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Danièle Obono
Question N° 30060 au Ministère de l’europe


Question soumise le 2 juin 2020

Mme Danièle Obono alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la relation commerciale entre la société française Voltalia, spécialisée dans la fourniture d'électricité renouvelable, et la société birmane de téléphonie MyTel, et les violations des droits humains qui pourraient en résulter. La mission d'établissement des faits de l'ONU sur le Myanmar du 17 septembre 2018 conclut à l'existence d'éléments caractérisant l'intention génocidaire de l'État birman vis-à-vis de la minorité Rohingya. Elle documente des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis dans l'état de Rakhine, mais aussi dans les états Shan et Kachin à l'encontre d'autres minorités, de 2011 à 2019. En septembre 2019, la mission onusienne a consacré un rapport sur l'emprise de l'armée birmane sur l'économie du pays. Ce rapport fournit notamment une liste non exhaustive de sociétés birmanes contrôlées ou détenues par l'armée qui auraient contribué, directement ou indirectement, à des violations graves du droit international humanitaire et des droits humains (en particulier dans les régions où les violations des droits sont les plus graves et répandues). Parmi les entreprises listées figure l'opérateur de télécommunication MyTel, partiellement détenu par les forces armées, et qui financerait les mouvements extrémistes commettant des exactions contre les minorités du pays. Or, selon l'association Sherpa : « Contrairement à d'autres partenaires occidentaux de Mytel qui ont cessé leur relation commerciale avec l'opérateur, Voltalia continue de lui fournir de l'électricité. Alors qu'elle affiche des valeurs d'intégrité et de transparence, elle collabore directement avec une entreprise liée à l'armée birmane ». Mise en cause pour les crimes les plus graves en droit international, l'armée birmane continue d'agir en toute impunité. La mission d'établissement des faits de l'ONU a appelé la communauté internationale « à couper tout lien avec l'armée birmane et le vaste réseau d'entreprises qu'elle contrôle et sur lequel elle s'appuie », car « toute activité d'une entreprise étrangère impliquant l'armée et ses deux conglomérats (MEHL et MEC), expose à un haut risque de contribuer ou d'être en lien avec des violations du droit international des droits de l'Homme et du droit international humanitaire (...). A minima, ces entreprises étrangères alimentent la capacité financière de l'armée. » La situation est d'autant plus préoccupante que le 23 mars 2020, le ministère des transports et des communications du Myanmar annonçait le blocage de 221 sites internet comprenant ceux de médias indépendants. Une décision gravement attentatoire à la liberté d'expression mise en œuvre par l'opérateur de télécommunication MyTel. Elle lui demande donc ce que son ministère compte faire pour que la France ne soit pas impliquée, même indirectement, dans des violations de droits humains si caractérisées. En particulier, elle souhaite savoir s'il entend intervenir auprès de la société Voltalia pour qu'elle cesse toute coopération avec le régime birman.

Réponse émise le 4 août 2020

Près de trois ans après le début des exactions commises par les forces armées birmanes contre les populations Rohingyas, que le président de la République avait dénoncées dès septembre 2017 comme un "nettoyage ethnique", la France demeure préoccupée par la situation en Birmanie, et, plus particulièrement dans l'Etat du Rakhine et le Sud de l'Etat Chin, où les combats se poursuivent. Face à cette situation, la France s'est pleinement mobilisée dès le début de cette crise et poursuit encore aujourd'hui cet effort aux niveaux bilatéral, européen et dans les instances multilatérales onusiennes. La France et le Royaume-Uni ont ainsi été à l'initiative de la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en novembre 2017, définissant une feuille de route en vue d'une sortie de crise. Le principe du respect de cette déclaration présidentielle a notamment été rappelé par la France et les membres de l'Union européenne du Conseil de sécurité le 14 mai dernier à l'issue de consultations sur la Birmanie. La France a soutenu l'établissement d'un mécanisme d'enquête indépendant par le Conseil des droits de l'Homme en septembre 2018 pour recueillir, consolider, préserver et analyser les preuves documentant la commission des crimes internationaux les plus graves et de violations du droit international, afin de faciliter les poursuites à l'encontre de leurs auteurs par les autorités judiciaires compétentes. Elle a co-parrainé les résolutions adoptées le 26 septembre 2019 au cours de la 42ème session du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies et le 14 novembre 2019 au cours de la 74ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies. S'agissant de la procédure en cours devant la Cour internationale de justice (CIJ) opposant la Gambie à la Birmanie, elle a publiquement rappelé en janvier 2020 qu'il appartenait à la Birmanie de mettre en œuvre les mesures conservatoires ordonnées par la CIJ. L'Union européenne a par ailleurs prolongé une nouvelle fois, le 23 avril dernier, pour un an, son régime de sanctions à l'encontre de la Birmanie. Enfin, sur le plan humanitaire, la France a contribué à hauteur de 10,8 millions d'euros depuis le début de la crise, et l'aide de l'Union européenne s'élève à plus de 150 millions d'euros. Ces contributions se traduisent très concrètement à travers l'appui à plusieurs ONG et à certaines agences onusiennes et organisations internationales actives dans la zone. Conformément à ses engagements, la France encourage également toutes les entreprises, et en premier lieu les entreprises françaises, à respecter les droits de l'Homme dans toutes leurs activités et en particulier en exerçant une diligence raisonnable dans ce domaine. C'est seulement dans le respect de ces exigences que les entreprises internationales, dont les entreprises françaises, pourront contribuer au développement économique inclusif du pays ainsi qu'au renforcement de la transition démocratique birmane. C'est à ce titre que la France adhère, notamment, aux principes directeurs des Nations unies pour les droits de l'Homme et les entreprises, approuvés par consensus par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2011. Elle a publié le 26 avril 2017 son plan national d'action pour la mise en œuvre de ces principes directeurs. Des informations dont dispose le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, il ressort que l'entreprise Voltalia n'a pas de liens commerciaux directs avec l'entreprise de télécommunications birmane MyTel. La France continuera à être vigilante à la situation des droits de l'Homme et aux activités des entreprises françaises engagées en Birmanie, ainsi que dans la prévention de tous les liens commerciaux directs dommageables à la situation des droits de l'Homme dans ce pays. Elle restera également pleinement mobilisée avec ses partenaires en vue d'une réponse collective de la communauté internationale aux violences commises à l'égard des populations Rohingyas.

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