les Hauts-de-Seine et 202 dans le Val-de-Marne. Ainsi, durant cette période, les policiers ont été pleinement mobilisés pour faire respecter les règles du confinement sur l'ensemble des territoires de l'agglomération parisienne. Elles ont été appliquées de manière identique, sans distinction ni discrimination, et avaient pour unique objectif de protéger la santé de la population. S'agissant des contrôles d'identité, le cadre juridique existant écarte tout contrôle qui serait fondé sur l'origine, réelle ou supposée, de la personne qui en fait l'objet. En effet, en plus des cas où les contrôles sont effectués conformément aux réquisitions du procureur de la République, les premiers alinéas de l'article 78-2 du CPP font reposer les contrôles d'identité sur des critères objectifs stricts, n'attribuant en réalité aucun pouvoir arbitraire aux forces de l'ordre : soit l'existence de raisons plausibles de soupçonner que l'intéressé est lié à la commission d'une infraction, soit la nécessité de prévenir une atteinte à l'ordre public. La notion de « raisons plausibles » est une notion précisément définie en droit, et les membres des forces de sécurité intérieure savent que ces raisons doivent être objectivement circonstanciées, au regard notamment du comportement de l'intéressé pris dans son contexte. Quant aux contrôles préventifs, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 93-323 DC du 5 août 1993, que « l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle. » Les critères du contrôle doivent être d'autant plus objectifs que le code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales prévoit que : « le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf s'il dispose d'un signalement précis motivant le contrôle » (article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure). Le ministère de l'Intérieur a engagé, depuis mars 2017, l'expérimentation puis la généralisation des dispositifs d'enregistrement de type caméras piétons, encadrés par les articles L. 241-1 et R. 241-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Cet équipement permet aux agents de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale de procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles portées de manière apparente, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées. Le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l'interdisent. Les enregistrements ainsi obtenus, qui ont pour finalité de prévenir des incidents en cours d'intervention, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuve ainsi que le respect, par les agents et militaires des obligations leur incombant, sont de nature à dissuader les éventuels contrôles abusifs.

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