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François-Michel Lambert
Question N° 30546 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 23 juin 2020

M. François-Michel Lambert attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences des dispositions de l'arrêté du 14 avril 2020 modifiant l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé. Avec la création de l'amende forfaitaire pour usage de stupéfiant dont l'expérimentation commence en juin 2020 à Rennes, Reims et Créteil, cet arrêté va permettre de ficher pour une période de dix ans les simples usagers de cannabis. En étendant le fichier des contrôles automatisés à toutes les procédures d'amendes forfaitaires, contraventionnelles et délictuelles, prévues à l'origine pour sanctionner les infractions routières, cet arrêté vient placer l'infraction pour usage de stupéfiant dans un fichier dit CA constituant un « système de contrôle automatisé », pour une durée de 10 ans. L’accès à ces données risque de dépasser les seules autorités judiciaires, militaires ou policières, le fichier étant consultable par les loueurs de voiture ou les sociétés mettant à disposition de leurs collaborateurs des véhicules. Il peut générer des préjudices disproportionnés pour les personnes fichées pour simple consommation de cannabis et pour une durée de 10 ans. Se voir refuser une location de voiture pour une infraction passée, ou un véhicule professionnel ou faire l'objet d'un contrôle « stupéfiant » motivés par une simple lecture de plaque d'immatriculation ne sont pas à exclure. En outre, avec le cumul des fichages qui existe déjà les dispositions de cet arrêté ne semblent pas utile pour le maintien de l'ordre public. Un usager de cannabis pris en infraction pourra rentrer dans le fichier CA, dans le fichier TAJ (Traitement d'antécédents judiciaires) dans le fichier Osiris, créé sous l'OCRTIS pour les infractions au trafic mais désormais étendu aux ILS (infractions liées aux stupéfiants), et son infraction sera inscrite sur son casier judiciaire. Dès lors, il souhaiterait connaître l'avancement de la réflexion du Gouvernement au sujet de la politique de répression pour usage de cannabis et les mesures qu'il compte prendre pour éviter les dérives prévisibles de cet arrêté qui étend le fichage pour dix ans des simples consommateurs.

Réponse émise le 8 septembre 2020

Il convient de préciser que le système de contrôle automatisé (SCA) n'est pas un fichier d'antécédents. Il s'agit d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, dont les finalités, strictement énumérées à l'article 1er de l'arrêté du 13 octobre 2004 permettent l'enregistrement de données collectées lors de la constatation d'une infraction, soit au moyen d'un appareil de contrôle automatique, soit au moyen d'un procès-verbal électronique, aux fins de lui appliquer la procédure de l'amende forfaitaire. S'il a d'abord été conçu pour le traitement des infractions constatées par ou à partir d'un appareil de contrôle automatique (d'où sa dénomination), l'évolution du périmètre de ce traitement est, par essence, étroitement liée à celle du périmètre de l'amende forfaitaire et des solutions de constatation (contrôle automatique) et de verbalisation (procès-verbal électronique) qui en sont le socle opérationnel. Depuis 2009 et l'introduction du procès-verbal électronique dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, le législateur a, en lien direct avec la promotion de cette solution de verbalisation dématérialisée, dédiée à l'amende forfaitaire, consacré le principe du traitement automatisé des informations nominatives qui en sont issues. En fonction de la catégorie d'infraction (contravention ou délit, infraction routière ou non routière), les catégories de données enregistrées dans le traitement, les durées de conservation de ces données ainsi que les catégories de personnes y ayant accès, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, ou pouvant en être destinataires, sont strictement énumérés dans l'arrêté précité, dont chaque modification a été effectuée sous le contrôle attentif de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Dans sa délibération n° 2020-043 du 9 avril 2020, cette dernière a constaté que les finalités poursuivies par ce traitement, s'agissant de la gestion des procès-verbaux électroniques, en lien avec des amendes forfaitaires sont « explicites et légitimes, conformément à l'article 4-2° de la loi Informatique et Libertés (…) ». S'agissant des catégories de données collectées, la CNIL a considéré qu'elles étaient « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». Par conséquent, le cloisonnement ainsi opéré entre les différentes catégories de données d'une part, et la liste des accédants et des destinataires de ces données d'autre part, rendent sans objet les risques de dérives telles que décrites dans la question. Les loueurs et gestionnaires de flotte ne sont « destinataires », concernant « les infractions relatives à la circulation routière » (ce qui exclut donc l'usage de stupéfiants) que des seules données relatives aux « éléments d'identification du véhicule », permettant de faciliter l'acheminement des avis de contravention, suite à la désignation des personnes physiques, auteurs d'une contravention au code de la route, au volant d'un véhicule immatriculé au nom de la société gestionnaire. De même, l'immatriculation du véhicule ne fait pas partie des données qui sont enregistrées dans le SCA concernant une infraction autre que routière, de sorte qu'un contrôle « stupéfiant » ne peut être diligenté à partir de cette donnée. Concernant les durées de conservation des données, il n'a pas échappé à la CNIL qu'en matière délictuelle (l'usage illicite de stupéfiants est un délit puni d'un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende et l'application de la procédure de l'amende forfaitaire n'est pas systématique mais résulte des choix de politique pénale arrêtés par le ministère public), la durée de conservation de dix ans prévue à l'article 2 de l'arrêté précité est à mettre en lien avec les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale en matière de prescription de l'action publique et de la peine, au regard de la procédure de l'amende forfaitaire applicable aux délits et des délais de recours et de mise en paiement des amendes qui y sont prévus. Enfin, l'alimentation des différents fichiers d'antécédents mentionnés dépasse le strict cadre du SCA et tient d'une part à la nature délictuelle de l'usage illicite de stupéfiants et aux finalités de chacun de ces fichiers d'autre part.

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