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Olivier Gaillard
Question N° 30592 au Ministère de la transformation


Question soumise le 23 juin 2020

M. Olivier Gaillard interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur un projet de réforme qui pourrait impacter fortement les élus et les finances publiques. Il s'agit de la réforme du contrôle des dépenses publiques envisagée dans le cadre de la réforme « Action publique 2022 ». Les décisions budgétaires votées par les élus des collectivités sont actuellement soumises au contrôle des comptables publics qui représentent l'État. S'il a un doute sur la légalité des décisions budgétaires de l'ordonnateur, le comptable public, responsable sur ses propres deniers, est tenu de les invalider. Le programme « Action publique 2022 » n'exclut pas de remettre en cause, au moins partiellement, le système de séparation entre la prise de décision politique de dépenser et la validation légale de la dépense. Ce principe de séparation entre l'ordonnateur et le comptable est un garde-fou de la gestion publique qui existe depuis deux siècles. L'une des nombreuses réformes préconisées au sein du rapport du Comité action publique 2022 (juin 2018) est de « passer d'une logique de contrôles a priori à une logique de contrôles a posteriori recentrés et plus efficaces ». Le contrôle a priori exercé par les comptables publics sur les décisions d'engagement des fonds publics par les élus est donc potentiellement supprimé. S'il n'y a plus de contrôle a priori par le comptable public, se pose alors la question de la responsabilité de l'ordonnateur et des sanctions a posteriori en cas d'erreurs et de fautes commises par ce dernier. Ceci engendrerait la substitution de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables par « des dispositifs de contrôle et d'audit internes mais aussi par la responsabilité financière des ordonnateurs en cas de présentation de comptes insincères, de dissimulations financières ou de manipulation de résultats, etc. » Ainsi, les contrôleurs budgétaires évolueraient vers « un métier plus proche du contrôle de gestion et de l'appui aux gestionnaires ». Dans une lettre de mission, M. le ministre de l'action et des comptes publics a confié à MM. Jean Bassères et Stéphanie Damarey un rapport présentant les grandes lignes d'un régime rénové et unifié de responsabilité des gestionnaires publics. Si comme l'a indiqué la Cour des comptes, le régime de responsabilité des acteurs de la chaîne financière peut connaître une amélioration, il lui demande si malgré ce il conçoit que la réforme puisse franchir le cap de la suppression de la séparation entre l'ordonnateur et le comptable.

Réponse émise le 29 décembre 2020

Dans le cadre du programme Action publique 2022, différents travaux relatifs à la modernisation de la gestion publique ont été lancés. Le chantier de « modernisation de la gestion budgétaire et comptable » (GBC) piloté par la direction du budget et la direction générale des finances publiques, en lien avec la direction interministérielle de la transformation publique, comprend parmi ses objectifs l'accroissement de l'efficience de la gestion budgétaire et comptable, notamment en ce qui concerne la chaîne de la dépense. Sur ce premier point, le rôle des comptables locaux découle à la fois, et selon une combinaison habituelle en comptabilité publique locale, de textes de droit commun, essentiellement l'article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 relatif à la responsabilité des comptables publics, et de dispositions spécifiques issues du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) (notamment les articles 19, 20 et 42). Les compétences combinées de l'ordonnateur et du comptable permettent ainsi d'assurer la bonne exécution des opérations de dépenses et de recettes publiques et de garantir la sincérité des comptes publics. Cette règle implique une dualité, en principe irréductible, de fonctions : celui qui décide, à savoir l'ordonnateur, ne manie pas les fonds et celui qui manie les fonds, à savoir le comptable, ne décide pas et contrôle, sous sa responsabilité, la régularité financière et non la légalité interne de l'opération. Ainsi, le contrôle du comptable public ne s'exerce aujourd'hui que dans la stricte limite des contrôles dont il est personnellement et pécuniairement responsable : il ne doit pas être étendu à une vérification de la légalité au fond des actes transmis, et notamment à l'intérêt public de la dépense en cause. En parallèle, la reconfiguration de la chaîne administrative de la dépense locale a été amorcée dans la quasi-totalité des collectivités territoriales et établissements publics de santé, avec la mise en place progressive du contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) et du contrôle allégé en partenariat (CAP) en poste comptable. L'article 42 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique fonde désormais le contrôle sélectif comme le principe du contrôle de la dépense locale par le comptable public. Alors que l'objectif du CHD est de cibler les contrôles en fonction du type de dépense et de leurs enjeux et de les proportionner aux risques, le CAP se situe en amont et vise, quant à lui, à prévenir les risques sur les procédures internes de contrôle mises en œuvre par l'ordonnateur. À la date du 1 juin 2020, 99,84 % des postes comptables ont opté pour la mise en place du contrôle sélectif sur au moins un budget. La modernisation de la fonction financière continue d'avancer avec la révision récente du décret GBCP permettant d'ores-et-déjà d'actionner plusieurs leviers concourant à cet objectif : - la suppression de la présentation de la comptabilité d'analyse des coûts (CAC) annexée au PLF, qui ne répondait pas aux attentes du Parlement ni des gestionnaires, au profit d'une démarche plus adaptée de comptabilité analytique ; - la modulation des contrôles exercés par les contrôleurs budgétaires des ministères et des organismes, au regard des dispositifs de contrôle interne budgétaire et des résultats de leurs propres contrôles ; - la suppression du contrôle de légalité sur les actes de personnel de l'État et des organismes, qui responsabilise les gestionnaires pour la gestion des agents contractuels ; - l'allègement des contrôles de l'ordonnateur sur la conformité du service fait, en fonction de la nature de la dépense ou de l'évaluation des risques. Pour autant, aucune réforme en cours ne prévoit la remise en cause du principe de la séparation de l'ordonnateur et du comptable qui demeure un principe fondamental du droit budgétaire.

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